Samedi dernier, le Maroc, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, est revenu à la charge pour accuser l’Algérie d’être partie prenante de l’action du Front Polisario.
C’était juste après que l’Agence de presse marocaine ait diffusé un message du président Bouteflika au roi Mohamed VI, que son homologue algérienne s’est gardée de rendre public. Eu égard à la traditionnelle publicité dont bénéficie l’activité épistolaire du Président, cet effort de discrétion signifie que les autorités algériennes ne voulaient pas donner plus d’écho que cela à un courrier au ton accommodant.
Est-ce parce que le message n’est que l’expression d’une formalité protocolaire de début de Ramadhan ? Mais, dans ce cas, cela aurait dû concerner tous les États musulmans. Est-ce alors parce que l’opinion algérienne n’avait pas à prendre connaissance d’une missive révélatrice de l’ambivalence verbale qui caractérise les échanges entre leur pays et le pays voisin ? Un ton pour l’ambiance générale, un ton pour l’échange intime ?
C’est en effet une constante dans la relation algéro-marocaine qu’elle oscille entre des moments de tension extrême marqués par les fulminations agressives des représentants marocains et les réparties caustiques des nôtres et d’autres marqués par la tempérance des correspondances royales et présidentielles au style conciliant, voire engageant. Ceci donne à cette relation une humeur en yoyo quelque peu déstabilisante pour une opinion nationale formée à la stricte binarité du point de vue : en matière de rapport aux autres, nous avons soit des ennemis, soit des frères. Même l’amitié n’est qu’une vague notion exprimant une qualité de relation passagère, en tout cas aléatoire, que nous avons parfois avec les ennemis en trêve ou en sursis. Ce qui est caractéristique est que lorsqu’il s’agit de notre sphère socio-culturelle, arabo-musulmane, et plus encore dans le contexte maghrébin, nous n’avons que des “frères”. Tant qu’il n’y a pas la guerre.
Dans la culture politique de nos dirigeants, et de nos sociétés, la diplomatie, et les affaires étrangères en général, empruntent au langage du sentiment et s’accompagnent d’une “communication de l’émotion” en direction du peuple. De fait, il est plus aisé de nous émouvoir que de nous convaincre. La règle de notre diplomatie, et de la diplomatie arabe en général, quand elle ressent le besoin de s’appuyer sur le soutien des masses, s’adonne à l’exaltation de la solidarité de communauté face à un monde extérieur parfois menaçant. Mais, dans le cas de conflit interne, le cas algéro-marocain en l’occurrence, le principe de fraternité identitaire laisse place à une espèce de devoir national de vigilance défensive. Des deux côtés. Mais c’est le nôtre qui nous intéresse. Car nous sommes réputés être en démocratie, n’est-ce pas ? Et nous avons donc droit à une lisibilité de la conjonction internationale dans laquelle se trouve le pays.
D’autant plus que, cette fois-ci, l’aimable message du Président ne nous a même pas valu une trêve dans le bellicisme verbal ambiant. Pire, c’est la langue des manœuvres militaires qui paraît s’imposer.
Alors qu’il y a vraiment lieu de s’inquiéter de ce que le politologue Rachid Grim a décrit comme une “espèce d’escalade (verbale) peut déraper un jour si on ne fait pas très attention”.
M. H.