Économie Privatisation d’entreprises publiques

Le pari risqué de la Bourse

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Ali TITOUCHE Publié 24 Janvier 2021 à 22:54

© Archives Liberté
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Le  comportement des épargnants  reste  la  grande inconnue d’une opération à risque, visant à ouvrir le capital d’entreprises publiques via la Bourse.

La   crise  financière  que  traverse  le  pays  complique  la  gestion  des entreprises publiques, habituées, pour certaines, au concours budgétaire de l’État propriétaire. Le gouvernement cherche actuellement une issue au sérieux casse-tête que poserait l’arrêt des aides directes et implicites aux fonctionnement des groupes publics, en examinant la possibilité de privatiser partiellement certaines entreprises en Bourse.

Le ministre des Finances et celui de l’Industrie ont annoncé, chacun, un projet de faire accéder au marché des valeurs mobilières des entreprises de leurs secteurs respectifs pour les besoins de leur recapitalisation. Deux banques et des groupes industriels relevant du secteur public économique devraient ainsi faire leur entrée en Bourse courant 2021.

Rencontré récemment au siège de son ministère, Ferhat Aït Ali a annoncé la finalisation par les services de son département de l’opération d’audit des groupes publics, une condition sine qua non, selon lui, pour la restructuration de certaines de ces entreprises en vue de leur admission en Bourse.

Le ministre a indiqué qu’il compte sur la mobilisation des épargnants parmi les entreprises publiques et privées ainsi que des capitaux dormants de la sphère informelle, “étant donné que les marchés spéculatifs qui captaient jusqu’ici ces capitaux, dont l’immobilier, se tarissent peu à peu et qu’il serait ainsi plus approprié d’investir ces excédents en dinars dans les groupes industriels candidats à une ouverture de capital via la Bourse”.

Le ministre de l’Industrie semblait confiant quant au succès de cette opération. Or, le comportement des épargnants reste la grande inconnue d’une opération à risque, dont le succès tient à la bonne volonté des potentiels investisseurs, de surcroît laminés par la crise en cours.

Pour montrer la voie et ressusciter la confiance chez les investisseurs, le directeur général de la Bourse d’Alger, Yazid Benmouhoub, suggère au gouvernement de reprendre à son compte le vieux projet d’introduire huit entreprises publiques viables en Bourse.

“Nous gagnerons à mettre sur le marché boursier certaines entreprises publiques et reprendre celles qui avaient figuré sur le projet de 2013 afin de montrer le chemin à d’autres sociétés”, a-t-il suggéré, comme pour dire que le succès de l’opération peut être conditionné par la qualité des entreprises candidates à la Bourse.

Même son de cloche chez Chabane Assad, analyste financier et fondateur du cabinet Finabi qui plaide en faveur d’une privatisation des entreprises publiques viables “ayant un potentiel de développement et procéder à la liquidation ou au changement du business model des entreprises n'ayant pas de perspectives de croissance”. 

Drainer l’épargne 
“Un  dernier  assainissement  financier  de  ces  entreprises  viables  est nécessaire. L'État actionnaire doit supporter cet  ultime  nettoyage  pour améliorer les indicateurs financiers de entreprises publiques cible”, estime Chabane Assad qui, sur sa lancée, appelle également à un changement radical de la gouvernance actuelle de ces entreprises cible en procédant à la nomination d'un nouveau management et à une refonte de la structure des conseils d'administration en privilégiant la compétence et l'indépendance de leurs membres. Il s’agit de “créer une séparation nette et irréversible entre l'État actionnaire et la gouvernance de ses entités”.  

En aval, un plan de communication basé sur la force de conviction est nécessaire à l’adresse des épargnants. Le processus de privatisation doit être accompagné par-dessus tout par des cabinets de conseil locaux, dont l’objectif est de défendre les intérêts des investisseurs minoritaires.

Pour Mohamed Achir, enseignant-chercheur à l’Université de Tizi Ouzou, il ne fait aucun doute que la situation monétaire et financière du pays, caractérisée par un tarissement sans précédent des ressources, va assurément influencer le comportement et les motifs des entreprises, des ménages et des investisseurs institutionnels (banques, établissements financiers et sociétés d’assurances).

Selon lui, les liquidités bancaires ont baissé jusqu’à 470 milliards de dinars au quatrième trimestre de 2020 (contre 1 200 milliards de dinars à la même période de 2019), ce qui signifie une baisse des avoirs nets intérieur et extérieur et une rigidité dans la distribution des crédits à l’économie.

“Cette situation n’encourage ni les ménages ni les entreprises à investir dans l’acquisition des parts sociales des entreprises”, estime Mohamed Achir. Les ménages ne sont pas suffisamment bancarisés et on compte seulement environ 3 millions de déposants dans les banques.

Leurs motifs s’orientent donc davantage vers des placements en biens immobiliers, la thésaurisation et le commerce informel. Quant aux investisseurs institutionnels (institutions financières et autres), leurs bilans comptent des actifs toxiques avec des créances douteuses et l’achat des bons de Trésor de l’État dans le cadre du financement non conventionnel (c’est du long terme, avec une faible rentabilité).

Du  reste,  la  Bourse  n’accepte,  en  principe,  que  les  entreprises performantes car c’est un lieu qui créé la valeur et non l’inverse. “Ce n’est pas par décret qu’on introduit une entreprise. C’est par l’évaluation du marché”, tranche notre interlocuteur qui suggère à l’État de s’intéresser plus tôt aux 6 000 milliards de masse fiduciaire qui circule hors circuit bancaire. 
 

Ali TITOUCHE

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