L’Actualité Smaïl Goumeziane

Le parcours singulier d’un “Fils de novembre”

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Rédaction Nationale Publié 10 Janvier 2021 à 09:04

© D.R
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Par : Ddjamel Benbelkacem
Enseignant d’économie et Vice-gouverneur de la Banque d’Algérie

Je n’ai été que son étudiant en sciences économiques à l’université d’Alger en 1975-1976. C’était le temps où l’on “construisait le socialisme” en cours de 2e année et faisions la révolution (agraire) durant nos vacances d’hiver et d’été. Il assurait une des rares séances de travaux dirigés à laquelle on assistait volontiers et, pour certains d’entre nous, avec passion.

C’est que, jeunes étudiants, curieux, mais naïfs et perdus dans l’enchevêtrement des idées couvrant tout le spectre des “ismes”, fusant de partout, dans les amphis comme en dehors, ses synthèses de fin de séance démêlaient les fils et traçaient les lignes de clivage : on en sortait un peu plus rassurés sur nos capacités cognitives et heureux d’y voir, momentanément, un peu plus clair.

Habitués aux débats houleux, notamment en TD, où parler plus haut tenait lieu d’argument et où personne n’écoutait personne, les séances animées par Smaïl Goumeziane étaient vivantes, mais calmes. Face à sa sérénité, à sa maîtrise et à son érudition sur beaucoup de sujets abordés, il était trop audacieux de s’exposer à son argumentaire ciselé qui vous remettait gentiment à votre place : on n’avait d’autre choix que de nous en tenir aux raisonnements logiques et documentés.

Il était d’autant plus crédible que ses discours étaient dénués de toute polémique à laquelle il ne semblait porter aucun intérêt : c’est que l’intellectuel Goumeziane était aussi un “homme d’action” qui, baccalauréat en poche, avait quitté sa famille et Paris pour d’abord étudier à l’université d’Alger et ensuite s’impliquer et contribuer, comme haut fonctionnaire au ministère de l’Industrie, puis comme P-DG d’entreprises publiques, à ce que l’on appelait alors “l’œuvre d’édification nationale”. 

Celle-ci, mise en œuvre dans le cadre d’une économie étatisée où prédominaient des entreprises publiques non autonomes et la régulation administrative de l’économie, était le reflet, dans la sphère économique, de l’emprise et du contrôle total du pouvoir politique centralisateur sur la société et se déclinait comme une volonté de contrôle centralisé des ressources, en l’occurrence la rente pétrolière (Ahmed Henni). Les limites de ce système économique ont été prématurément mises en évidence par le choc pétrolier de 1986.

Une réflexion, pilotée par la Présidence, sur des réformes économiques allant dans le sens de l’autonomie des entreprises et d’une régulation économique fondée graduellement sur la vérité des prix, et le marché s’engagea. De par son expérience des dysfonctionnements liés au mode de gestion administratif de l’économie et ses compétences économiques, Smaïl Goumeziane, alors DG de l’Enial, fut appelé, intuitu personae, à prendre part à cette réflexion au sein de groupes de travail.

Convaincu que seul ce type de réformes pouvait assurer la transition d’une économie rentière et spéculative vers une économie productive et engager l’économie nationale sur la voie du développement durable, il accepta, sur-le-champ (fils de Novembre), le poste de ministre du Commerce que lui proposa Mouloud Hamrouche dans son gouvernement en septembre 1989.

Quelque temps après l’éviction du gouvernement Hamrouche, il s’est résolu à partir en France rejoindre sa famille et reprendre sa carrière universitaire en rédigeant une thèse de doctorat, L’Algérie en transition, économie politique d’une transition inachevée, 1962-1993, exigeant de son directeur de thèse que le jury de soutenance soit présidé par un économiste de renom : Raymond Barre.

Enseignant à l’université Paris Dauphine à Paris, il reprit la réflexion théorique sur la rente, son thème de prédilection, objet déjà de son mémoire de DES, La Rente foncière, de A. Smith à D. Ricardo, et en fit un outil d’approche des revenus de la finance de l’économie mondialisée. De par sa rigueur, sa passion pour la recherche et l’écriture, son honnêteté intellectuelle et son intégrité, il fut une référence pour une partie de ma génération. Repose en paix, Smaïl. 

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