Culture FODIL ASSOUL COMÉDIEN

“J’ENTREPRENDS UN PERSONNAGE COMME ON ENTREPREND UN VOYAGE”

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Hana MENASRIA Publié 09 Juin 2021 à 22:27

© D. R.
© D. R.

Surnommé le “Joe Pesci” du cinéma algérien, Fodil Assoul, connu pour son one  man  show  “Zalamit”, est  à  l’affiche  d’“Héliopolis”  de Djaffar Gacem. Campant le rôle de Sadek, un commerçant engagé politiquement, le comédien  s’est  démarqué  par  son  jeu  et  a  “volé”  la  vedette  à  ses acolytes.  Dans  cet  entretien, il  évoque  ce  personnage,  la  tournée triomphale du film, ainsi que ses premières amours : le théâtre.

Liberté :   La  tournée   nationale  d’Héliopolis   a  cartonné.   Vous  attendiez-vous à un tel succès ?
Fodil Assoul : C’est un scénario qui vous prend aux tripes. Il est bien écrit et différent des films de guerre sur la révolution algérienne que nous avons l’habitude de voir. Djaffar Gacem a investi sur l’humain. C’est une histoire humaine ! Certes, la trame est inspirée de faits réels, mais la chose extraordinaire est la manière dont les personnages ont évolué dans cette atmosphère des années 1940, ayant mené aux événements du 8 Mai 1945. Le tournage était exceptionnel sur tous les plans. J’ai eu la chance de partager l’affiche avec Mehdi Ramdani que j’adore. Nous retrouvons aussi Aziz Boukerouni, Mohamed Frimehdi, Souhila Maalem et Mourad Oudjit. Le film est appuyé également par de beaux décors et costumes. Il y avait tout pour réussir Héliopolis. Le réalisateur est très minutieux. Pour arriver à la copie finale, il a dû trancher au bout de la neuvième version. Il y a tous les ingrédients pour sa réussite : une belle équipe, un bon coaching et un bon scénario. 

Vous campez le rôle de Sadek, un commerçant très engagé pour la cause nationale. Ce personnage s’est démarqué des autres et est devenu le “favori” de nombreux spectateurs… 
Le personnage de Sadek est mon premier vrai rôle au cinéma. À la lecture du scénario, j’ai dit à Gacem : c’est mon personnage ! J’ai passé l’audition, et en sortant le réalisateur m’a demandé de garder ma coupe de cheveux (rire).  J’ai essayé d’être crédible, et dans mon interprétation j’ai voulu briser les stéréotypes que nous retrouvons dans le cinéma algérien. Aussi, j’ai tenté d’être le plus naturel possible pour être dans la peau de ce commerçant sympathique, franc, engagé politiquement, anticolonialiste et indépendantiste. En fait, j’ai adoré ce personnage pour son côté militant et sa personnalité : il est rusé mais il tient à ses principes ; il est très digne. 

Vous êtes-vous retrouvé dans Sadek ? 
J’entreprends un personnage comme on entreprend un voyage. J’essaie d’imaginer vraiment la situation : comment les Algériens vivaient à l’époque des années 1940 ? Ce personnage évolue au fur et à mesure de la trame ; du sympa au sérieux, il ne badine pas sur ses principes. J’ai travaillé, entre autres, sur l’émotion (comprendre comment ce personnage peut évoluer à travers d’autres personnages, ses relations…). Je pense qu’il y a une part de Sadek dans Fodil et de Fodil dans Sadek. Pour la réalisation d’une scène (sans donner de détails, pour ne pas spoiler, ndlr), nous avons tourné durant deux jours ; nous étions exténués, exposés au soleil… Les larmes versées étaient réelles et ce, pour être crédibles dans nos rôles. 

Avant  la  lecture  du  scénario, aviez-vous  des  connaissances approfondies sur cette phase de l’histoire ?
La symbolique d’Héliopolis est magnifique. Gacem voulait rendre hommage à ces Algériens brûlés dans des fours à chaux lors des événements du 8 Mai 1945… C’est une page douloureuse que je ne connaissais pas. Je ne savais pas que durant tout le mois de mai les massacres étaient incessants ; c’est terrible ! J’espère qu’il y aura d’autres films sur cette période ; il faut des documentaires sur cette page d’histoire. Notre jeunesse ne connaît pas ce pan de l’histoire, et le réalisateur a produit un film contemporain pour interpeller cette jeunesse. 

Entre vos deux expériences au théâtre et au cinéma, laquelle préférez-vous ? 
Je suis un enfant du théâtre. Cet art est comme une thérapie pour moi. La scène m’appelle constamment, elle me soulage. Ce que nous vivons sur les planches est extraordinaire, car le public est présent, c’est du direct : nous ressentons son cœur battre et son émotion. Le théâtre est magique ! Pour le cinéma, j’ai attendu longtemps un rôle de ce genre. J’aime aussi cet art, c’est beau de découvrir sa tête à l’écran. 

Après le tabac du one man show Zalamit en Algérie et à l’international, pensez vous revenir à l’humour ? 
Je viens de terminer l’écriture d’un nouveau one man show, mais la pandémie a retardé sa sortie. D’ailleurs, je devais me rendre à Montréal pour une résidence d’écriture, mais tout a été chamboulé. Ce spectacle s’intitule Il était une fois… rien et s’inscrit dans le même esprit que Zalamit. En revanche, le texte est plus intime et nostalgique. Je suis né en 1975, je relie alors ma naissance à des événements forts ayant traversé le pays, comme le décès de Boumediene, les événements d’Octobre 1988, la décennie noire, pour finir sur le Hirak. Il y a beaucoup d’images dans ce spectacle dans lequel j’évoque ma famille, ma relation avec mes parents, le mariage de mon frère… Il était une fois… rien est très personnel et nostalgique. D’ailleurs, j’ai mis une année pour l’écrire. Pour être original, cela n’est guère évident. J’ai l’intention de le présenter pour la rentrée, en premier lieu en Algérie, avant de m’envoler pour le Canada. 

Vous avez joué récemment dans une série télé qui devait être diffusée pour le mois du Ramadhan…
Le feuilleton s’intitule Mayna et est de Walid Bouchebbah (réalisateur de Bab Edechra, 2018, comédie, ndlr) et produit par “Atyaf”. 
Cette production a été tournée à Timimoune et j’interprète le rôle d’un Mexicain. Pour être crédible dans mon jeu, j’ai été coaché par un Algéro-Espagnol qui m’a appris tous les dialogues en langue espagnole. Cette série aborde une thématique qui n’a jamais été traitée à l’écran, à savoir le braconnage dans les villes du Sud. Malheureusement, pour absence de sponsors, nous n’avons pas pu la diffuser à la télé. 

Quel regard portez-vous sur le 4e et le 6e art d’aujourd’hui ?
Depuis Medjoubi et tous les grands noms du théâtre algérien, il y a eu une rupture à cause de la décennie noire. Par la suite, il n’y a pas eu de continuité, ni d’investissement dans le 4e art, notamment dans la formation et l’encadrement des jeunes. 
Quant au cinéma, il agonise ! Depuis des années, des rencontres et des assises sont organisées, mais concrètement nous n’avons rien vu, aucun changement. Il faut qu’il y ait une décision politique, une vision à court et à long termes. Il faut que l’État libère ce secteur et laisse ainsi les professionnels du métier travailler, comme ouvrir les portes au privé, ouvrir les salles et les équiper, créer des multiplexes et revoir aussi les lois qui régissent ce secteur. En somme, il faudrait un vrai plan Marshall pour sauver le cinéma algérien.
 

Entretien réalisé par : HANA MENASRIA

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