“Il faut avoir une grande musique en soi si l’on veut faire danser la vie”, disait Nieztsche. Cette citation est ancrée dans le cœur de centaines d’Irakiens qui vivent de leur musique pour “survivre” au chaos survenu dans leur pays. La montée de l’extrémisme, Daesh, la guerre civile… ont plongé la population dans une ère moyenâgeuse. Mais cette situation politique et sociale n’a pas empêché la jeune génération de s’émanciper et de se battre pour vivre sa passion. Pour raconter cette jeunesse, l’Irakien Baqer Jafar a réalisé le documentaire El-Firqa (Le groupe), projeté en avant-première mondiale au 10e Fiofa, jeudi à la cinémathèque d’Oran. Le public a pu découvrir les espoirs et désillusions de ces musiciens. Le réalisateur a suivi à Sadr City (commune de Bagdad), la formation Holm (rêve), de musique soufie. Dans cette agglomération où la musique est interdite, car considérée comme l’instrument du diable, les six protagonistes du film tentent par tous les moyens de jouer malgré les dangers de mort. “S’ils trouvent dans la voiture nos instruments, nous risquons de nous faire tuer”, regrette Fahd, le leader du groupe. Pis encore, ces artistes risquent de mourir sur scène… Devant la caméra, ces jeunes se livrent, se confient et regrettent le temps où Bagdad était le berceau de la culture. “Les rues étaient bondées, avec plein de musiciens, bouquinistes, artistes…, avant la montée de l’extrémisme, maintenant nous ne retrouvons que des affiches sur les ‘stars’ du vendredi”. Ces conditions n’ont déteint ni sur le moral de ces artistes ni sur leurs rêves : pouvoir se produire sur scène devant un public. Être chanteur à Sadr est un passeport pour la mort. À ce propos, un ancien chanteur qui a choisi la voie de Dieu, a préféré se “convertir” en mounchid. “Avant, je chantais dans les fêtes, je buvais…et maintenant je suis le bon chemin”. D’ailleurs, il a gagné la sympathie en déclamant des poèmes et des chants hosseini. Outre la musique, Baqer nous fait voyager dans une ville en ruine, une société d’hommes (les femmes complètement absentes du doc), où la seule préoccupation est de respecter les règles pour survivre. Ces hommes résignés ont laissé leur vie d’antan dans un vieux placard, et poursuivent leur chemin sans penser à l’avenir. À l’exception de cette jeunesse avide d’aventures, de passion et d’amour qui rêve d’avoir un meilleur avenir. Même si ce n’est qu’illusions perdues pour eux, ils persistent à y croire pour “faire danser le monde”. Ce documentaire de Baqar Jafar est une plongée dans les méandres de ce pays, une civilisation détruite par ses hommes, mais dans laquelle subsiste toujours une lueur d’espoir, grâce à la musique, pour chasser la haine et consoler les cœurs.
H. M.