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Raffinerie d’Augusta le roi Hérode et la pouponnière !

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LARBI ZOUAÏMIA Publié 05 Mars 2021 à 20:06

Par : LARBI ZOUAÏMIA
Enseignant universitaire

Est-il admissible qu’une compagnie comme Sonatrach et son chef Ould Kaddour ne se sont pas aperçus en 2018 que la raffinerie sicilienne ExxonMobil, acquise pour la somme de 700 millions de dollars et qui date de 1949, ne fonctionne pas avec le Blend Sahara (algérien) mais fonctionne uniquement avec le pétrole azerbaïdjanais ou saoudien ?” 

Ébouriffant et alanguissant ! Et dire que dans ces flopées de sacrilèges qui happent le pays on découvre encore l’inouï. Mais que diriez-vous lorsque l’ex-ministre de l’Énergie lance crûment la sentence finale : le complexe d’Augusta acheté par Sonatrach en 2018 ne raffine pas le pétrole algérien. Tiens ! Tiens ! 
Est-ce vrai ? Est-il admissible qu’une compagnie comme Sonatrach et son chef Ould Kaddour ne se sont pas aperçus en 2018 que la raffinerie sicilienne ExxonMobil, acquise pour la somme de 700 millions de dollars et qui date de 1949, ne fonctionne pas avec le Blend Sahara (algérien) mais fonctionne uniquement avec le pétrole azerbaïdjanais ou saoudien ?  

Pourtant l’information semblait être vraie du moment que la compagnie américaine y raffinait déjà le pétrole azerbaïdjanais appelé communément le Light azéri, un brut qui diffère de l’algérien Blend Sahara en densité API* et en teneur de soufre. ExxonMobil commercialise le produit de ce pays dans lequel elle se trouve exploiteuse de champs pétrolifères depuis 1995.   

Mais le plus humiliant dans cette partie de la problématique était encore un mystérieux bureau d’experts piloté par une banque française, lequel avait accompagné en service de 9,5 millions de dollars l’acquisition par Sonatrach de la raffinerie, puis avait fini par la “conseiller d’acheter”. Époustouflant ! Acheter une usine en Sicile pour un pétrole qu’elle ne raffine pas… du jamais vu ! 

S’agissait-il de procédure nigaude, d’une démarche godiche de dadais d’élémentaire ? Puisqu’on s’interrogeait sur ce “business plan” qui avait poussé les commettants algériens à aller jeter l’argent des contribuables dans la baie polluée d’Augusta. La perte se chiffre aujourd’hui à 1,3 milliard de dollars. En somme, l’interrogation était logique et le temps nous a donné raison. Augusta était une sorte de “guesswork” et il n’y avait ni plan d’affaires élaboré dans le cadre des études d’expertise ni sidi zekri.

On se rappelle nous tous ce fatras de bizarreries condensées en annonces-surprises émanant de la cavalerie d’élites de Sonatrach disant qu’elle était dans une compétition internationale et que l’achat de la raffinerie d’Esso-Italiano n’était pas du gré à gré, mais bel et bien un achat né dans un processus concurrentiel. 

Faux ! 
Il s’agissait juste d’un glossaire saugrenu, farci d’une ribambelle de contrevérités, qui ne cessait de se répandre pour se transmuter en épilogues de calembredaines. Redisons-le encore une fois : le processus concurrentiel était une fadaise qui s’enchaînait aux anciennes, puisque toutes les vérifications au niveau de la communication financière comme boursière n’ont pu retracer la moindre offre d’achat ni la moindre déclaration relative à une intention de vente ; la compétition était inventée en post-acquisition. 
Que dire ? Même dans les lots des “Tenders” annuels 1917 et 1918 émis par ExxonMobil, cette notion de concurrence pour l’achat de leur complexe de la Sicile, suite à une réception d’offres, s’est révélée carrément du “fantasizing” frisant la limite de la sournoiserie.

En fait, le sophisme du ministère de l’Énergie jaillissait d’une série de contradictions, à commencer tout d’abord par les sommes colossales remises à Amec Foster Wheeler en mars 2016 (on parle de 26 millions de dollars) : la compagnie s’est chargée des travaux d’engineering pour les constructions des raffineries de Tiaret, de Biskra et de Hassi Messaoud.

La même compagnie britannique (sa branche italienne) ressurgit en mars 2018 pour décrocher un contrat de 13 millions d’euros et ce, pour la réalisation et le suivi du projet intégré d’extraction de N-Paraffines et de production de Linear Alkyl Benzène (LAB) de Skikda. Mais arrêtons-nous à cette plaisanterie des trois raffineries de Tiaret, de Biskra et de Hassi Messaoud, en plus de la modernisation du complexe de Baraki, pour découvrir comment on tripatouillait le raisonnement.

En fait, tout le syllogisme de l’Algérie en matière de raffinage en 2015 reposait sur une démarche, celle de mettre en place des installations supplémentaires capables de procurer au pays des capacités de carburant de l’ordre de 15 millions de tonnes (soit 3X5 millions), une quantité largement suffisante dans un pays ayant un déficit de 4 millions de tonnes, ce qui lui coûtait une importation de produits raffinés de l’ordre de 2,8 milliards de dollars. 
Cependant, ce qui est navrant, c’est tout un bancal de cahin-caha dans des appels d’offres émis pour la construction de la raffinerie de Hassi Messaoud, alors que l’option d’achat du complexe d’Augusta se justifiait justement par le coût exorbitant d’un complexe neuf. 

Bizarre !!!! 
Faut-il rappeler qu’au moment où on lançait les appels d’offres (pas plus loin que novembre 2017), Ould Kaddour avait des contacts avec des responsables d’ExxonMobil, contacts aux contours de procédure insolite, puis eut le feu vert de la présidence afin de considérer optionnel l’achat de la raffinerie Esso-Italiana d’Augusta ? Sonatrach est allée acheter en secret une raffinerie alors que la planète avait appris que pas loin de la raffinerie Augusta de 1949 mise depuis 1990 sous surveillance environnementale, une dépêche de Reuters datant du 20 septembre 2017 nous informait que la société Lukoil avait exprimé son intention de vendre   sa raffinerie ISAB de 1961 rénovée et modernisée. 

Mois de novembre 2017 puis décembre, l’histoire de Sonatrach avec ExxonMobil aurait débuté officiellement en janvier 2018, et Ould Kaddour avait déjà eu des contacts avec le businessman britannique Ian Taylor, chef du groupe Vitol Group : la compagnie suisse, spécialiste du transport du brut, assurera la navette de Skikda vers les terminaux de la raffinerie sicilienne.
Dans cette configuration, l’acteur ExxonMobil s’est avéré intelligent, ayant quitté au bon moment. La majeure américaine n’a pas voulu refaire le chahut de “l’intention de vente”, comme pour sa branche Oil Imperial en 2013 et sa raffinerie de Dartmouth en Nouvelle-Écosse, fermée faute d’acheteur. 

ExxonMobil, en leader mondial du raffinage et de la tactique, avec une capacité de 7 millions de tonnes/jour, a pu trouver en silence son “oie” : des responsables de Sonatrach prêts, par télécommande de je ne sais qui, à se broyer dans le “pig in a pok”, juste dans le but de clamser encore le pays.  

Et dire qu’ExxonMobil faisait vite de transformer et de moderniser son raffinage vers la   deuxième Génération en Europe, en priorité, en prenant en compte cette vitesse vers laquelle se mutent les lois européennes, en matière d’environnement. Les exemples des complexes de Botlek Rotterdam et d’Antwep en Belgique   allaient devenir le modèle de reconversion et sa formule “upgrade product line-up”. Le bulletin Nasdaq du 31 mai 2018 présentait la bonne œuvre en investissement stratégique tournant autour des installations de Baytown and Beaumont Texas, Bâton Rouge, Louisiane, Rotterdam Hollande, Antwerp Belgique, Singapour et Fawley en Grande-Bretagne. 

D’ailleurs, ce n’est pas fini pour nos mises. Un article dans Euractiv, rédigé par Robert Hodgson et parlant du système européen ETS, nous paraissait très pertinent au point qu’il mérite l’attention. Le papier évoque des coûts des émissions du CO2, lesquels forceront des raffineurs à quitter le continent : “Oil refiners warn increased CO2 costs could force them out of Europe.”  

Une deuxième mise se résumait aussi dans les déclarations de Peter Bartlett, le directeur de Baker & O’Brien’s London Office, et du journaliste spécialiste Libby George, lesquels étaient d’avis que le marteau allait tomber en Europe sur les complexes vulnérables, dès 2018 (Hammer could fall on Europe’s vulnerable refineries from 2018). 
Contrainte de fermer en 2012 puis rouverte, cette installation pouvait juste coûter dans les 414 millions de dollars. Un article du Financial Post évoquait en parallèle le cas des difficultés de la raffinerie Milford Haven (GB) pourtant ayant vu le jour en 1981. Une autre raffinerie en Allemagne présentée par le magazine maculait déjà les décors. Il s’agit de la Wilhelmshaven, Allemagne, pourtant construite en 1976 et avec une capacité globale de 280 000 b/j ayant fini par devenir juste un terminal d’exportation de Cocono-Philips. 
Et jusqu’à présent la russe Lukoil n’a pas pu vendre son usine de la Sicile qui pouvait valoir 1,4 milliard. Et si elle ne se vend pas, la compagnie perdra, alors que Sonatrach a fait gagner ExxonMobil. 
L’exemple de la raffinerie St-Croix de Virgin-Islands (1966), avec une capacité de 350 000 b/j, presque le double d’Augusta, ayant perdu 1,3 milliard entre 2010 et 2012. Dans notre prochain article, nous reviendrons pour parler de la valeur zéro dollar que valait réellement cette usine de raffinage achetée au “pif” par Sonatrach.  

 

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