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La souveraineté algérienne à l’épreuve du néolibéralisme et des GAFA

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MYASSA MESSAOUDI Publié 01 Septembre 2021 à 09:12

Par : Myassa Messaoudi
Écrivaine

Les médias numériques ont supplanté les médias classiques. Les directs facebook et youtube enregistrent des taux d’écoute élevés. Accessibles et gratuits, ils ont constitué des tribunes faciles où la précision et la responsabilité ne sont pas toujours observées. Néanmoins, ils ont compensé le déficit de liberté d’expression que les systèmes politiques contestés combattent.”

Le monde évolue. Très vite. Le développement du numérique et de l’intelligence artificielle lui confèrent la chimère de l’accessibilité, mais il n’a jamais été aussi complexe à lire et à démêler. Si, de nos jours, un pays ne dispose pas d’outils technologiques “propres et indépendants” pour en épouser la marche, il s’expose à tous les vents. Ladite souveraineté dont se font les chantres les gouvernants, qu’elle soit d’ordre nationale ou populaire, ne pèserait sans ces moyens que de mots creux et de vaines bravades. 

Voyons de plus près ! 
Des tensions commencent à se faire sentir à nos frontières. De l’est à l’ouest, du nord au sud, les voyants sont au rouge. Ce qui nous amène à poser quelques questions concernant la situation pays. D’abord, où en est-il dans la nouvelle géostratégie du monde ? Et que pèse-t-il réellement dans le bassin méditerranéen ? 
Les principaux pays arabes dont on se réclame idéologiquement, et tels qu’on les a connus après notre indépendance n’existent pratiquement plus sous la même configuration. Piégés par des gouvernances dictatoriales qui ont très mal vieillies, voire ayant carrément viré à la sénilité politique, il n’en reste que des bribes de territoires désolés livrés à des hordes d’extrémistes de tout poil. Ce qui, sur le plan géostratégique représente plus un poids qui leste, qu’une possibilité d’union et d’alliance. Dans ces conditions, quelles positions adopte l’Algérie vis-à-vis de cette nouvelle donne ? Faire partie de la mal nommée ligue arabe a-t-il encore un sens à l’aune des réalités qui ont bouleversé la géographie et les rapports de force de la région ? 

L’Afghanistan, victime de l’ingérence débridée
Les puissances, qui ont tiré un bénéfice certain des erreurs politiques des pays arabo-musulmans, caractérisées par un expansionnisme brutal et malavisé, ainsi que d’un déficit démocratique patent, en ont profité pour les défaire jusqu’à les coiffer de dangereux pantins au pouvoir. Les exemples sont légion, mais un cas brille particulièrement par son cynisme, celui de l’Afghanistan. Ce pays est un cas d’école en matière d’inconséquence politique exercée à l’encontre d’un pays pauvre. Après avoir brisé sa dynamique prometteuse en matière d’acquis économiques et sociaux, les Américains, flanqués de leur inconditionnel allié wahhabite, ont aidé un groupe de dangereux obscurantistes à accéder au pouvoir. Les talibans, au nombre insignifiants à l’origine, ont été renforcés jusqu’à devenir la force maléfique que tout le monde connaît aujourd’hui. Les images atroces véhiculées par les médias ces derniers jours, où l’on voit des Afghan(e)s désespérés jusqu’à s’accrocher aux carlingues des avions, reviennent comme un boomerang à la face du monde dit civilisé. Vingt ans d’occupation meurtrière et vaine. Dépourvue du moindre plan d’émancipation d’ordre éducatif et social, cette colonisation démontre le mépris dans lequel on tient le sort des femmes et des hommes des pays asservis et réduits à de vulgaires pions sur l’échiquier de la mondialisation. Alors verser des larmes de crocodiles sur le sort de la population lorsqu’aucun plan du type Marshall n’a été mis en œuvre, en devient indécent. 
En conclusion, une colonisation reste une ignominie combien même elle se vêtirait de beaux principes et de combats égalitaires fallacieux. Les afghanes ne seront libérées que par elles-mêmes. Implorer l’aide des pays qui ont participé à ériger vos bourreaux en maitres est en soi une quête naïve. L’instrumentalisation des thèmes liés aux questions de genre et de l’égalité hommes-femmes est une régression personnifiée. Un déficit civilisationnel patent qui n’honore pas lesdits “pays civilisés”. Sans parler de la crédibilité des ONG et autres organisations dites “humanitaires” dépêchées sur place, et qui ne bénéficieront plus jamais de la confiance de ceux qui aspirent à une réelle émancipation. On a tué l’entraide et la foi dans l’autre. Bref, il n’y a pas de décolonisation “heureuse” parce qu’il n’y a pas de colonisation “bénéfique”. 
Bien entendu, l’Irak, la Libye et la Syrie n’ont pas échappé au même scénario. Toutes les infrastructures et institutions ont été démolies renvoyant par là, des États séculiers aux âges primitifs et tribaux. Les populations n’ont pas eu le temps de se réjouir de la disparition des dictateurs qui les oppressaient, que d’autres plus meurtriers et destructeurs ont surgi. L’interventionnisme sauvage a semé des “Gremlins” pathétiques qui se multiplient à vue d’œil. Le chaos règne en maître, et finira indubitablement par déborder. 

Les révolutions arabes à l’aune des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) et autres médias sociaux
Il n’est plus à démontrer que les révoltes dites arabes ont largement usé des réseaux sociaux. Cela n’en fait pas des “révoltes facebook ou twitter” comme certains ont pu les qualifier. Leur déclenchement aurait quand même eu lieu même en l’absence de tout environnement numérique. Néanmoins on ne peut nier la contribution de ces derniers au phénomène de contagion et de large diffusion. Le retard qu’avaient enregistré les régimes politiques dans la maitrise de l’outil numérique avait assuré quelques avances aux activistes. Toutefois, le recours aux réseaux et aux moteurs de recherche et de diffusion tels que Google et Youtube ont montré leurs limites à assurer une culture politique et citoyenne cohérente aux nouveaux prétendants à l’État de droit. Bien pire, ils ont contribué à abrutir les opinions et à les cantonner dans les thèses complotistes et autres balivernes présentes à profusion dans ces médias.
En définitive, les médias numériques ont supplanté les médias classiques. Les directs facebook et youtube enregistrent des taux d’écoute élevés. Accessibles et gratuits, ils ont constitué des tribunes faciles où la précision et la responsabilité ne sont pas toujours observées. Néanmoins, ils ont compensé le déficit de liberté d’expression que les systèmes politiques contestés combattent. Même s’ils tendent plus à la distraction qu’à l’éducation citoyenne et politique. 
Ainsi, beaucoup scandaient un État démocratique, mais sans être conscient de ce que cela impliquait réellement. Dès lors qu’on rentrait dans les détails, à savoir les libertés individuelles incluant la liberté de conscience, ou l’égalité femmes-hommes, les positions se braquaient comme s’il s’agissait d’une trahison. Le sens erroné donné à la laïcité par les conservateurs continue de prévaloir. De plus, l’absence de lieux de publications spécialisées digne de ce nom renvoie ceux qui maîtrisent leur sujet vers des plateformes vulgarisées où ils ne rencontrent pas les bons lecteurs. Ils y sont, au mieux incompris, voire raillé ou accusé de toutes les déloyautés. 

L’Algérie et les défis liés aux enjeux géostratégiques en Méditerranée
Comment situer le pays dans la carte du monde ; celle du bassin méditerranéen pour commencer ? On qualifie souvent la diplomatie algérienne de sage. C’est sûrement vrai, et même trop si on observe les faits de près. En fait, l’Algérie brille surtout par son absence sur la scène internationale. Nous n’avons pratiquement que la Palestine à nous mettre sous la dent, et encore ! Nous accusons sur ce sujet le retard flagrant d’une lecture qui commence à dater. Ce qui permet à nos adversaires d’en jouer pour nous nuire.
Le libéralisme débridé a transformé la Méditerranée en bassin meurtrier où affluent des milliers de malheureux chassés de chez eux par les guerres et la faim. Mais il a aussi façonné certains pays en sentinelles grassement rémunérées pour garder la forteresse européenne. À la pointe de ce commerce d’esclavage moderne trône des pays comme la Turquie ou le Maroc. En plus des sommes considérables touchées annuellement, ou autres avantages, ces pays vont jusqu’à négocier des avancées territoriales en se livrant à un vertigineux chantage aux migrants. En mai dernier, l’Espagne a carrément qualifié l’arrivée sur son territoire de 8000 migrants d’agression marocaine. Le Makhzen voulant faire plier l’Espagne sur sa position jugée favorable au Sahara occidental. De même pour la Turquie accusée de monnayer la carte des migrants pour l’obtention d’un soutien européen en Syrie. 
En outre, la carte de la normalisation avec l’État hébreu est devenue une monnaie d’échange lucrative, non pas pour appuyer les Palestiniens, mais pour obtenir des soutiens et renforcer ses propres positions. Et le Maroc est loin d’être le seul pays dit arabe à user de ce choix. C’est même devenu la norme. Des États du Golfe qui en usent dans leur conflit avec l’Iran, jusqu’au Liban qui, en octobre 2020, s’est assis à la table des négociations afin de délimiter sa carte maritime. L’Égypte avait négocié le Sinaï, et le Soudan, un engagement de normalisation contre son retrait de la liste noire des pays soutenant le terrorisme, assorti d’une aide financière américaine. Or, où en est justement l’Algérie sur ce dossier qui semble figé dans le temps ? Et quels moyens stratégiques concrets mettons-nous en œuvre pour sauvegarder la souveraineté du pays sans faillir à nos principes fondamentaux ? 
Bref, où en est l’Algérie de la realpolitik ?

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