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SOURIONS, UN JOUR, ON VA EN PLEURER

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Kamel DAOUD Publié 06 Mai 2021 à 00:09

© D. R.
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Par : KAMEL DAOUD
        ÉCRIVAIN

Cela  s’est  passé  à  Oran à 14  heures.  Mais aussi  la veille à Annaba et à Biskra. Deux jeunes Algériens surpris dans un jardin public, une étudiante et un vendeur de téléphones, ont été fouettés. 80 coups pour chacun, selon le verdict prononcé par la cour d’Oran janvier dernier, administré par le greffier désigné par la cour. Depuis 2026, l’application stricte de la loi “islamique” est devenue coutumière des habitudes algériennes.

La scène, comme d’habitude acquise depuis un an, a attiré de nombreux curieux, des passants, mais aussi des pères de famille accompagnés de leurs fillettes voilées. “C’est pour leur éducation”, expliqua l’un d’eux à la télévision “El Charia Wal Watan”. Le couple fut ramené sur place par un fourgon de la police islamique une heure auparavant, ligoté à la stèle de l’Émir Abd El-Kader puis soumis à la punition sous les cris d’Allah Ouakbar. Un huissier était chargé de la comptabilité du verdict. À noter que certaines associations se sont élevées, ces derniers jours, non contre cette pratique, mais contre sa programmation un jour de repos, le vendredi.

D’autres avaient dénoncé, par le relais de plusieurs parlementaires, la mauvaise organisation de ces cérémonies. “Il aurait été plus efficace d’utiliser les stades dans ce cas et de regrouper les inculpés pour une meilleure pédagogie populaire.” Le débat est encore ouvert entre “modérés” qui pensent que les cérémonies de punition doivent préserver les familles des accusées du déshonneur et être organisées en comités privés, avec la seule présence de l’imam du quartier et de trois membres des comités de vigilance religieuse, les fameuses brigades “Ettakwa”.

Les plus extrémistes, quant à eux, et sur un autre front, mènent encore campagne pour la lever de suspension des verdicts d’amputation de mains pour les voleurs et de lapidation pour femmes célibataires et surtout de défénestration pour les homosexuels. En février 2025, la loi avait failli être voté, mais fut stoppée par une mésentente sur son effet rétroactif sur les nombreux prisonniers, tombés sous le coup des fameuses lois des “trois puretés nationales” : la pureté du sang, la pureté du corps, la pureté de l’âme.

Pour rappel, créées sous l’époque de la gestion bi-gouvernementale (un Premier ministre partageant ses pouvoirs avec le premier mufti de la nation, lui-même désigné par un vote de collège des zaouïas et autres associations), avait permis la création des fameuses brigades de la “pureté”. Milices formées officiellement pour contrer les plans d’invasion éventuels de puissances néocoloniales, elles devinrent par la suite le véritable bras armé d’un renouveau du nationalisme algérien islamique.

“L’Islam et le nationalisme sont les deux faces d’une même pièce de monnaie”, répétaient souvent les directeurs centraux de ce corps constitué, durant les cérémonies d’installation. Insistant, comme il se doit, sur le crédo lancé par un ancien ministre des Affaires religieuses (et qui a donné son nom à un aéroport spécialisé dans les pèlerinages vers la Mecque) aux temps “laïcs” d’avant 2024. L’histoire récente de l’Algérie, gardant de lui cette proclamation aujourd’hui à l’entête de toutes les déclarations officielles et sur les frontons de nos “Majliss Echouri” (ex- Assemblées populaires communales ou de wilaya) : “Nul n’est Algérien s’il n’est musulman.”

Selon l’office des statistiques, géré par les affaires religieuses, 3 404 cas d’adultère avaient été recensé l’année dernière. 45 899 infractions aux lois coraniques sur les boissons illicites et autres jeux de hasard et 56 980 atteintes à la loi sur la non-mixité avaient été signalés par les brigades de la pureté et ceux des “vigilants” dépendant de Dar El-Mufti. Un pic ayant été observé durant les soirées du Ramadan, mobilisant encore plus des brigades de volontaires dans les quartiers urbains de nos villes durant ces nuits sacrées.

Agence de l’information islamique (AII). DZ 0040 1/25678- RC 57 : Poursuite de révision des corpus des manuels scolaires algériens. “Les nouveaux manuels d’histoire, de langue arabe et de géographie seront mis à disposition de nos écoliers dans trois mois” est la déclaration du ministre de l’Éducation et du Savoir islamique. Rappelons que la vaste réforme avait porté sur la réhabilitation de “la place et du rôle décisif joué par l’association des Ulémas dans le déclenchement de la guerre sainte de libération et la correction des dérives laïques véhiculées par les anciens Régimes”.

Lors d’une courte apparition à l’école des filles au centre d’Alger, Boulevard Abassi (ex-boulevard Larbi-Ben M’hidi), le ministre des Savoirs religieux avait tenu à rappeler la dette de la nation aux premiers collectifs d’avocats qui, par leur solidarité, leur volonté et leur courage, avaient ouvert la voix aux jugements des impiétés qui menaçaient “les fondements de notre nation”. “Ils étaient à peine une dizaine en 2021. Aujourd’hui, c’est tout un peuple qui leur rend hommage.” Des écoles avaient été baptisées du nom de ces pionniers de la Sahwa nationale.
AII 121757 Nov. 2024.
Art 146- Bis 2 : les condamnées pour infraction aux lois religieuses, lapidées, fouettées, ou autres amputées ne peuvent prétendre à l’exercice d’une fonction publique, à un statut de représentant syndical ou d’élus.
Flash : plusieurs francophones capturés dans la wilaya islamique de Béchar. Ils tentaient de traverser les frontières.
Démenti : l’ambassadeur de la République islamique de l’Iran réfute les rumeurs sur l’installation d’une base militaire iranienne logistique à Ghardaïa. “C’est une campagne de diffamation internationale qui cible notre religion.”
“Qui jouera le rôle d’Ibn Badis dans le film La nouvelle Bataille d’Alger ?”, titre El Sahwa News.
Le Premier ministre Benfarina signe le décret : un certificat religieux, cosigné par l’imam du quartier et un officier de “la pureté”, est obligatoire pour toute fonction publique ou autre candidature officielle. Outre cette décision importante, une prime à la polygamie vient d’être instaurée par les services sociaux pour lutter contre  le célibat des femmes “qui menace notre nation et ses valeurs”.
Une campagne de chasse a été lancée à la commune de Sidi A., pour retrouver la jeune K. L., 18 ans, fugueuse du domicile familial depuis trois jours. Son portrait est disponible dans toutes les mosquées de la wilaya islamique.
“Buvez l’eau ZamZim, elle est hallal.”
N. B. : Le jeune ensiegnant “Hmida H.”, originaire de Mila, a été innocenté de l’accusation d’atteinte à l’islam et réintégrer dans ses fonctions. Rappelons qu’il avait été accusé de n’avoir pas entamé son cours avec l’inscription claire et visible de la “Basmal” sur la tableau de la classe. L’enquête avait conclu à un geste irresponsable et involontaire de l’un de ses écoliers mécontent d’une notation.
Un militant algérien connu pour ses engagements envers la démocratie durant la période dite “Hirak naïf” par les critiques d’art islamique publie en France un ouvrage remarqué : Je n’avais pas compris ! Chronique d’un éborgné par l’enthousiasme.
Campagne nationale : “Sois une vraie femme, reviens à ta maison.” Une cuisine équipée est offerte à toute femme algérienne qui renonce à son emploi au bénéfice d’un père de famille.

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

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    Mustapha HAMMOUCHE Publié 14 Avril 2022 à 12:00