Liberté : Le Gaan bouclera bientôt une année d’existence. En quoi consiste sa mission ?
Bachir Tadjeddine : Le Groupement algérien des acteurs du numérique (Gaan) est un ensemble d’entreprises qui œuvrent dans le numérique et qui se sont réunies pour fédérer et changer les lois actuelles, afin de s’adapter aux besoins des entreprises. Nous visons aussi la création d’un écosystème favorable au developpement de l’entreprise algérienne dans le secteur du numérique.
Le Gaan compte parmi ses rangs 500 entreprises adhérentes, plus de 5 000 personnes qui nous suivent sur les réseaux sociaux et dispose de 25 commissions dont 9 sont très actives. Ces dernières ont déjà élaboré des documents remis au ministre et autres responsables chargés du secteur et, pour certains, communiqués même au Premier ministre.
L’Algérie accuse un grand retard dans le domaine du numérique et chacun y va de sa propre argumentation pour l’expliquer. Quelle est la vôtre ?
Avant d’aller vers quelque chose, il faut bâtir des fondements. Il faut une vision et une stratégie qui doivent découler d’un plan d’action, et ce n’est pas le cas. Pis encore, en Algérie, chacun fait ce qu’il veut, et c’est inadmissible. Nous avons, d’ailleurs, directement cherché à savoir comment numériser en faisant fi de la question “pourquoi numériser ?”.
Il est indispensable d’accorder nos violons quant aux objectifs définis et la manière d’y parvenir. Sachez qu’il n’existe aucune stratégie nationale concernant le numérique en Algérie, raison pour laquelle nous nous sommes penchés sur la question et nous nous en sommes sortis avec un document que nous avons envoyé au Premier ministre.
Que préconisez-vous comme solutions ?
C’est justement le contenu du document dont j’évoque l’existence et qui regroupe un ensemble de propositions. Il se résume en quatre axes principaux : il faut d’abord assurer une infrastructure adéquate et solide (une connexion internet haut débit, la sécurité, etc.). On parle aussi de l’e-gouvernement (dématérialisation des services administratifs offerts aux citoyens, de la ressource humaine et de la difficulté d’accéder aux terminaux (micro-ordinateurs) pour diverses raisons.
Cela a amené les Algériens à se rabattre sur les smartphones et uniquement les smartphones. Et pour maturer tout cela et l’appliquer, il nous faut créer une structure liée directement au Premier ministre chargé de l’informatisation du pays, tout comme l’a fait l’Inde, à titre d’exemple, et qui a réalisé le succès que l’on connaît.
Avec 20 millions d’Algériens qui accèdent à internet et aux transactions bancaires, pour ne citer que celles-là, qui ont quadruplé lors de cette pandémie, nous pouvons dire, aisément, que les Algériens sont fin prêts pour la numérisation. Il suffit, juste, de leur donner les moyens et la possibilité d’utiliser internet comme il se doit pour régler leurs problèmes. Aujourd’hui, pour créer une entreprise, c’est la croix et la bannière, et c’est aberrant. Il faut libérer les initiatives.
Pouvez-vous être plus explicite ?
Savez-vous que pour créer une entreprise, il nous faut huit numéros ? Le numéro du registre du commerce, celui de l’article d’imposition, le numéro du matricule fiscal, le numéro d’identifiant statistique, le numéro de l’employeur, celui de l’inscription à l’Anem, celui de la Casnos. Et pour obtenir chacun de ces numéros, il faut déposer un dossier, des statuts, etc. Le plus judicieux est de réunir tout ce beau monde et s’entendre sur un numéro commun, et régler ainsi le problème de la bureaucratie qui s’avère être un grand frein.
La numérisation est seule à même de nous permettre d’avancer plus vite avec plus de transparence et nous aurons un nombre beaucoup plus important d’entreprises qui exercent et de facto beaucoup plus de postes d’emploi. La réglementation, telle que conçue actuellement, bloque l’entrepreneuriat. Il faut une plus grande cohérence dans la démarche pour garantir la réussite du processus de numérisation perçue comme un véritable levier de performances pour relancer l’économie et augmenter la croissance.
Propos recueillis par : N. SAÏDOUN