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ET L’ALGÉRIE DANS TOUT CELA ?

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OMAR HAMOURIT Publié 13 Mars 2021 à 21:07

“Il n’est pas  question ici de  demander  à  ce  que  l’Algérie devienne immédiatement la Silicon Valley, mais d’attirer l’attention des acteurs politiques de prendre réellement conscience de ce monde qui change devant nos yeux, et de ses conséquences à moyen terme sur le pays.”

Par : OMAR HAMOURIT
HISTORIEN INDÉPENDANT ET CONFÉRENCIER SUR L’HISTOIRE DE L’AFRIQUE DU NORD ANTIQUE ET MÉDIÉVALE

Je vais parler de l’intelligence artificielle (IA) sans la juger. Je laisserai au lecteur la possibilité de construire son opinion sur le plan éthique. Je peux dire, en revanche, que toutes les sociétés, chacune à son niveau, ont été concernées et touchées par l’utilisation de l’intelligence artificielle. Depuis trente ans, les pays avancés ont été transformés en profondeur par  le numérique, tant sur le plan économique que sur celui de la vie quotidienne. La transformation numérique des sociétés s’accélère, et nous ne sommes qu’au début, à en juger par l’histoire du développent du numérique que je vais sommairement retracer

À  l’origine  du  développement  de  la  science  de  l’informatique  et  de l’intelligence artificielle 
Les historiens de l’informatique ont tendance à considérer le travail du Britannique Allan Turing, un mathématicien spécialiste de la logique, qui a construit au début de la Seconde Guerre mondiale (1940) une machine pour intercepter le chiffrement et les codes d’Enigma, ce système utilisé par les Allemands nazis pour transmettre leurs informations, comme le vrai début de l’intelligence artificielle.
Allan Turing a réussi à décoder les messages d’Enigma et permis aux Britanniques d’anticiper bien des mouvements des forces allemandes nazies. Cependant, il a fallu attendre 1956 et la conférence organisée par Marvin Minsky et John McCarthy, sur le campus du Dartmouth College, aux États-Unis, pour assister à la naissance de l’IA. Lors de cette conférence, Allen Newell et Herbert Simon ont fait connaître leur fameux Logic Theorist, un programme conçu pour reproduire les compétences de résolution de problèmes d’un être humain. C’est lors de cette rencontre que John McCarthy a demandé à l’auditoire d’accepter l’expression “intelligence artificielle”. Conscients de son importance, les Américains ont maintenu l’intelligence artificielle entre les mains des agences gouvernementales ou étatiques, comme l’agence militaire américaine de la recherche Darpa. D’ailleurs, le moteur de recherche Google a été nourri et mis en incubation par les agences gouvernementales américaines de défense et de renseignements.
Il eut cependant, en 1973, un fait majeur, dans les sciences de l’informatique : la définition du  protocole TCP/IP (Transmission Control Protocol/Internet Protocol) qui a donné à chaque adresse IP un code. Ce protocole va permettre à mettre en lien les ordinateurs dans le monde entier. Une innovation majeure que les esprits aiguisés ont immédiatement compris quant à son importance sur le plan économique. C’est ainsi qu’on est passé de 1 000 ordinateurs interconnectés en eux, en 1984, à 365 milliards, en 2014.
Le TCP/IP va favoriser de nombreuses innovations, à commencer par le fameux protocole HTTP (Hyper Text Transfer Protocol), créé par Tim Berners-Lee, pour mettre en lien des fichiers, envoyer et recevoir des pages HTML, des images et toutes sortes de données. Dans la foulée, Berners-Lee conçoit, avec l’ingénieur en informatique belge Robert Cailliau, le fameux WWW (World Wide Web) (toile d’araignée dans le monde), le langage pour fabriquer des pages et des sites Web. Nous sommes au début des années 1990. Ces trois innovations vont modifier le monde.
En 1994, Jeff Bezos saisit cette opportunité pour créer Amazon, l’entreprise la plus puissante du monde aujourd’hui.
Les prouesses informatiques s’enchaînent. En 1997, le plus grand joueur d’échecs Kasparov fut battu par le programme Deep Blue, installé dans un ordinateur d’IBM. En 1998, Larry Page et Serguey Brin fondent Google, qui n’est pas un simple moteur de recherche, mais une énorme entreprise tentaculaire. Un an plus tard, on assiste à la naissance du Wireless Fidelity (WIFI), technique de connexion internet à distance. Dans cet univers en mutation vertigineuse de la technologie que Jawed Karim met en ligne sa première vidéo, en 2005, et crée YouTube.
En 2006, Jack Dorsey envoie son premier Tweet, naissance de Twitter. Dans la foulée, en 2006, FaceBook devient un accès libre et se généralise dans le monde. En 2007, Steve Job présente son IPhone et en 2010 son IPAD. Tout cela s’est fait en dix ans.  Il y eut cependant un événement qui symbolise parfaitement cet emballement de l’intelligence artificielle et l’innovation technologique : la rencontre, en 2016, de “jeu de GO” qui opposa le Coréen Lee Sedol, l’immense champion du monde dans ce jeu, à AlphaGO, un programme informatique de l’entreprise anglaise Deep Mind, une filiale de Google. Lee Sedol déclara qu’il battra le programme par cinq parties à zéro. Devant des millions de téléspectateurs, AlphaGO a infligé une sévère défaite au champion coréen (cinq manchs à un). Deep Mind a construit un nouveau programme appelé “AlphaGozero”, qui va battre dans une rencontre le premier AlphaGO. En un mot, AlphaGo avait appris à jouer tout seul en s’entraînant contre lui-même. Il a ainsi progressé tout seul. C’est le monde du Deep Learning, un monde dans lequel la machine progresse par elle-même. 

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?
L’intelligence artificielle (IA) est une technologie de construction de programmes informatiques, appelés algorithmes, qui permettent d’analyser et d’exploiter des données. Qu’est-ce qu’un algorithme ? Outre le fait que le mot provienne de la déformation du nom du mathématicien perse du IXe siècle Al-Khawarizmi, il est tout simplement une écriture mathématique qui, appliquée à l’informatique, permet l’exécution optimisée de procédés répétitifs, essentiellement grâce à la formalisation et à la description des enchaînements logiques.
Par exemple, si on veut qu’une machine reconnaisse et fasse la différence entre les avions et les voitures, on lui présente plusieurs séries de photos. Elle finit par mémoriser, grâce à des directives codées, et ainsi répondre juste lorsqu’elle est questionnée. Pour exister, l’IA exploite donc des données programmées mais aussi les empreintes laissées lors de notre navigation sur le Web.
Par exemple, je suis habitué à commander des pizzas sur internet à Paris ; à peine arrivé à New York, j’ai reçu plusieurs messages m’indiquant les endroits où je pouvais trouver les meilleures pizzas en ville. L’intelligence artificielle a plusieurs niveaux. La calculatrice qui résout rapidement des problèmes mathématiques relativement complexes est l’un des modèles du premier niveau. Le deuxième est celui de la machine qui apprend par elle-même, c’est-à-dire celui de la “Machine Learning”.
À ce stade, l’IA est capable d’intégrer les informations par elle-même, d’apprendre et de progresser, à l’image du programme AlphaGo. Le troisième niveau est celui de l’IA qui pensera par elle-même, une IA autonome et consciente d’elle-même, avec des capacités supérieures à celles de l’espèce humaine. Pour l’instant, elle n’est pas encore une réalité mais les progrès technologiques font penser que dans trente ans le cap sera franchi. En effet, si on tient compte de la loi de Moore qui dit que la puissance des ordinateurs augmente tous les 18 mois, on peut penser, en effet, que l’IA prendrait, à moyen terme, des formes inattendues d’autonomie. Des personnalités comme Bill Gates, le fondateur de Microsoft, et Elon Musk, patron de Space X et de Tesla, et Stephen Hawking, l’astrophysicien anglais mort en 2018, pensent que l’IA autonome est plus que possible, à moyenne échéance. 

L’intelligence artificielle et l’évolution économique mondiale
Aujourd’hui, l’usine à l’ancienne produit moins de richesses que les technologies de l’IA. Autrement dit, la combinaison entre le capital et le travail assure peu la croissance à laquelle se sont habitués les pays développés et même les moins développés. Si on compare, aujourd’hui, Google, Apple et Amazon, les champions du monde de l’exploitation de l’intelligence artificielle, aux fabricants automobiles américains General Motors et Chrysler, au temps de leur puissance d’hier, on constate que “les trois entreprises de l’économie digitale possèdent chacune (je précise chacune) une valeur financière neuf fois supérieure à celle de General Motors ou de Chrysler, tenez-vous bien, avec trois fois  moins d’employés”.
La richesse actuelle est donc de plus en plus produite par les firmes des nouvelles technologies. La marche triomphale de l’IA se matérialise aussi et hautement dans le domaine de l’économie collaborative, une économie organisée autour des échanges commerciaux, de particulier à particulier.

L’intelligence artificielle et l’économie collaborative
L’un des modèles de cette économie collaborative est Uber, cette entreprise-plateforme américaine née de technologie numérique qui développe et exploite des applications mobiles de mise en contact d'utilisateurs avec des conducteurs réalisant des services de transport. Les taxis classiques et les agences de location de voitures ne sont pas satisfaits, mais le  consommateur y trouve son compte. La Chine a sa plateforme Didi, moins connue dans le monde.
Mais le modèle le plus symptomatique de l’économie collaborative digital est la société Airbnb, le leader mondial de la location de logements de vacances. Ce sont des opérateurs qui, derrière leur ordinateur, gèrent une plateforme avec des offres de location de logements de particuliers.

En mars 2017, cette entreprise est valorisée en Bourse à 31 milliards de dollars, avec seulement 3 000 employés dans le monde. À titre de comparaison, le groupe Accord, propriétaire des hôtels Ibis, Mercure, Sofitel, Pullman Hôtels and Ressorts, PLUS, dont la capacité totale est d'environ 710 000 chambres et employant 280 000 personnes, possède une valeur boursière  de l’ordre de 11,40 milliards d’euros (2019), avant la pandémie de coronavirus. Autrement dit, trois fois moins que la capitalisation d’Airbnb qui n’est propriétaire d’aucun hôtel. On comprend rapidement l’ampleur de l’impact des nouvelles technologies.

Le déploiement du numérique a donné évidemment Amazon, la plus grande plateforme de commerce en ligne. Son fondateur, Jeff Bezos, est l’homme le plus riche du monde. Amazon a une valeur boursière de 797 milliards de dollars.
Le chinois Ali Baba, la deuxième plateforme de commerce en ligne, qui travaille à flux tendu, n’a pas une seule paire de chaussures en stock. Mais il vous assure une livraison immédiate. C’est ça l’économie de l’intelligence artificielle. Google est extrêmement puissant. Il capitalise, avec ses différentes filiales, à 794 milliards de dollars. Comment Google gagne de l’argent, alors que la plupart de ses services sont proposés gratuitement. Les publicités personnalisées, les applications et surtout avec le fameux Android détenu par l’entreprise californienne sont les principales sources de revenus de la firme, sans oublier les empreintes laissées sur internet par les utilisateurs et vendues sous forme de data.   

L’intelligence artificielle dans l’industrie de la voiture autonome
L’application de l’intelligence artificielle à la création de l’automobile autonome a commencé, en 2004, par un concours organisé par la Darpa, l’agence américaine qui dépend du Pentagone.
Lors de ce concours, une quinzaine de véhicules furent lancés, mais aucune voiture n’a atteint l’objectif fixé. L’année suivante, avec la participation de prestigieuses universités, d’importantes améliorations ont été apportées. Google, en octobre 2010, annonce avoir conçu un système de pilotage automatique et autonome pour automobile aidé de radars, caméras vidéo et GPS. Dans la foulée, plusieurs véhicules sans chauffeur ont parcouru plus de 225 000 kilomètres en Californie, sans avoir provoqué d'accident. Cette année-là, un camion, aux USA, a fait 200 km pour livrer sa marchandise, sans conducteur. Nous sommes entrés dans l’ère de la voiture sans pilote au volant. 
Avec la voiture autonome, le nombre des accidents dus à la fatigue et à la somnolence baisserait sensiblement.
Tout sera contrôlé par les programmes qui réguleraient les distances entre les véhicules, grâce à des systèmes nés de la technologie 5G. Aussi, on aurait plus besoin de permis de conduire, dans un environnement routier amené à changer pour accueillir ce type de voiture. Sur dix millions d'accidents par an aux États-Unis, 9,5 millions sont dus à une erreur humaine. Les États-Unis comptent faire rouler trois millions de camions sans chauffeur, dans une décennie ou plus. Dans une trentaine d’années, on pourrait ne pas rencontrer un taxi avec chauffeur à Paris. Les trains rouleraient aussi sans conducteur. Le constructeur Ford prévoit de consacrer un milliard de dollars au cours des cinq prochaines années, dans le développement d'une intelligence artificielle pour les véhicules autonomes.
Aujourd’hui, il y a un peu plus d’un millier de voitures autonomes, en Californie et peut-être autant dans toute l’Amérique, qui circulent sur les routes. À Canton, en Chine, une centaine de voitures autonomes circulent déjà sur une zone pilote de 250 km. Aujourd’hui, à Malaga, en Espagne, les bus urbains sans chauffeur, c’est une réalité. Il y a moins de dix ans, la voiture autonome était impensable, aujourd’hui, c’est une réalité. 

L’intelligence artificielle et la biotechnologie 
La biotechnologie développée par certaines grandes firmes de l’IA, comme la filiale Calico (Californian Life compagny de Google, part du principe que l’homme doit être augmenté, car il sera impuissant en face des machines qui vont devenir de plus en plus puissantes et plus fortes que lui. Certains trouvent qu’il faut lui implanter des puces ou nano robots dans le cerveau pour augmenter les capacités. Ray Kurzweil, un des grands patrons de la recherche chez Google, pense que la fusion entre l’ordinateur et l’homme se fera en 2050. Ils partent aussi du principe que l’homme est souvent malade et qu’il faut anticiper et prévenir sa dégénérescence qui conduit à la mort précoce. Leur but est de rallonger la vie de l’homme à 150 ans et plus. Leur méthode est simple. Tout  cela commence par un travail prénatal sur le génome, c’est-à-dire sur le code génétique.
Autrement dit, ils veulent opérer à partir de l’ADN. Les équipes de Calico ont modifié l’ADN d’une souris dans l’embryon, en lui retirant de tout ce qui est susceptible de lui causer des maladies et raccourcir sa vie. Cette souris a, en effet, vécu 30% de vie supplémentaire. Les mêmes souris de son âge et du même échantillon étaient mortes depuis longtemps. Angelina Jolie avait découvert, à l’issue du séquençage de son génome, qu’elle avait une très forte chance de développer un cancer du sein. Elle avait ainsi accepté une ablation des seins. Grâce aux algorithmes, le temps du séquençage de son génome s’est compté en heures, alors qu’il aurait pris 40 ans de travail à une équipe de biologistes oncologues, sans l’IA. 

Et l’Algérie dans tout cela ?
Il n’est pas question ici de demander à ce que l’Algérie devienne immédiatement la Silicon Valley, mais d’attirer l’attention des acteurs politiques de prendre réellement conscience de ce monde qui change devant nos yeux, et de ses conséquences à moyen terme sur le pays.
La question du développement du numérique doit être prise au sérieux, car le décrochage pourrait être irréversible et plus profond que celui connu dans le cadre de l’économie industrielle classique. Les métiers traditionnels décroissent assurément et finiront par disparaître progressivement les uns derrière les autres. Le métier de prothésiste dentaire finira par s’éteindre, à court terme, avec l’imprimante 3D qui permet au dentiste d’envoyer des données  beaucoup plus précises que les empreintes traditionnelles, à la machine qui fabriquera rapidement une dent, sans passer par les moulages classiques. En médecine, le domaine de la radiologie va évoluer rapidement, car l’IA peut faire une bien meilleure lecture des résultats que le radiologue. La nécessité de former en nombre les radiologues n’en sera plus une, un technicien suffira pour la réalisation de la radio ou le scanner. Le métier de traducteur sera terriblement impacté, car des algorithmes traduisent aujourd’hui avec une grande rapidité de quantité de pages. Les métiers qui nécessitent le calcul, comme celui des comptables, seront sérieusement impactés par l’intelligence artificielle qui fera de bien meilleurs calculs que l’homme. 
Même si les politiques algériens veulent résister à ces changements, ils ne pourront pas se le permettre parce que les modèles de technologies classiques auront cessé de fonctionner dans les pays technologiquement avancés et desquels l’Algérie dépend. Il importe donc de réfléchir sur l’évolution des métiers et se projeter dans des plans de formations scolaires et universitaires, adaptés à l’innovation technologique. Dans moins de cinquante ans, “la souveraineté politique” des pays comme l’Algérie, pourrait être menacée et sa sécurité engagée. Car l’intelligence artificielle est stratégique, elle est au cœur des questions de sécurité intérieure, par la diffusion d’objets connectés qui sont à la fois capteur potentiel et pourvoyeur de renseignements. Cette question ne peut être résolue par un simple renforcement de la sécurité militaire, car le déploiement de l’IA touche toute la société. 
Dans le modèle industriel classique, les Algériens pouvaient se permettre de rester plus ou moins à l’écart, avec un système semi-ouvert économiquement et financièrement. Mais les interactions qu’impose le monde de l’IA ne permettront pas à l’Algérie de garder son modèle. Il sera fissuré par la puissance de l’horizontalité du numérique qui agit sur les systèmes pour les adapter à sa nature. Incontestablement, le défi de l’intelligence artificielle et du numérique doit devenir une cause nationale.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a donné, en mars 2020, son accord pour la mise en œuvre de la transition numérique et l’accélération de la transformation numérique de l’État et de la société. Presque un an après, aucune effervescence digne de ce nom autour de cette orientation politique n’est constatée sur le terrain et aucun déploiement d’incubateurs d’envergure n’est observé pour accélérer l’émergence de startup et accompagner les créations d'entreprise. Le rôle des startup est de trouver des “business model” pour booster le développement de l’économie. Des choses sont faites par-ci par-là, mais rien de bien structurant. Pour réussir, il faut percevoir le numérique comme un écosystème dont les parties interagissent entre elles et l’une a besoin de l’autre pour se développer, et non un raccommodage de petites opérations. En Algérie, le numérique est mis dans un ministère qui regroupe la poste, les télécommunications, les technologies numériques, doté, en 2021, de 2,28 milliards de dinars, l’équivalent d’un peu moins de 14 millions d’euros pour les trois entités du ministère. Il sera difficile de conduire une politique numérique cohérente et profonde dans ce pays, avec un tel budget.
À titre de comparaison, les affaires religieuses sont dotées d’un budget de 27,45 milliards de dinars et les anciens moudjahidine de 235,32 milliards. Cherchez l’erreur et voyons comment l’Algérie prépare l’avenir et se projette dans le monde de demain. Alors que le ministère de la Défense est doté de plus de 1 230 milliards de dinars, soit plus de 12 milliards de dollars, c’est de loin le plus important, l’éducation nationale, au lieu d’être l’essentiel du budget de l’État, est doté de 771 milliards de dinars.
Comment préparer donc les jeunes Algériens aux défis de l’IA, si on ne les rend pas compatibles avec l’intelligence artificielle, si on n’investit pas dans un projet sérieux de câblage des établissements scolaires pour la mise en réseau, afin de généraliser internet et le WiFi dans les classes. Le véritable défi du numérique et de l’intelligence artificielle est une affaire d’éducation, en un mot, d’école. Singapour que l’Algérie surclassait économiquement, jadis, a augmenté le quotient intellectuel moyen de la population par les méthodes scolaires adaptées et une volonté de s’accrocher aux mutations de la nouvelle industrie. Elle est aujourd’hui un modèle du genre. Les Algériens sont-ils moins doués ? Outre le câblage des établissements scolaires et la généralisation d’internet, il faut donc mettre l’accent sur le développement du raisonnement logique et mathématique à l’école, une nécessité pour construire les acteurs de l’intelligence artificielle. L’argent est le nerf de la guerre, mais la volonté politique l’est tout autant. Donc, pour changer les perspectives économiques, il faut commencer par changer la ventilation du budget par ministère. 
L’Agence nationale de la promotion des parcs technologiques (ANTP), créée en 2004, mais sans le budget nécessaire pour travailler et engager des projets de fond, rencontrera toutes les difficultés du monde à atteindre les objectifs fixés. Pour protéger les données, il était question d’installer un cluster, un ensemble de serveurs sur un réseau interne, un projet qui a éprouvé toutes les peines du monde à exister. Ce projet avance-t-il vraiment ? Cette même agence essaie d’encourager les startup, mais elle est confrontée non seulement au manque d’argent, mais aussi à l’absence d’une politique volontariste qui accepte l’intrusion politique du numérique dans le fonctionnement du pays. Car le numérique est un écosystème façonnant et façonné. 
Des chiffres qui montrent à quel point les décideurs politiques algériens n’ont pas pris conscience de l’enjeu de la technologie nouvelle. Dans les trois pays du Maghreb, l’Algérie est en dernière position en termes de pénétration d’internet puisque son taux est estimé à moins de 50% la population, alors qu’au Maroc il est de 63% et en Tunisie de 68%. L’Algérie est encore dans un débat ancien et éculé entre la 3G et la 4G, un problème qui a du mal à trouver une solution, alors qu’on va passer à la 5G qui nous transportera dans un autre univers. 
Le monde bouge à une vitesse vertigineuse. Nous avons vu qu’en à peine vingt ans, l’IA a changé le visage de l’organisation des sociétés. Dans les cinquante prochaines années, la vie des gens connaîtra un changement plus important que les trois millénaires passés. Si rien n’est fait, les pays comme l’Algérie seront totalement lâchés et cela sera sans commune mesure avec le retard pris dans le domaine de l’industrialisation classique. Alors, il appartient donc aux décideurs politiques de prendre conscience de ce défi majeur à relever, en construisant de vrais projets d’innovation, en partant de l’école.

 

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