L’Actualité VICTIMES DES INCENDIES QUI ONT TOUCHÉ LA KABYLIE EN AOÛT

Les grands brûlés transférés vers l’étranger

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Samir LESLOUS Publié 25 Septembre 2021 à 00:00

© D. R.
© D. R.

Hospitalisés depuis une quarantaine de jours  à l’hôpital de Douéra, à Alger, les grands brûlés des incendies d’août dernier à Tizi Ouzou ont été,  finalement,  transférés  vers  l’étranger  pour  recevoir  les  soins nécessaires.

“Certains ne supportent plus le village, à commencer par ma mère qui refuse d’y remettre les pieds après la mort de Mme Bensalem et ses deux filles qui lui tenaient compagnie  avant  ce  drame”, lance, triste, Djaffar  Taouche.  Au nouveau  cimetière  d’Agoulmi,  ce  jeune  membre  de  la  cellule  de  crise d’Ikhlidjen, était seul en cette mi-journée de jeudi 23 septembre.

Comme chaque jour, depuis environ un mois, il vient prier pour ses vingt-quatre concitoyens qui ont péri dans les incendies ayant ravagé le village, en cette triste journée du 10 août 2021.

“Ce cimetière ne cesse malheureusement de s’agrandir. Pas plus tard qu’hier soir, à 23h, nous avons enterré Dahoun Rachid et Ighmouracène Henia qui ont succombé mardi à l’hôpital de Douéra”, note-t-il, montrant du doigt leurs tombes, recouvertes de terre encore fraîche.

Cet endroit, devenu le symbole de la tragédie d’août dernier, est visiblement peu visité par les habitants du village. Djaffar est l’un des rares à oser y mettre les pieds. Beaucoup d’autres n’ont pas encore retrouvé la force nécessaire pour s’aventurer dans ce lieu, où non seulement des corps mais aussi des rêves y sont ensevelis pour l’éternité. 

Quelques dizaines de mètres plus loin, sur le chemin du cimetière et adossés au mur d’une bâtisse qui a échappé aux flammes, un sexagénaire et une vieille femme balbutient. “Ils prient de loin, car ils ne veulent pas entrer au cimetière”, nous explique un jeune du village. “Les gens d’ici sont marqués au fer rouge. Ils le resteront longtemps”, lâche Djaffar qui, soudainement, est étouffé par l’émotion. Il venait de se remémorer une scène de la veille, lorsque Dahoun Rachid, le dernier à succomber, a été montré à son fils de dix ans.

“Ses oncles maternels l’ont emmené poursuivre ses études dans une autre localité”, ajoute, les yeux larmoyants, Djaffar, priant, le regard tourné vers le ciel, pour que cette victime soit la dernière. Comme la plupart des habitants rencontrés dans ce village martyr, Djaffar qui venait d’apprendre le transfert des brûlés restants vers l’étranger se dit assez rassuré, même s’il est intervenu tardivement, soit après qu’une dizaine de victimes a succombé. 

Les grands brûlés transférés vers la Turquie
Hospitalisés depuis une quarantaine de jours à l’hôpital de Douéra, à Alger, les grands brûlés des incendies ont été, finalement, transférés vers l’étranger pour recevoir les soins nécessaires. Promis par le président Tebboune, depuis le 14 août dernier, jour où il s’est rendu à l’hôpital de Douéra pour s’enquérir de leur état, ce transfert a débuté ce jeudi.

Selon des sources au fait de ce transfert, huit parmi les treize grands brûlés nécessitant des soins lourds ont embarqué, jeudi, à bord de deux avions médicalisés à destination de la Turquie, où ils seront désormais pris en charge dans l’hôpital américain Acibadem.

Ces premiers grands brûlés, accompagnés d’une équipe médicale et paramédicale de l’hôpital de Douéra, sont arrivés à l’hôpital en question jeudi en début de soirée. Selon nos sources, le transfert des autres victimes, au nombre de cinq, a eu lieu, hier, dans la mi-journée.

Ce transfert tant souhaité par les proches des victimes ainsi que par toute la population de Kabylie, est intervenu six jours après le cri de détresse lancé par les habitants d’Ikhlidjen quant à la situation de leurs concitoyens hospitalisés à Douéra. 

Un cri suivi d’un courrier adressé aux autorités par l’élu à l’APW de Tizi Ouzou, Kaci Tansaout, qui a rappelé la promesse du président Tebboune, lui-même, et rapporté le désarroi des familles des victimes qui ne savaient plus à quel saint se vouer pour mettre fin aux multiples blocages qui continuaient d’entraver ce transfert.

Ainsi, comme par magie, la situation a fini par se débloquer immédiatement, permettant ainsi aux familles des victimes de renouer avec l’espoir de les voir sauvés.

“On mentirait si on disait  que  les  brûlés  hospitalisés  à  Douéra ont fait objet d’une quelconque négligence à l’hôpital de Douéra où tout le monde était aux petits soins. Il nous est arrivé de trouver 18 chirurgiens autour de trois malades. Seulement, il y a un manque de moyens médicaux. On nous a expliqué que certains soins nécessaires à ces grands brûlés ne peuvent être prodigués que dans cinq pays. Leur transfert aujourd’hui dans l’un de ces pays est une bouffée d’oxygène pour nous”, nous dira Djaffar Taouche soulignant qu’ils reste cinq brûlés au 3e degré à l’hôpital de Douéra.

“Nous avons également 13 brûlés au 2e degré mais dont le pronostic vital n’est pas engagé”, dit-il, lui qui leur rend visite au moins deux fois par semaine.

Au total, Agoulmim, à lui seul, a enregistré 24 décès et 70 blessés pour une population totale de 158 habitants, selon ce membre de la cellule de crise. Mais en dépit de cette situation, déplorent les habitants, les autorités n’ont même pas eu la sympathie de s’y rendre à l’occasion de la rentrée scolaire.

“Ni le wali, ni le chef de daïra, ni le directeur de l’éducation ne sont venus rencontrer les enfants de l’école d’Ikhlidjen”, déplore un parent. La rentrée avait tout d’une rentrée normale en apparence mais, soutiennent des parents d’élèves, “assez difficile sur le plan émotionnel”. 

Ce que confirme d’ailleurs même la directrice de l’établissement. “Il fallait réunir toutes mes forces ce jour-là pour pouvoir gérer émotionnellement cette rentrée. Heureusement que les parents des élèves sont venus nombreux”, nous dira-t-elle ajoutant qu’elle était, toutefois, contente d’avoir retrouvé ses élèves sains et saufs.

Son visage ne tarde, toutefois, pas à s’assombrir en se rappelant qu’une fillette manquait à l’appel. “Son père est décédé et ses oncles l’ont emmenée ailleurs”, dit-elle tout en continuant à ranger des trousseaux scolaires qu’elle venait de recevoir d’une association venue de la wilaya de Tlemcen.

Dans cette école superbement décorée grâce à plusieurs associations et à de nombreux bénévoles, les rires des enfants à leur sortie des classes apportaient un peu de gaieté au village d’Ikhlidjen. Les adultes, eux, tentent toujours de refouler leur douleur qui, pourtant, se lisait sur tous les visages.
 

Samir LESLOUS

 

 

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