L’Actualité Hosni Kitouni, chercheur en histoire

“La gestion des archives relève plus des politiques...”

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Ali BOUKHLEF Publié 10 Mars 2021 à 00:00

© D. R.
© D. R.

Liberté : Le président français Emmanuel Macron vient d'autoriser l'accès aux archives secrètes incluant la période de la guerre de Libération. Comment accueillez-vous cette décision ?
Hosni Kitouni : De quoi s’agit-il exactement ? Il faut rappeler que la loi du 15 juillet 2008 a introduit des modifications en ce qui concerne les délais de communicabilité des archives relevant du “secret de la Défense nationale, intérêts fondamentaux de l'État en matière de politique extérieure, sûreté de l'État, sécurité publique” de 60 à 50 ans, ce qui, à l’époque, concernait entre autres les archives de la guerre de Libération nationale et, depuis lors, toute la période de 1954 à 1962 tombe sous le coup de cette loi. Or, voici qu’en 2011, par une circulaire interministérielle, le Secrétariat général du gouvernement instruisait les Archives nationales de France de soustraire à la libre communication tous les documents “confidentiels”, “secrets” et “très secrets”. Pour consulter ces documents, les chercheurs doivent faire une demande de déclassification, celle-ci est transmise à l’institution émettrice (soit quelque 40 institutions), et si elle donne son accord, le document est déclassifié. Vous imaginez le travail gigantesque que doivent faire autant les chercheurs que les archivistes, avec tout ce que cela suppose comme délais et tracasseries. De 2016 à 2020, quelque 8 349 documents seulement ont été déclassifiés par rapport aux milliers d’autres en attente. Cet interdit, qui cache mal son nom, a mobilisé les historiens et les archivistes, 
15 000 ont signé une pétition demandant l’annulation de cette circulaire. 
Dans ses préconisations, Benjamin Stora propose “de revenir dans les plus brefs délais à la pratique consistant en une déclassification des documents ‘secrets’ déjà archivés antérieurs à 1970”. C’est la décision qu’a prise M. Macron. 

Pourquoi en Algérie, la question des archives reste toujours difficile ? Que craint-on ?
Dans tous les pays du monde, les États craignent de mettre à la disposition du public leurs archives, raison pour laquelle, ces choses-là sont bien encadrées juridiquement. Sauf que chez nous, cela tourne à la paranoïa. Les gens croient à tort que les archives contiennent toute la vérité sur le passé. Or, en réalité, les archives elles-mêmes sont le résultat d’un travail de construction, de censure, de suppression, de déni, etc. La manière, dont aujourd’hui, sur les réseaux sociaux notamment, on exhibe tel et tel document pour lui faire dire telle ou telle vérité, relève de la manipulation. Car, quelle que soit la valeur d’un document, il doit être contextualisé, interrogé, discuté, confronté... afin de lui faire dire non pas ce que l’on veut, mais ce qu’il signifie vraiment pour la période considérée. Ce que peut faire dire un historien à un document est souvent plus important que ce que le document recèle comme part de “vérité”.  

Pourtant, la loi autorise l’accès aux archives nationales...
La gestion des archives en Algérie depuis 1962 relève plus des politiques que de la loi. Nous avons une excellente loi sur les archives, mais elle n’est pas appliquée dans le sens où l’accès aux archives relève du fait du prince. Je crois que cela tient plus d’une culture politique des élites post-indépendance et leur culte du secret tenant lieu de règle de conduite en tout. Bien sûr qu’il faut ouvrir les archives, parce que ces traces constituent le matériau essentiel pour l’écriture de notre histoire.
 

Entretien réalisé par : ALI BOUKHLEF

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