Rencontrée en marge d’une journée scientifique de formation continue dédiée à l’alimentation infantile, le Pr Manoubia Bensmina, chef du service de pédiatrie “B” du CHU de Douéra, revient dans cet entretien sur les maladies liées à l’alimentation chez l’enfant.
Liberté : Quel constat dressez-vous de la maladie cœliaque ?
Pr Manoubia Bensmina : Il est su que cette maladie - connue aussi sous le nom d’entéropathie au gluten, cœliaque ou intolérance aux produits à base de céréales dont le blé, l’orge ou le seigle - nécessite un régime, cependant, il n’est pas toujours aisé pour les patients et leurs parents d’accéder aux produits alimentaires sans gluten.
Très onéreux et indisponibles dans les villes et villages, les produits sans gluten ne sont pas subventionnés. À cet effet, il est nécessaire que les patients atteints de cette pathologie s’organisent davantage pour défendre leurs droits et, du coup, la prise en charge de cette alimentation spécifique qui est, il faut le noter, leur traitement. Il est à noter que selon une étude datant de 2015 à Alger ayant touché une population de 4 864 enfants âgés entre 5 et 15 ans, la prévalence est de 0,56%. Dans une autre étude de cas cumulés à Oran entre 1975 et qui s’est étalée sur plusieurs décennies, la prévalence était située entre 0,5% et 1%. Outre la cherté des produits alimentaires, les patients font aussi face à la cherté des examens immunologiques (analyses médicales).
Qu’en est-il de l’allergie aux protéines de lait de vache dont la prévalence est estimée à 3,6% selon une étude de Pr Boughellout ?
L’APLV (allergie aux protéines de lait de vache) est l’allergie alimentaire la plus connue chez le jeune enfant, voire du jeune nourrisson, dont la prévalence est de 2% dans le monde. Selon une étude du Pr Ouardia Ibsaïne d’Hussein Dey datant de 2010, dans notre pays, l’incidence est de 1,8%. Nous devons souligner que plusieurs facteurs sont à l’origine de cette allergie, voire des facteurs de risque qui doivent être connus, afin de les éviter. Il s’agit de l’accouchement par césarienne où le biberon est donné au bébé. D’où la nécessité de donner le bébé à la maman césarisée dans l’heure qui suit sa naissance pour l’allaiter.
En effet, on ne le répétera jamais assez, il faut mettre le focus sur l’allaitement maternel qui a des bienfaits sur la santé de l’enfant et de la mère, car il prévient des maladies non transmissibles à l’âge adulte. Le lait maternel reste le meilleur aliment pour le bébé à tout point de vue. Les chiffres relatifs à l’allaitement maternel exclusif jusqu’à l’âge de six moins sont très faibles par rapport à d’autres pays. Nous avons 7% contre 82% en Norvège et 23% en France. À la naissance, nous enregistrons 9,50% en Algérie contre 99% en Norvège et 74% en France.
On compte de plus en plus d’enfants diabétiques. Quelle est le meilleur régime et les aliments à donner aux enfants diabétiques ?
Pour le diabète de type 1, le nombre d’enfants atteints de cette pathologie chronique augmente au fil des années.
Le registre de la wilaya d’Alger, instauré depuis 2010, laisse apparaître qu’environ 30 enfants âgés de moins de 15 ans sur 100 000 sont diabétiques. Nous figurons au top 10 des pays dont l’incidence du diabète est parmi la population pédiatrique. D’où la nécessité d’un plan de santé spécial destiné à la pédiatrie. Nous devons orienter davantage la formation et la prise en charge des patients en commençant par le régime, voire l’alimentation, en favorisant des légumes et des fruits.
En effet, une alimentation saine doit êre adaptée à tous, tout en bannissant les boissons et les produits sucrés qui doivent être pris occasionnellement. Ce doit être le régime de toute la famille car il n’y a pas d’interdits, mais une meilleure organisation tout en évitant le grignotage et en respectant les horaires des repas.
Des parents d’enfants diabétiques et des praticiens spécialistes du diabète plaident pour l’adoption du Freestyle Libre en Algérie. Quel est votre avis ?
Le Freestyle Libre permet de mesurer et de surveiller sa glycémie sans piqûre. En effet, il évite aux enfants diabétiques de se piquer plusieurs fois par jour et, du coup, améliorer sensiblement leur qualité de vie.
Il permet ainsi de réduire le nombre d’infections et aussi d’améliorer l’équilibre de leur diabète. Actuellement, cet appareil n’est pas disponible en Algérie et les associations s’occupant d’enfants diabétiques ne cessent de le revendiquer au moins pour les jeunes enfants.
La surveillance de son taux de glucose est fondamentale pour le diabétique. Cet appareil permet au diabétique un bon dosage des doses d'insuline qu'il devra utiliser. Il est à souligner que la glycémie varie au cours de la journée en fonction de différents facteurs, comme par exemple la composition des repas ou encore l'activité physique. Nous souhaitons que la tutelle se penche davantage sur ce dossier. Il faut aussi focaliser le travail sur la nécessité d’une alimentation saine et équilibrée pour les enfants diabétiques ou non diabétiques.
Entretien réalisé par : FAOUZI SENOUSSAOUI
