L’Actualité MOUNIR SAIDANI, PROFESSEUR DE SOCIOLOGIE À L'INSTITUT SUPÉRIEUR DES SCIENCES HUMAINES DE TUNIS

“C’EST UN PUTSCH DE PALAIS”

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Lyes MENACER Publié 26 Juillet 2021 à 23:28

© D. R.
© D. R.

Liberté :   La  décision  du  président  tunisien  Kaïes  Saïed  était-elle prévisible ?
Mounir Saidani : Dans une certaine mesure, oui. Il avait, à maintes reprises, déclaré son insatisfaction par rapport à ce qu’entreprenait le gouvernement comme actions, à ce qu’il prenait comme mesures.
Plus connus sont ses discours tout aussi coléreux qu’agressifs à l’encontre d’une classe politique qui ne ménageait elle-même aucun effort pour ternir encore plus son image. Ces mêmes discours ont enregistré une redondance manifeste d’expressions de mise en garde et d’expressions d’exaspération. Il a même déclaré que les “fusées étaient prêtes à être lancées” et que “toute retenue avait des limites”. Plusieurs “descentes” présidentielles ont tourné à des mini-bains de foule pendant lesquels, même s’ils n’étaient que furtifs, il trouvait toujours le temps pour annoncer qu’il ne restera pas, pour toujours, les bras croisés, et qu’il passerait, le moment opportun à l’action.  

Certains la considèrent comme un putsch contre le processus révolutionnaire et une menace pour l’avenir de la démocratie en Tunisie. Est-ce le cas ?
D’aucun parmi ses détracteurs ont signalé chez lui des “penchants” présidentialistes et même putschistes.
Je considère que c’est “un putsch de palais” si je peux me permettre l’expression. Je me la légitime sachant qu’il fait lui-même partie de la classe dirigeante et qu’il détient une partie du pouvoir. Un triple bémol cependant : le Président, qui s’est bien défendu d’être un putschiste, a affirmé qu’il a agi dans les limites de la légalité et de la légitimité, arguant qu’il agissait en tout conformité avec ce que stipule l’article 80 de la Constitution, il bénéficie d’un grandissant front politique qui lui a déclaré son appui, appelé à son soutien.
Le soutien “critique” de l’UGTT ne manquera pas de donner une “profondeur” populaire audit front, et le soutien des masses, spontané, largement diversifié socialement et régionalement, donne au coup d’échec politique l’envergure d’un mouvement populaire.   

Nous sommes face à quels scénarios maintenant ?
Il est difficile de voir très loin. Mais nous pouvons d’ores et déjà remarquer que des garde-fous sont là. Le contrôle que plusieurs acteurs politiques ont affirmé vouloir exercer, le souci de légalité chez le Président lui-même, les limites posées par l’article 80 lui-même (30 jours). Plus “la rue” restera hors de l’enjeu et du jeu, moins le scénario sera violent. Car ceux qui ont perdu le pouvoir ne se laisseront pas faire sans “contre-attaquer”.
C’est ici qu’Ennahdha par exemple appuiera de toutes ses forces “pour que les rouages du fonctionnement de l‘Erat reprennent au plus vite”. C’est une véritable épreuve pour eux et ses alliés.  

Quel rôle pourrait jouer l’Union générale des travailleurs tunisiens dans la résolution de cette crise ?
Après avoir rencontré le président (26-07-2021), le secrétaire général de l’UGTT a déclaré son soutien “prudent”. Avec sa très longue et fructueuse expérience de négociations, la centrale syndicale jouera un rôle temporisateur mais qui jouera, en dernière analyse, le jeu du Président. C’est dans le domaine social que se jouera la partie la plus ardue. L’un des slogans les plus populaires et en même temps le plus loin d’avoir été réalisé est celui appelant à “une justice sociale”.

Ira-t-on vers un changement de système de gouvernance, après cette crise, même si ce n’est pas encore le moment d’en parler ?
Nul ne peut ignorer que le futur de la “jeune démocratie tunisienne” se joue en ces jours-ci. Je ne parle pas de ce qui est communément appelé transition politique. Je parle de cette chère liberté acquise au profit des masses populaires longuement écartées de la participation politique, des jeunes, des femmes… Je ne crois pas que tout le régime changera. Si jamais les parties prenantes arrivent à s’arranger pour garantir une cohésion gouvernementale, une bonne partie des griefs contre cette démocratie qui peine à s’installer s’évanouira d’elle-même.
 

Entretien réalisé par : L. MENACER

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