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ASSEOIR UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT

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Rédaction Nationale Publié 20 Janvier 2021 à 21:59

Par : EL-HADI MAKBOUL
        
EXPERT INTERNATIONAL

“ Certes, l’adoption et la réalisation de programmes infrastructurels autour de projets de proximité orientés vers les secteurs de base : éducation, eau, électricité, routes, transport, etc. sont nécessaires dans cette phase de développement et de rattrapage, mais ils doivent impérativement s’inscrire dans une vision plus globale, et tendant à améliorer les conditions de vie de ces populations.”

© D. R.

Les défis actuels du développement local durable au-delà des aspects liés aux politiques de rattrapage et de prise en charge des besoins économiques et sociaux prioritaires des populations locales  constituent aujourd’hui et demain la préoccupation majeure envers des régions enclavées notamment en milieu rural où les populations concernées souffrent d’un manque de prise en charge effective des besoins prioritaires. 
Les tentatives de stratégies de développement rural et local durable, initiées auparavant lors de la dernière décennie, ont conduit à des résultats mitigés en l’absence de plusieurs facteurs humains, financiers, institutionnels et surtout d’une vision sereine et durable et d’un engagement effectif des pouvoirs publics. 
En effet, la réussite ou l’échec de toute politique de développement engagée dépendra en premier lieu de la clarification de ses objectifs à court, moyen et long terme, de la stratégie et de la feuille de route adoptée et mise en place, des différents moyens et instruments mobilisés, des programmes ciblés et exécutés, des modes de gouvernance utilisés et de la mobilisation des différents acteurs locaux concernés. En cette étape, une clarification de la notion de développement des zones d’ombre et des objectifs fixés est nécessaire et utile pour une meilleure visibilité et pour permettre à cette étape l’adhésion des différents acteurs locaux. 
Même si le programme de développement des zones d’ombre demeure ambitieux et stratégique avec près de 15 000 zones à développer et à rattraper, cependant, il ne doit en aucun cas être considéré comme une reconversion des programmes locaux de développement tirés simplement d’une nomenclature de projets locaux des PCD, PSD, FCCL et des programmes communaux et de wilayas, sans une véritable réforme du mode de financement de ces projets, de leur mode de programmation, de gestion et d’exécution. Ce programme doit, à notre avis, dépasser le cadre classique et traditionnel, et s’inscrire dans une véritable réforme globale du mode de développement local à travers une vision intégrée et durable axée notamment sur :
- Une stratégie de développement local durable qui manque aujourd’hui au développement de nos territoires enfermés dans une politique de déconcentration désastreuse qui a démontré ses limites et ses faiblesses, caractérisés également par des moyens humains et financiers inadaptés et des organisations territoriales sclérosées.  
- Une vision cohérente et durable d’aménagement et d’attractivité des territoires.
- Une politique de rattrapage et de développement des zones enclavées, notamment rurales.
- Une approche territoriale globale, intégrée et dynamique.
- Une forte implication et adhésion des acteurs locaux à tous stades d’exécution du programme et le lancement d’un véritable partenariat local entre les différents acteurs sur la base d’une approche participative locale.
- Une amélioration du niveau et des conditions de vie des populations locales et la lutte contre la pauvreté en vue de leur stabilisation dans cet environnement et leur offrir des conditions de vie décente.  
- Une mise à niveau des infrastructures de base au niveau local. 
- Une revitalisation des territoires locaux et des espaces et régions enclavées avec la mobilisation des différentes ressources et capacités économiques et financières présentes dans ces zones, et ce, dans un souci d’efficacité, de synergie et d’attractivité de ces territoires.  
- Une jonction et une coordination nécessaire et une intersectorialité effective avec les programmes sectoriels. 
- Et enfin, une réelle “politique de décentralisation” salutaire pour la sauvegarde et l’attractivité de nos territoires, seul gage pour assurer un développement local durable, cohérent et prospère. 
Certes, l’adoption et la réalisation de programmes infrastructurels autour de projets de proximité orientés vers les secteurs de base (éducation, eau, électricité, routes, transports, etc.) sont nécessaires dans cette phase de développement et de rattrapage, mais elles doivent impérativement s’inscrire dans une vision plus globale et tendre à améliorer les conditions de vie de ces populations et d’engager en parallèle un véritable programme de lutte contre la pauvreté sous toutes ses formes dans ces zones et l’amélioration du niveau de vie de ces populations locales, et ce, à travers un programme d’actions national qui permettrait de :
- Recenser les catégories les plus démunies et d’identifier leurs besoins prioritaires. 
- Mettre en place un système de ciblage des personnes et des ménages pauvres.
- Définir un programme de soutien de ces ménages à travers les différentes aides et projets initiés ou à inscrire. 
- Permettre l’accès aux richesses locales et à l’emploi durable, avec un accès au logement social et aux différents programmes de solidarité et de soutien. 
- Mettre en place un système de suivi de l’état et du niveau de vie de ces ménages en collaboration avec les structures sociales et locales concernées.
- Relancer l’emploi dans ces zones par l’accès aux projets identifiés dans le cadre des PDDRI et multiplier la création de zones d’activités rurales et de petites et moyennes entreprises au niveau local. 
L’ensemble de ces mesures aura ainsi pour objectifs de développer les zones enclavées et rattraper les retards mais surtout de lutter efficacement contre la pauvreté et la précarité des ménages vivant à l’intérieur de ces zones d’ombre et dont la situation économique et sociale risque de s’aggraver davantage face à la crise économique, sociale et sanitaire qui semble se prolonger durant cette période.
Dans ce cadre, l’approche stratégique qui doit guider le programme national de développement des zones d’ombre doit être réajustée et orientée vers l’exécution de mesures permettant d’assurer dans la mise en œuvre de cette politique, les objectifs liés à :
- Un développement local durable.
- Une équité dans l’accès aux prestations de base.
- Une véritable décentralisation et implication des populations et des acteurs locaux.
- Un développement équilibré des territoires et l’amélioration des conditions de vie et la lutte contre la pauvreté. 
- Un renforcement des droits des citoyens et de la cohésion sociale permettant d’associer solidairement l’ensemble des personnes vivant dans ces zones. 
- Une valorisation et une revitalisation de ces zones d’ombre et une relance effective de l’emploi durable.
Ainsi, l’orientation, la réalisation et la mise en œuvre des différents projets retenus devront préalablement obéir et suivre 
une approche opérationnelle qui devra s’appuyer sur une méthodologie 
cohérente, des outils adaptés mais également une implication des principaux acteurs locaux selon un schéma global et cohérent.

-Sur la stratégie nationale de développement des zones d’ombre
Elle doit s’appuyer sur une large concertation et une implication des différentes parties en identifiant les projets retenus et les zones prioritaires visant notamment à assurer un partenariat et une intégration effective, une valorisation des équilibres des ressources et des territoires et ce en vue de créer une véritable synergie économique et sociale locale. Cette stratégie devra impulser prioritairement les projets de proximité et les systèmes d’aide à la localisation, au financement et au renforcement des capacités des acteurs locaux dans les choix des projets retenus et les modes de gestion et de suivi de ces dernières.

-Sur la clarification des objectifs de cette stratégie
Contrairement aux approches sectorielles, les objectifs visés par cette stratégie de développement des zones d’ombre au niveau local devront considérer ces zones comme un ensemble intégré, avec des dimensions multiples (naturelle, humaine, économique, sociale…), composé d’une population, de ressources, d’atouts, de potentialités et de contraintes. Ainsi, l’approche territoriale développée apportera un éclairage nouveau sur les différentes zones d’intervention et fournira à l’État et aux collectivités locales des bases certaines pour définir un plan d’action local adapté à la situation réelle du territoire concerné, comme il s’agira d’impliquer les acteurs locaux dans tous les stades d’exécution des projets dans une dynamique de revitalisation des territoires ciblés.

-Sur la nécessaire jonction et coordination avec les programmes de développement rural et local
La construction de projets intégrateurs ne peut faire l’impasse de la jonction avec les expériences et les programmes de développement rural et local initiés auparavant au niveau de l’ensemble de ces espaces avec des degrés divers.
L’organisation de la synergie entre les projets et la mutualisation des efforts et la mobilisation des acteurs ont constitué les principales idées fortes et spécificités de ces projets fédérateurs.
L’implication de la société civile et l’intégration de la politique participative et le renforcement des projets divers ont permis de renforcer l’équité et l’égalité d’accès aux services de base et aux ressources nécessaires pour la concrétisation des différents programmes.

-Sur la nécessité de cibler les populations pauvres et démunies de ces zones d’ombre
Le programme de soutien engagé vise notamment le renforcement des conditions d’un développement harmonieux et équilibré permettant notamment de renforcer la cohésion sociale et surtout de lutte contre la marginalisation, l’exclusion et la pauvreté des populations locales démunies.
Après avoir recensé l’ensemble de ces zones d’ombre et identifié leurs besoins, l’action locale devra s’orienter principalement vers l’amélioration du niveau de vie et la lutte contre la pauvreté de ces populations autour d’une cartographie et d’un ciblage par zone et par ménage, afin de les identifier et de leur faire bénéficier des dispositifs d’aides sociales prévues en la matière et de définir des mesures adéquates au cas par cas selon les priorités, le niveau de vie et la priorité de chaque ménage. Cette opération permettra à l’Algérie de s’inscrire dans le cadre des objectifs de développement durable fixés par les Nations unies dans son volet de lutte contre la pauvreté dans le monde à l’horizon 2030. 

-Sur l’identification des besoins prioritaires des populations de ces zones 
Afin d’améliorer les performances économiques et sociales des actions locales et des projets inscrits dans ces zones, il convient d’identifier les besoins prioritaires des populations concernées et de s’éloigner des visions et décisions administratives locales et des approches sectorielles et ce sur la base d’un véritable consensus et d’une approche participative locale qui impliquera l’ensemble des acteurs concernés par les projets et le développement de ces territoires, Les porteurs de projets (populations, associations et communes) doivent être au centre de ce dispositif de consensus et d’option. Les autorités locales doivent accompagner et apporter un soutien matériel, financier et technique en cette circonstance.

-Sur les financements à mobiliser pour la réalisation et le lancement des projets, l’apport des secteurs et la maîtrise des coûts
Dans cette phase active de réalisation la mobilisation des ressources matérielles et financières est une opération stratégique qui déterminera les résultats et les objectifs à atteindre dans chaque région. La mobilisation des financements locaux à travers l’assainissement des nomenclatures et la réadaptation des programmes et la restructuration des opérations financières relatives aux PCD, PSD, FCLL et budgets locaux en fonction des priorités et des besoins prioritaires de ces zones est une action primordiale dans cette phase. En outre, l’apport des différents fonds spéciaux nationaux et sectoriels devra suivre également pour impulser cette dynamique de développement en relation avec les différents secteurs dans le cadre d’une coordination intersectorielle étroite. Par ailleurs, d’autres sources de financement doivent être mobilisées pour l’exécution de ces programmes, notamment celles relatives aux institutions publiques du Trésor, des banques, des institutions nationales ou internationales dans le cadre d’une vision cohérente et intégrée et d’un partenariat élargi aux différentes institutions financières. 

-Sur la nécessité d’encadrer, de préserver et de mobiliser l’outil de réalisation local et veiller au respect des procédures et des normes de réalisation
La mobilisation et la préservation de l’outil local de réalisation est une action fondamentale qui vise à assurer un plan de charge aux entreprises locales et la création d’emplois au niveau de ces zones d’ombre. 
En dépit des obligations contractuelles relatives au délai de réalisation et au respect de la nature des travaux et des normes de réalisation, l’administration locale doit veiller à leur santé financière et à engager dans des délais convenables leurs situations de travaux et éviter les procédures bureaucratiques et lenteurs de paiement qui ont souvent conduit à des faillites prématurées et à des dépôts de bilan de ces entreprises en raison de la non-programmation des budgets alloués à l’exécution de ces programmes, pratiques qui ont conduit ainsi nombre de ces entreprises à autofinancer les projets inscrits sur leurs propres fonds et à rencontrer des difficultés financières au niveau local. À cet effet, il faudra définir et arrêter une méthodologie et des délais de paiement des situations engagées par ces entreprises.

-Sur les mécanismes et dispositifs à mettre en place
Le plan opérationnel de mise en œuvre des projets de développement des zones d’ombre doit être organisé en 3 phases : une phase identification et consensus, une phase maturation et évaluation et une phase de validation et lancement du projet. Les 3 phases concernent l’identification et la préparation du projet à réaliser en mobilisant les différents acteurs aux 3 niveaux d’agrégation et de partenariat.
Cette procédure pour sa solvabilité doit être accompagnée par un comité technique d’animation locale qui aura pour mission d’évaluer les projets, d’examiner et suivre leur réalisation et d’apporter aide et assistance à la prise de décision locale
En outre, ces dispositifs supposent également d’entamer une démarche concertée et participative dans la maturation et l’exécution des projets. 

- Sur la mobilisation, l’accompagnement et la mise à niveau des acteurs locaux 
Les acteurs locaux concernés par la réalisation et l’identification des projets sur leur territoire devront être mobilisés dans toutes les phases de maturation, d’inscription et de réalisation des projets. Cependant, certains acteurs vont permettre de regrouper des personnes en fonction de leurs qualifications, leurs expériences et la qualité des liens tissés avec les populations locales et les prédisposent ainsi à assumer des fonctions de soutien, d’accompagnement d’animation et de conseils aux différentes parties. Comme il s’agira d’identifier dans ces zones la présence de leaders ou de personnes ressources qui, par leur qualité personnelle ou leur influence dans la région ou leur représentativité et compétence, leur confèrent une légitimité et une représentativité leur permettant de jouer une fonction d’entraînement des initiatives locales.
- Sur la mise en place d’un système de suivi et d’évaluation et le développement d’un partenariat multiple 
Cette opération d’envergure nationale ne peut se concevoir sans la mise en place d’un système de suivi et d’évaluation performant tant au niveau local que national, avec l’introduction des nouvelles technologies et l’élaboration d’un indice de performance qui permettra à l’État et aux collectivités locales d’évaluer l’ensemble du programme à travers les 48 wilayas et de déterminer ainsi le niveau de son exécution et les contraintes rencontrées dans chaque phase et dans chaque région. Ce système de suivi et d’évaluation doit être confié à un organisme spécialisé selon un schéma adapté et des applications dédiées permettant une bonne circulation de l’information, la constitution d’une base de données renforcée par un système d’information géographique décentralisé (SiG).

- Sur la mise en place d’un système d’information et de renforcement des capacités des acteurs locaux 
Le dispositif national d’information et de communication vise à assurer une meilleure visibilité et la mise en œuvre de ce programme constitué de milliers de projets de proximité et de développement prenant en charge les besoins et attentes des populations locales. 
Au delà de la valorisation de ces territoires enclavés, il doit mettre en relation les acteurs socio-économiques, entamer de nouvelles formes de partenariat et s’appuyer sur le renforcement des capacités de ces acteurs pour une bonne programmation et gestion de ces projets et répondre ainsi aux besoins des populations locales dans le cadre d’une nouvelle synergie locale.

- Sur les outils et dispositifs d’accompagnement à mettre en place 
La spécificité et l’importance de ce programme national devront nous conduire à mettre en place une véritable cartographie de ces zones d’ombre en intégrant dans cette analyse le niveau et les conditions de vie des ménages installés dans ces régions sur la base d’une analyse globale qui examinerait et assoirait les dispositifs d’accompagnement et notamment :
• L’état de ces zones en relevant les déficits et les besoins prioritaires de ces populations et de ces régions
• L’état de la situation économique et sociale de ces populations à travers leur revenu, niveau de vie et emploi 
• Les potentialités, vocations et perspectives de développement de ces régions
• L’élaboration d’un indice de développement de ces zones
En conclusion, le principal objectif de ce programme vise à doter notre pays d’une véritable stratégie de développement local durable avec l’objectif principal de stabiliser les populations rurales dans leurs espaces naturels en leur offrant notamment :
- Les moyens et les infrastructures vitales nécessaires à leur bien-être 
- Les conditions d’amélioration de leur niveau et conditions de vie 
- L’amélioration de leur environnement économique, spatial et social Et ce, à travers une véritable solidarité nationale menée par l’État, garant de l’équité sociale et soucieux de la stabilité nationale, car ce vaste chantier national ne doit pas être conçu comme une simple addition de projets locaux à réaliser, mais une lueur d’espoir au développement de ces zones enclavées et des populations à travers une stratégie nationale de développement intégré et durable permettant d’apporter les correctifs nécessaires aux différents plans et programmes engagés auparavant et de repositionner ainsi notre pays et ses territoires dans la mouvance du développement et du progrès dans le cadre de la prochaine décennie, conformément aux objectifs du programme national volontaire de développement durable à l’horizon 2030, auquel l’Algérie a adhéré en 2019 auprès des Nation unies, programme venu appuyer la démarche initiée quinze années auparavant, lors du sommet du millénaire en faveur des objectifs du millénaire (OMD) pour le développement. 
“Cette approche rénovée de la politique du développement durable offre ainsi à chaque pays de trouver sa propre voie pour réaliser les objectifs de l’agenda 2030 en fonction de son niveau de développement, de ses priorités et du contexte dans lequel il évolue. Il s’agira dans ce cadre de réduire les inégalités flagrantes et de corriger les écarts en matière de développement durable.”  

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