L’Actualité Ali-Bey Nasri, président de l’Association nationale des exportateurs algériens

“On ne comprend pas l’utilité d’interdire certaines exportations”

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Badreddine KHRIS Publié 27 Janvier 2021 à 01:27

© D. R.
© D. R.

Liberté :  Vous avez pris part récemment à une réunion au ministère délégué au Commerce extérieur dans le cadre de la préparation de la stratégie  nationale  des  exportations  hors  hydrocarbures  (EHH).  Peut-on  savoir  quelles  ont  été  les  problématiques  soulevées  et  les solutions proposées par votre association ?

Ali-Bey Nasri :  Nous  avons  mis l’accent sur la lancinante problématique de la  réglementation  des  changes  dont  la  rétrocession  des  devises,  la dépénalisation de l’acte d’exportation, l’adaptation de I‘ordonnance 96-22 relative à la répression des fraudes et au flux de capitaux de et vers l'étranger au dispositif de I’ordonnance 96-06 relative à l'assurance-crédit à I’exportation, c’est-à-dire l’on ne peut parler de défaut de rapatriement de devises si la créance en question est garantie par un contrat d'assurance.

Nous avons suggéré aussi l’annulation de certaines taxes sur les opérations d'importation de services, si le paiement est  intervenu à partir d'un compte devises, ce qui amènera les opérateurs à recourir à leurs comptes devises au lieu de recourir aux réserves de changes. Nous avons également proposé la réduction ou la suppression de certaines charges fiscales liées aux opérations d’exportations…

Comment les exportateurs vivent-ils la situation de crise dans laquelle se débat actuellement l’Algérie ?
Plusieurs créneaux d’exportation sont à l’arrêt. De nombreux produits sont actuellement  suspendus  à  l’export.  C’est le cas des pâtes alimentaires et dérivés et les produits  du  terroir.  Or,  ces  produits  enregistrent  une forte demande de la  part  de  la  communauté  algérienne  installée  à  l’étranger notamment à l’approche du mois de Ramadan tels que le fric, les diouls, le tliti…, dont la valeur ajoutée est considérable.

La tonne de blé dur est évaluée à 300 dollars alors que l’exportation de ces produits peut atteindre les 3 000 dollars la tonne. On ne comprend pas l’utilité d’interdire l’exportation de ce type de produits très prisés outre-mer.

Le secteur de l’électronique et de l’électroménager est également interdit d’exportation alors qu’il existe des capacités dormantes importantes. Ce sont autant de niches de rentrée de devises négligées par les pouvoirs publics. Par ailleurs, la Zone de libre-échange africaine est une opportunité inouïe. Il faut aller à la conquête des pays africains pour investir sinon d’autres le feront à notre place.   

Le président de la République a fixé un objectif de 4 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures à réaliser avant l’année 2022. Pensez-vous que cela peut être réalisable ?
Impossible.  Ce  n’est  pas  réalisable  avec  les  conditions  actuelles  et  la réglementation des changes en vigueur. C’est l’épée de Damoclès qui pèse lourdement sur l’exportateur.   

Quelles sont selon vous les conditions nécessaires pour que l’Algérie améliore enfin ses performances à l’exportation ?
Je tiens à souligner que certains écueils qui bloquaient jusque-là cette activité ont été levés aujourd’hui. L’on observe un changement de cap de la part des autorités depuis quelques années.

En effet, le désintérêt affiché par les pouvoirs publics pour ce créneau durant de longues années a fini par disparaître. Aujourd’hui, le premier magistrat du pays parle d’exportations hors hydrocarbures. Il fixe même un objectif de 4 milliards de dollars à réaliser. Cela signifie que le président de la République va peser de tout son poids pour que l’ensemble des contraintes soient levées et que l’acte d’exporter se libère.

Mieux, la situation socioéconomique qui prévaut actuellement  dans notre pays, marquée par une récession, une dévaluation du dinar, des filières en cessation  d’activités, une  absence de débouchés…, constitue autant de paramètres qui ont créé  au sein  des entreprises  algériennes  un  intérêt croissant pour l’export.

À l’État, cependant, d’accompagner  ces sociétés dans cette perspective et leur donner confiance à travers la réglementation des changes et de cesser de traiter l’exportateur de fraudeur en puissance. 

L’on  constate  une  légère  avancée  de  l’activité  d’exportation  ces dernières années. Qu’en est-il selon vous ?
Oui,  je  partage  cet  avis.  Mais  je  suis   de  ceux   qui   disent   que  l’augmentation des EHH en Algérie depuis 20 ans a été le fait des nouveaux investissements. Si l’on analyse le créneau à partir de l’année 2000, l’on constate que 82% des EHH sont le résultat de nouveaux investissements notamment des IDE.

L’on peut citer l’exportation d’ammoniac et d’urée de la société Sofert, créée dans le cadre du partenariat Sonatrach Orascom et de l’entreprise Al Djazaïria Al-Omania Lil Asmida (AOA), qui lie Sonatrach aux Omanais. Le groupe Cevital demeure aussi un gros exportateur engrangeant plusieurs centaines de millions de dollars à l’export dans le secteur agroalimentaire.     

La Banque centrale, de son côté,  a-t-elle affiché  une volonté d’aider à libérer l’acte d’exporter ? 
Selon les informations dont nous disposons, la Banque  d’Algérie ne veut en aucun  cas  revoir  sa  réglementation  pour  encourager  les  exportateurs. Pourtant,  nous  avons  demandé  des  modifications  simples  dans  la réglementation des changes.

En tant que professionnels du secteur, nous affirmons  que  la réglementation en vigueur ne nous permet pas d’avancer puisqu’elle nous considère comme des opérateurs suspects. Il est inconcevable, voire  anormal que  la  Banque d’Algérie menace de prison, à travers une ordonnance, un exportateur pour un défaut de rapatriement de mille dollars !

L’exportateur a besoin également de la présence  de  banques algériennes à l’étranger  qui  l’accompagneront  au  sein  des  pays cible.   La  diplomatie commerciale a, elle aussi, un rôle primordial à jouer en apportant assistance et conseils aux exportateurs.  

D’après  votre  analyse, l’activité  d’exportation  est  actuellement  à la croisée des chemins… ?
Oui,  exactement. Au président de  la  République  de  traduire  sur  le  terrain, l’objectif des 4 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures à réaliser avant l’année 2022.  La  relance  des  exportations  dépendra  de  la  mise en œuvre sur le terrain de cet objectif.
 

Propos recueillis par : BADREDDINE KHRIS

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