L’Actualité Mourad Goumiri, expert en économie et finances

“Il faut sortir de la fiscalité punitive”

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Akli REZOUALI Publié 14 Septembre 2021 à 10:17

© Archive liberte
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Le professeur d’économie Mourad Goumiri aborde dans cet entretien les enjeux de la réforme financière et fiscale à la lumière des mesures mises en avant par le gouvernement à travers son plan d’action.   

Liberté : Le plan d’action du gouvernement prévoit entre autres mesures pour réformer le secteur financier une restructuration des bilans des banques. La place bancaire locale demeure-t-elle suffisamment solvable ?

Mourad Goumiri : La restructuration bilantielle des banques n’est pas une décision nouvelle, elle revient chaque année dans le cadre de la loi de finances sous le vocable de “restructuration financière du secteur public” et qui est en fait l’effacement par le Trésor des dettes des entreprises publiques que l’on retrouve dans les bilans des banques publiques. Donc, le Trésor public prend à son compte les dettes des banques publiques et, par cette opération, assainit les entreprises publiques, qu’il va inscrire à son passif. Où trouvera-t-il les ressources ? Sera-t-il encore amené à solliciter la Banque d’Algérie et pour quel montant ? Je ne vois donc pas en quoi cette opération, itérative annuellement, peut constituer en soi une réforme. Il s’agit d’un constat de fait qui n’arrive pas à trouver de solutions durables, puisque chaque année on procède de la même façon ! Quid du traitement des déficits cumulés des entreprises publiques ? Après assainissement financier, y aura-t-il des mesures radicales pour que ces dernières ne généreront plus, l’année prochaine, les mêmes déficits ou d’autres encore plus abyssaux ? Y aura-t-il une feuille de route pour chacune des entreprises publiques qui engage ses cadres dirigeants pour redresser la situation à court, moyen et long termes ? Qui va mener l’opération d’assainissement, la nouvelle agence nationale des participations de l’État ? En aura-t-elle les moyens financiers et l’ingénierie managériale ? Ces questions, pour l’instant, restent sans réponses, car la véritable réforme se situe à cet endroit précis ! Quant à la solvabilité de notre place financière, elle s’organise avec les acteurs monétaires et financiers tels que la Banque centrale, les banques commerciales et les autres institutions monétaires et non monétaires, sur la base d’un programme précis et des objectifs clairement définis.   

Le gouvernement envisage l’ouverture de capital de deux banques publiques par le biais de la Bourse. Ces banques sont-elles effectivement privatisables dans l’état actuel de leur gestion et du niveau de leurs ressources ?

Je me suis exprimé à plusieurs reprises sur cette question et je considère que l’heure est à la fusion de toutes les banques publiques pour n’en laisser que deux, après leur assainissement financier, ce qui semble être acté dans le plan de relance du gouvernement. Cette opération va renforcer leurs Fonds propres et leur représentativité spatiale et valoriser leurs ressources humaines. La question est simple pourtant pour qui veut l’entendre : que rapportera la privatisation des banques publiques en termes de financement de l’économie ? Absolument rien, car tous les experts savent bien que la vingtaine d’établissements et de banques privés qui activent sur la place ne représente que moins de 20% des crédits à l’économie et que dans ces 20%, 80% sont consacrés exclusivement au commerce extérieur ! Le transfert des valeurs immobilières (réseau bancaire) aux futurs acquéreurs, s’il y a repreneurs, entraînera d’immenses dividendes extracomptables, pour eux, sans résultat sur le plan du financement de la production et de l’exploitation des entreprises publiques et privées. C’est donc une simple opération de spéculation immobilière, qui ne dit pas son nom ! 

Comment expliquer l’absence jusqu’ici d’un système d’information moderne et performant au sein du secteur bancaire ?

Le système d’informations n’est pas uniquement faible et non fiable dans le secteur économique et financier, mais dans tous les secteurs, y compris ceux sensibles, tant dans la production que dans la diffusion et dans sa sécurisation (intelligence économique). C’est donc un problème majeur que doit gérer en profondeur l’État et qui passe par le renforcement qualitatif et quantitatif de l’ONS, mais également en permettant à d’autres opérateurs publics et privés d’activer dans ce secteur. C’est un enjeu majeur à prendre en charge très rapidement.    

Pourquoi les banques de la place peinent-elles à drainer l’épargne, en particulier les fonds colossaux qui circulent hors circuits officiels ?

Les métiers de banque sont de trois natures, l’octroi des crédits, la mobilisation de l’épargne et le conseil. Pour ces trois métiers, il y a des produits financiers à mettre sur le marché pour atteindre ces objectifs ; cela se nomme l’ingénierie financière. 
Or, quels sont les produits mis sur le marché actuellement et sont-ils assez attractifs pour drainer l’épargne des ménages ? Certainement pas ! La Cnep, par exemple, avait, en son temps, drainé une immense épargne des ménages, non pour les intérêts créditeurs (ils sont autour de 2% actuellement) qu’elle servait, mais parce qu’un logement était attendu au bout d’un effort d’épargne ! L’opération des bons d’épargne-devises, lancée par le ministre de l’Économie de l’époque (G. Hidouci), avait eu un immense succès, alors que celle des bons du Trésor d’il y a quelques années fut un échec complet, et c’est la même chose pour la Bourse ! Il faut donc mettre sur le marché des produits financiers attractifs qui répondent aux besoins réels des épargnants, tout en tenant compte du marché informel qui sévit en maître dans notre pays et qui impose ses propres règles... Enfin, tout le monde sait très bien qu’il y a des banques informelles qui activent dans notre pays, de même que le marché parallèle des devises... Enfin, il faut revoir l’ensemble du dossier de la fiscalité et de ses interactions sur l’économie de manière à sortir de la fiscalité punitive et aller vers celle incitative.

 

Entretien réalisé par : Akli Rezouali

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