L’Actualité MOHAMED MEBTOUL, CHERCHEUR EN ANTHROPOLOGIE DE LA SANTÉ

“IL FAUT UN ENGAGEMENT FORT DE LA SOCIÉTÉ”

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Samir OULD ALI Publié 09 Juillet 2021 à 23:05

© Liberté
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Pour le professeur en sociologie, le meilleur protocole sanitaire ne servira à rien sans l'adhésion et la mobilisation des populations. Mais pour cela, prévient-il, les autorités doivent user du bon discours de sensibilisation et ne pas recourir systématiquement à la “violence  symbolique” des  mots d'ordre. 

Liberté :  L’Algérie  est  confrontée  à une 3e vague de Covid-19 et  les  professionnels  de  la  santé  multiplient  les  appels  à  une mobilisation générale de la société. Comment expliquez-vous le manque d’adhésion des  populations au protocole sanitaire ?
Mohamed Mebtoul :  Il  y  a  indéniablement  un  gros  problème  de mobilisation de la société qui ne semble pas avoir été réalisé par les pouvoirs publics, de façon plus horizontale, autonome, en s’appuyant sur les professionnels de santé publique confrontés quotidiennement aux populations et aux personnes qui ont leur confiance. La gestion sécuritaire, verticale, patriarcale et administrée est dans l’incapacité de changer les habitudes des populations. Celles-ci ont leurs propres appréhensions du mal qui ne se réduit pas à sa dimension biologique toujours imbriquée au social, à l’économique et au politique.  Le plus “beau” protocole sanitaire ne servira pas à grand-chose sans un engagement conséquent et fort de la société. Celle-ci est définie par la mise en branle de rapports sociaux dominés pendant des décennies par la méfiance, les multiples détours, les injustices, les tactiques d’évitement, l’attachement à des groupes sociaux auxquels il est possible de s’identifier, plus proches de leurs attentes.    

Que pensez-vous du discours de sensibilisation prôné par les autorités ?
La violence symbolique attestée par la reprise des mots d’ordre sanitaire (“Portez les masques”, “Lavez-vous les mains”) est impuissante pour transformer de façon mécanique l’épaisseur des pratiques sociales des populations. 
Celles-ci se déploient dans un environnement social et physique marqué par la saleté, la rareté de l’eau dans des structures de soins, le faible ancrage sur le terrain des pouvoirs locaux, les multiples incertitudes quotidiennes, la rareté de l’écoute. Autant d’éléments qui structurent fortement la perception des gens sur le nouvel objet représenté par la pandémie. Un système de santé fabriqué de façon dominante sur le modèle curatif approximatif, précipité, orphelin de moyens techniques et thérapeutiques, faisant peu cas de la dignité des professionnels de la santé, ne peut que s’interdire de donner un sens profond au mal. Pendant des décennies, la prévention s’est limitée à la vaccination - sans plus -, alors qu’il était important d’investir activement la société sous-analysée qui n’accède pas, après 60 ans d’indépendance, à produire de façon rigoureuse des données crédibles. “Qu’ils viennent nous écouter”, nous disent les populations au cours de nos travaux d’enquête. 

Comment persuader les citoyens  à  s’engager  dans  la  lutte  contre la pandémie ?
La société a ses propres référents, ses représentations sociales diversifiés, ancrés dans une histoire sanitaire dominée par les médicaments, les techniques médicales, l’automédication, la violence de l’argent dans le champ thérapeutique, ce qui rend résiduel tout système de prévention contractuel qui incite à la discussion, à la persuasion, à la quête d’adhésion des personnes aux normes sanitaires liées à la pandémie. La société ne se réduit pas à une addition des comportements en soi, identifiés faussement comme des électrons libres qu’il est impossible de changer par décret.
 

Propos recueillis par : S. OULD ALI

 

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