Arrivés à la trémie du lycée Lotfi, les manifestants ont trouvé des dizaines de policiers anti-émeutes empêchant l’accès vers le siège de la wilaya.
De nombreux manifestants, dont des femmes et des enfants, ont été aspergés de gaz lacrymogène, hier après-midi, lorsqu’ils ont tenté de forcer le cordon policier interdisant le passage vers le siège de la wilaya, à hauteur du lycée Lotfi. Atteints en plein visage, certains sont tombés, comme Hadj Bouabça, hirakiste de la première heure, qui est resté au sol de longues minutes avant de se relever.
La petite Sabila Bahi, figure emblématique du Hirak oranais en dépit de ses 13 ans, a également longtemps lutté contre les nausées et les brûlures causées par le gaz toxique. “ L’usage de gaz lacrymogène contre des manifestants pacifiques est un crime. Les responsables de ces actes et les donneurs d’ordre doivent être sanctionnés. C’est une honte, une honte !”, s’est insurgée une femme en joignant sa voix aux slogans fustigeant les “hagarine et protecteurs de la îssaba”.
Incapables de contenir leur colère, quelques jeunes manifestants ont voulu en découdre avec les forces anti-émeutes avant d’en être fermement dissuadés par les plus sages des hirakistes qui leur ont rappelé la “silmya” (pacifisme, ndlr) du mouvement. “Il ne faut pas tomber dans le piège de la violence. Notre mouvement est pacifique et il le restera”, leur ont-ils dit.
La marche d’hier avait pourtant démarré dans le calme vers 14h30 à la place du 1er-Novembre. Après s’être regroupés autour d’un drapeau national géant, des manifestants, munis de leurs pancartes de revendications, ont traversé le boulevard Émir-Abdelkader et la rue Larbi-Ben M’Hidi en scandant les traditionnels slogans appelant à la primauté du civil sur le militaire, l’indépendance de la justice, la liberté de la presse... Les marcheurs ont également réaffirmé leur hostilité à l’organisation des élections législatives et réitéré leur volonté de poursuivre la lutte pacifique pour un État démocratique.
La présence d’éléments de la police en uniforme, à l’avant et à l’arrière du cortège, n’a pas empêché les manifestants de fustiger les services de sécurité qui répriment la liberté de s’exprimer et de manifester.
Arrivés à la trémie du lycée Lotfi, les manifestants ont trouvé des dizaines de policiers anti-émeutes, derrière leur bouclier, qui empêchaient l’accès vers le siège de la wilaya. Un interdit que les contestataires n’ont pas accepté. “Nous avons le droit de nous rendre devant la wilaya. Nous sommes pacifiques et ne menaçons personne, pourquoi nous opposer aux forces de l’ordre ?”, a lancé un jeune. Les marcheurs tenteront de forcer le cordon policier mais n’arriveront jamais à le franchir.
Devant l’intransigeance des hommes en bleu et l’usage de gaz lacrymogène, les manifestants multiplieront les slogans vexatoires en direction de la police en citant, comme exemple de dignité, Toufik Hassani, ancien policier ayant rejoint le Hirak, aujourd’hui derrière les barreaux.
Comme les deux précédents vendredis, les manifestants se résigneront finalement à reprendre leur marche vers la place du 1er-Novembre en empruntant le Front de mer. “Ce n’est pas une défaite. Simplement, nous voulons rester dans la silmya qui a toujours caractérisé notre révolution”, insiste un manifestant qui affirme que “tôt ou tard, le peuple imposera sa volonté”.
Samir OULD ALI