L’Actualité DE SON LOINTAIN NIGER AUX RIVAGES DE TIGZIRT

Ismaïl, LA COURSE VERS LE BONHEUR

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Kouceila TIGHILT Publié 06 Juin 2021 à 23:21

© Liberté
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Le visage de  cet  enfant  timide  et  souriant  a  fini  par  se  révéler  aux Algériens. Sa photo  en pleine course  a fait le tour des réseaux sociaux pour avoir gagné haut la main le marathon de Tigzirt.

À Tigzirt où  le  hasard l’a  fait  atterrir  l’été  dernier, il  a  vite été adopté et chouchouté au point de devenir la coqueluche  de  tous  les  habitants de cette ville maritime de la wilaya Tizi Ouzou, voire au-delà. Lui c’est Ismaïl, un enfant migrant venu du lointain Niger et que les difficultés de la vie ont extirpé du cocon familial pour venir en Algérie où, dans un premier temps, il s’est fait exploiter par un réseau de mendicité avant que sa bonne étoile ne le mène à Tigzirt pour voir sa vie changer presque du tout au tout. En effet, depuis quelques jours, le visage de cet enfant timide et souriant a fini par se révéler aux Algériens. Sa photo, en pleine course, a fait le tour des réseaux sociaux pour  avoir  gagné  haut  la  main  le  marathon  de Tigzirt, organisé par l’association “La Perle du littoral”, à l’occasion de la journée de l’enfance et, cerise sur le gâteau, honoré par les dirigeants de la JSK.
Le 5 juin, Ismaïl a récidivé en participant au marathon d’Aït Aïssa Mimoun où il a été chaleureusement accueilli et encouragé par la population locale. Ainsi, en l’espace de quelques jours à peine, Ismaïl est devenu un symbole d’humanisme mais aussi d’intégration lui qui parle couramment le kabyle. 
À Tigzirt, tout le monde connaît Ismaïl, mais rare sont ceux qui sont au fait de la vraie histoire — faite de privations et de blessures — de ce migrant.  Âgé entre 12 et 14 ans, Ismaïl est arrivé l’été dernier à Tigzirt où un jeune habitant de la localité, Saïd Triket, l’a pris sous son aile et le traite comme son propre enfant. Grâce à Saïd, le petit migrant a été tout d’abord extirpé des mains d’un groupe  d’individus  qui  l’exploitaient  dans  un  réseau de mendicité.
“Avant  de  débarquer à Tigzirt, Ismaïl  rôdait  durant  deux  ans  à la gare d’Azazga  puis  à  Draâ  Ben  Khedda  où  il  a  été  exploité  par  d’autres Subsahariens dans un réseau de mendicité”, a expliqué Saïd, le tuteur officieux d’Ismaïl, rencontré sur son lieu de travail, au café L’Albatros du centre-ville de Tigzirt. “À son arrivé à Tigzirt, Ismaïl qui a gagné notre sympathie, était toujours sous l’emprise du même réseau. Ces derniers avait contraint cet enfant à ramasser 20 000 DA par semaine”, a précisé Saïd qui ajoute qu’“Ismaïl se rendait, une fois par semaine, au centre-ville de Tizi Ouzou, sans doute pour remettre l’argent recueilli à Tigzirt. Ismaïl avait l’habitude de revenir au café pour demander à manger mais, un jour, de retour de Tizi Ouzou,  nous avons remarqué des blessures sur tout son corps frêle. Cela m’a alerté et m’a profondément peiné, car Ismaïl était proche de moi et c’est là que nous avons découvert ce que cet enfant endurait durant des mois. Suite à cela, nous avons décidé, avec un groupe d’amis, de le prendre en charge et de l’extirper des mains de ses exploitants”. “Nous avons tout fait pour lui et nous lui avons même donné un foyer. Actuellement je l’héberge chez moi. Il fait partie de ma famille”, a-t-il encore ajouté, expliquant que les membres du réseau sont venus le chercher à plusieurs reprises. En vain. “Nous nous sommes toujours interposés car Ismaïl avait peur. Traumatisé, il refusait de repartir avec eux”, a soutenu Saïd, assurant qu’Ismaïl est désormais en sécurité et surtout en contact soutenu avec sa vraie famille, restée au Niger.
“Depuis, nous avons pu contacter sa famille qui sait qu’ il est en sécurité à Tigzirt”, a indiqué Saïd pour qui, Ismaïl est devenu un enfant de la région où il s’intègre parfaitement et s’épanouit. “Pour preuve, il parle parfaitement le kabyle”, a noté Saïd, en rappelant que le petit Ismaïl est donc resté à Tigzirt avec l’accord de ses parents. “Il refuse de repartir à Tizi Ouzou où il était exploité et maltraité. C’est lui-même qui a exprimé sa volonté à sa famille”, insiste Saïd qui espère voir cet enfant traverser la ville de Tigzirt en tablier et avec un cartablet. “Je sais qu’il ne restera pas éternellement à Tigzirt et qu’il repartira un jour chez lui mais en attendant, j’espère le voir construire son avenir”, conclut Saïd. Ce souhait, on l’a aussi entendu de la bouche d’Ismaïl, rencontré hier matin, vers 10h, au centre-ville de Tigzirt, avec Saïd. Très timide et peu bavard, il paraissait surtout tranquille avec sa nouvelle famille.
D’un regard rassuré, Ismaïl s’est surtout livré sur son quotidien et ses espoirs. “Je me lève chaque matin, je prends mon café, je fais du vélo puis je me repose et je mange avant d’aller encore jouer au foot au stade. À la fin, je prends ma douche, je joue à la Play et je me couche”, a-t-il relaté. “J’aime Tigzirt”, a-t-il lancé, en grignotant un croissant avec du thé, son petit déjeuner habituel. Ismaïl est revenu aussi sur sa participation au marathon de Tigzirt. “J’ai couru, couru et dépassé tout le monde”, a-t-il raconté, avec fierté et un grand sourire et surtout, en remerciant Sara, la présidente de l’association organisatrice qui lui a donné une chance de participer à ce concours. 
Outre le sport, Ismaïl a émis le souhait d’aller à l’école. “Je souhaite apprendre les langues et tout ce qui est enseigné à l’école. Pour cela, il me faut des papiers. Cela va me permettre de faire tout ce que les enfants de Tigzirt font”, a-t-il dit. Interrogé sur sa famille, Ismaïl a affirmé qu’elle habite dans la région de Haoussa, au Niger. Son père, s’appelle “Mamai” de la tribu Gazari. “Grâce à Saïd, je suis désormais en contact avec mes parents par téléphone”, a-t-il précisé, reconnaissant.
À l’APC de Tigzirt, l’élu Louni Hamza connaît bien le cas d’Ismaïl. Il a évoqué un enfant adopté par tous les gens de Tigzirt. “Ismaïl est un refugié venu depuis plus d’une année dans notre commune. Il se retrouve ici et il est bien reçu notamment par M. Triket qui s’occupe très bien de lui”, a rassuré M. Louni. “Il y a aussi d’autres personnes qui s’occupent de lui. Cet enfant s’est épanoui. Il parle parfaitement le kabyle, c’est pour vous dire qu’il s’est bien intégré. Il est en harmonie avec tout le monde”, a-t-il ajouté. Pour ce qui est de la scolarité d’Ismaïl, cet élu espère aussi voir cet enfant prendre le chemin de l’école.  “On  n’a  pas  encore  entrepris les démarches mais on espère le voir à l’école comme tous les enfants de la région”, a-t-il lancé, tout en soulignant que le petit Ismaïl reste un enfant timide qui parle peu.
“Nous sommes face à une situation délicate. On ne sait si cet enfant peut être scolarisé ou  non  mais  une  chose est sûre, nous  ferons  tout  pour exaucer son vœu en lui permettant d’aller à l’école”, a promis l’élu. 
À  Tigzirt, Ismaïl a désormais une famille qui souhaite le  voir  à  l’école et intégrer un club sportif. Son rêve sera-t-il exaucé ? 
 

Par : K. TIGHILT

 

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