L’Actualité Belkacem Benzenine, politologue et chercheur au CRASC d’Oran

“Dans le contexte actuel, le vote n’a pas de sens aux yeux des Algériens”

  • Placeholder

Samir OULD ALI Publié 29 Novembre 2021 à 10:39

© D.R
© D.R

“L’abstention ne signifie pas que les citoyens n’ont pas conscience des enjeux politiques. Bien au contraire, ils veulent que leurs voix soient respectées, mais ils croient que le moment n’est pas encore venu”, analyse le politologue Belkacem Benzenine.

Liberté : Quels enseignements tirez-vous du scrutin du 27 novembre 2021 ?

Belkacem Benzenine : Ces élections montrent, encore une fois, que la plupart des Algériens boudent les urnes. La vague de l’abstention est bien installée. Les élections locales, qui devraient susciter l’intérêt des citoyens, n’ont guère d’importance aux yeux des Algériens. Les partis politiques qui ont opté pour la participation n’étaient pas vraiment mobilisés pour être au rendez-vous. Et je pense qu’ils n’y croient même pas. Ils tentent de garder leurs relais clientélistes, mais n’arrivent pas à convaincre leurs bases, devenues plus faibles d’un scrutin à l’autre. En somme, la crise confiance s’est installée entre les gouvernés et les gouvernants pour longtemps. 

Ce faible taux de participation s'explique-t-il  par la persistance de l'esprit du Hirak ? 

En partie oui, certainement. Mais il faut distinguer plusieurs catégories dans l’abstention. Beaucoup d’Algériens optent pour le boycott parce qu’ils ne croient pas au processus électoral dans des conditions politiques, sociales et économiques complexes. Ils ne croient pas non plus au respect de leur voix. Il y a certainement une forte relation entre l’abstention et la situation actuelle que vivent les Algériens, faite de moins de libertés, de plus de précarité et de vulnérabilité, de sentiment d’injustice et d’inégalités. Dans le contexte actuel, le vote n’a tout simplement pas de sens à leurs yeux. Pour les abstentionnistes, le discours électoral n’est guère convaincant. Les slogans et les programmes étaient, dans leur majorité, vagues, sans intérêt réel. Ils n’arrivent donc pas à capter l’électorat, ce qui suscite leur désintérêt pour l’acte de voter et une certaine apathie politique. 
 
À l'issue du scrutin, nous aurons des assemblées locales peu représentatives de la majorité. Cela ne va-t-il pas fragiliser leur action de ces assemblées ? 

L’action des assemblées locales était déjà fragile lors des mandats précédents à cause, en partie, des codes communal et de wilaya qui ne donnent que les prérogatives nécessaires aux élus locaux. C’est d’ailleurs le constat que fait le président Tebboune lui-même. Le pouvoir des chefs de daïra et des walis demeure dominant et, à certains égards, ils paralysent toute liberté d’entreprendre chez les élus locaux. Ajoutons à cela le manque de formation et une certaine réticence à s’engager pleinement dans les dynamiques de développement local, à cause de prérogatives limitées, d’un côté, et de la crainte de prendre des responsabilités dans un contexte politique difficile.     
 
Cette rupture avec l'acte de voter est-elle structurelle des comportements politiques des Algériens ? 

L’abstention ne signifie pas que les citoyens n’ont pas conscience des enjeux politiques. Bien au contraire, ils veulent que leurs voix soient respectées mais ils croient que le moment n’est pas encore venu. Force est de constater aussi que les Algériens deviennent de plus en plus critiques à l’égard des représentants (locaux ou nationaux). À tort ou à raison, ils pensent que les candidats ne se présentent que pour servir leur propres intérêts et non pour travailler dans l’intérêt de la commune ou de la wilaya ; ils ne donnent à la population que de fausses promesses.  
Aussi, les Algériens s’abstiennent parce qu’ils ne voient pas d’“offres politiques” sérieuses et ne voient donc pas de bonnes raisons d’aller voter. Surtout qu’il n’y a pas de débats politiques sur des enjeux sérieux qui peuvent susciter l’intérêt des citoyens, comme les questions de développement, la fiscalité, l’environnement, la coopération intercommunale...

 

 

Propos recueillis par :  S. Ould Ali

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

    • Placeholder

    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00

  • Chroniques DROIT DE REGARD Trajectoire d’un chroniqueur en… Liberté

    Pour cette édition de clôture, il m’a été demandé de revenir sur ma carrière de chroniqueur dans ce quotidien.

    • Placeholder

    Mustapha HAMMOUCHE Publié 14 Avril 2022 à 12:00