L’Actualité Kaïs Saïed prolonge le régime d’exception

Péril sur la démocratie tunisienne

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Arab CHIH Publié 15 Décembre 2021 à 10:34

© D.R
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Le chef de Carthage poursuit sa marche vers la restauration du régime d’avant 14 janvier 2011.

À quelques jours de la célébration du 11e anniversaire de la révolution du Jasmin, Kaïs Saïed persiste et enfonce davantage la Tunisie dans un régime d’exception. Près de cinq mois après sa décision de suspendre le Parlement lui permettant de s’arroger les pleins pouvoirs, le président tunisien, Kaïs Saïed, vient de faire un pas supplémentaire dans ce que l’opposition a qualifié de “coup d’État”. En effet, le locataire du palais de Carthage a prolongé cette suspension d’une année durant laquelle seront organisés des consultations populaires puis un référendum et, enfin, des législatives. Dans un discours à la nation prononcé lundi soir, le chef de l’État tunisien a annoncé l'organisation à partir du 1er janvier au 20 mars 2022 d'une série de “consultations” populaires qui permettront d’élaborer une nouvelle loi électorale, ainsi que des amendements constitutionnels. “Les réformes constitutionnelles et autres seront soumis à référendum le 25 juillet 2022, jour anniversaire de la proclamation de la République”, a-t-il affirmé, avant d’ajouter : “De nouvelles élections législatives auront lieu le 17 décembre 2022 sur la base d'une nouvelle loi électorale.” Durant toute cette période, le Parlement restera suspendu et le chef de l’État restera maître de l’échiquier politique tunisien. Ainsi, celui qui a été porté au pouvoir lors de la présidentielle de 2019 fait main basse sur l’ensemble des leviers du pouvoir, alors qu’il s’était engagé à revenir à la situation “normale” un mois après les mesures d’exception prises en mai dernier. 

Ce raidissement politique imposé par le chef de l’État et qui, à bien des égards, peut s’apparenter à un recul sur les acquis démocratiques de la révolution du Jasmin suscite bien des inquiétudes chez ses partenaires européens. En effet, le 10 décembre, jour de la célébration de la déclaration des droits de l’Homme, les chefs de mission des ambassades d’Allemagne, du Canada, des États-Unis, de France, d’Italie, du Japon, du Royaume-Uni et de la Délégation de l’Union européenne en Tunisie ont signé un communiqué commun pour appeler à un “retour rapide à un cadre constitutionnel dans lequel un Parlement élu joue un rôle de premier plan”, tout en invitant le président tunisien à “désigner un nouveau chef du gouvernement dans les plus brefs délais” et à “ramener le pays dans le cadre constitutionnel qui accorde au Parlement un rôle de premier plan”. Cette “intrusion” dans les affaires internes du pays a été vivement critiquée par un groupe d’organisations et de partis tunisiens qui y ont vu “une tentative flagrante de ces pays d’imposer des groupes de corruption et de terrorisme qui ont massacré l’État et le peuple ces dernières années, tout au long de la voie politique tunisienne, car ces groupes sont les meilleurs qui servent les intérêts de ces pays au détriment de la souveraineté de la Tunisie et des intérêts de son peuple”.

Comme il fallait s’y attendre, une partie de la classe politique tunisienne a exprimé sa ferme opposition à la décision de Kaïs Saïed de prolonger la suspension des activités du Parlement, en l’assimilant à une “dérive autoritaire”.  “Son discours peut se résumer ainsi : je suis l'État, je suis le président, je suis le gouvernement, je suis la justice, je suis la commission électorale, je suis le peuple, je suis le prophète infaillible”, a écrit sur sa page Facebook le député de l'opposition, Hichem Ajbouni. “L'allocution de Saïed traduit l'état de déni dans lequel il vit et son refus d'écouter qui que ce soit, qu'il s'agisse de ses partisans ou de ses opposants”, a renchéri Samir Dilou, député et ex-membre d'Ennahdha, dans une interview au quotidien Assabah. Il faut dire que depuis la proclamation du régime d’exception instauré en mai dernier, les démocrates tunisiens ont vivement dénoncé un recul de la démocratie et redoutaient une menace sur les libertés.

Le célèbre constitutionnaliste, Yadh Ben Achour, avait parlé d’une Tunisie qui est “devenue une dictature entre les mains d'un seul homme”. Moncef El-Marzouki, élu premier président tunisien post-dictature de Ben Ali, a mené une campagne contre les dérives autoritaires du Kaïs Saïed. Une tribune qu’il a signée dans le journal Le Monde lui a valu un mandat d’arrêt international lancé par la justice de son pays. Droit dans ses bottes, le président Saïed balaie d’un revers de la main l’accusation d’avoir fait “un coup d’État” et crie à qui veut l’entendre qu’“il n’y aura pas de retour en arrière”. Il reste que cette crise fait peser beaucoup d’incertitudes sur la jeune démocratie tunisienne et écorne l’image de la révolution du Jasmin, la seule des “printemps arabes” à avoir connu une issue plus ou moins heureuse. Manifestement, le succès démocratique tunisien dérange. 

 


Arab C.

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