L’aveu lâché par Ahmed Ouyahia devant le tribunal a eu l’effet d’une bombe… à fragmentation. Choqués au plus haut point, les Algériens n’en reviennent pas. Dans leur naïveté légendaire, ils n’imaginaient pas que ce personnage était capable d’aller aussi loin dans ses “sales besognes”. Pendant plus de trente ans, il n’a cessé d’abreuver les Algériens de leçons de patriotisme, de sens de l’État et de l’esprit de sacrifice pour le pays. Le tout emballé dans une insupportable suffisance doublée d’un mépris à l’égard du “petit peuple à redresser”.
Cultivant faussement la stature d’un dirigeant politique “irréprochable” doté d’une supposée grande culture de l’État, l’homme a fini par se révéler sous sa vraie nature. Il est l’antithèse de ce que doit être un État. Il en est une menace même. Un cas à enseigner en matière d’arnaque politique. Derrière ce personnage qui aime arborer sa célèbre formule — “l’Algérie m’a tout donné, je n’ai que des factures à lui rendre” — apparaît en réalité une imposture sans nom. Lui qui a envoyé les meilleurs cadres gestionnaires en prison pour de supposées affaires de corruption montées de toutes pièces.
Cependant, dans ce phalanstère foutraque, celui qui fut plusieurs fois Premier ministre n’est pas un cas isolé. Il n’est pas l’expression d’une dérive personnelle. Mais celle d’une caste qui s’est emparée des pouvoirs de l’État pour servir des ambitions personnelles et familiales sans limites. En faisant son aveu “mortel”, Ouyahia a laissé entendre qu’il n’était pas le seul. De la face cachée de l’iceberg, il n’en a livré qu’un bout. Et c’est là justement où la justice doit “aller jusqu’au bout”.
Rusé qu’il est, Ahmed Ouyahia cherche, sans nul doute, à faire du chantage. “Je sais tout et je peux tout déballer”, semble-t-il vouloir dire. Une menace ! Il ne veut pas payer seul une si lourde facture. Il y a là une belle opportunité pour faire éclater toute la vérité sur le casse du siècle.
La justice ne doit pas se contenter de quelques bribes de vérité et d’aveux parcellaires. Le pays ne pourrait pas sortir indemne de cette épreuve si l’on prive les Algériens de savoir ce qui a été infligé à la nation. Ces personnages qui ont eu à diriger les affaires publiques depuis des décennies doivent parler. Dans notre cas, toute vérité est bonne à dire. Ce sera peut-être l’unique service qu’ils rendront au pays.