“Génie”, être “unique”, talent “incroyable” : dix-sept mois après son décès, le jeune artiste plasticien Oussama Gasmi a eu droit samedi dernier à un concert d’éloges dans sa ville natale. La communauté artistique bordjienne a salué ce week-end la mémoire du plasticien décédé le 23 juillet 2020, rendant hommage à l’une des jeunes figures de la scène artistique contemporaine algérienne. L’artiste bordjien, dont une exposition est actuellement présentée par la maison de la culture Aïcha-Haddad de Bordj Bou-Arréridj, a disparu avant d’atteindre la trentaine, mais ses œuvres dépassent largement son âge. Une vingtaine d’artistes, jeunes et anciens, ont salué la mémoire de l’artiste lors de cette journée, à l’initiative de quelques amis et de la direction locale de la culture, selon les organisateurs. Les parents de l’artiste ont évoqué le combat de leur fils et rendu hommage à ses compagnons, ceux qui avaient partagé son amour de l’art et ceux qui continuent à s’en réclamer et à le porter.
Après avoir terminé ses études à l’École des Beaux-Arts de Constantine en 2013, chez le professeur et artiste Amine Khouja, il a commencé à travailler à la maison de la culture Aïcha-Haddad, avant de créer sa propre boîte et atelier. Appartenant à la jeune tendance de l’expressionnisme algérien, Oussama Gasmi était un artiste très discret, talentueux, mais expressionniste solidaire de tous ceux qui souffrent de par le monde, quelle que soit la couleur de leur peau, quelle que soit leur langue ou leur religion. “C’est d’un art international qu’il se revendiquait”, dira l’artiste et critique d’art le Dr Boucena, présent à la cérémonie. “De nombreux jeunes artistes ont été inspirés et guidés par son ouverture, sa générosité, sa vision engagée de l’art”, ajoute Abdelkrim Gassa, un jeune artiste bordjien et ami d’Oussama. “Oussama ne s’était jamais détaché de ce qui se passe autour de lui sur le plan social et humain, ce qui lui donnait cette conscience aiguë des choses et des changements nécessaires : pour lui vie et esthétique sont liés”, ajoute le jeune artiste. “Il a réussi à s’imposer dans un environnement où il passe les journées à supporter mépris et railleries autour de lui, à chercher à fuir la banale mais méprisante question : ‘pourquoi as-tu choisi de faire ce métier ?’” rappelle un autre jeune artiste.
Il ne pensait presque jamais à la mort, le jeune artiste. Il ne pouvait se permettre ce privilège de penser à la mort, puisqu’il était convaincu qu’il était encore loin de cette catégorie d’artistes qui attendent, sereins, la mort, l’implorent même comme une alliée, pour leur faire goûter à l’immortalité. Lui, c’est elle, jalousement, qui s’est présentée à lui en l’emportant brusquement avant qu’il termine sa grande toile : La Vie. “Dors, Oussama. Dors pour l’éternité, mais en continuant de rêver que l’œuvre que tu laisses te survive, t’immortalise”, lancent en chœur les artistes bordjiens.
Chabane BOUARISSA