Culture Mohamed Touati, auteur du recueil “Rue des Blancs-Manteaux”

“La place du poète n’a guère évolué chez nous”

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Ali BEDRICI Publié 04 Juin 2021 à 20:36

© D.R
© D.R

Anthropologue, diplômé de l’université René-Descartes, Mohamed Touati, également journaliste, a longtemps travaillé au Parc national du Tassili. Il a publié en avril 2021 aux éditions Tangerine Nights “Rue des Blancs-Manteaux”, un recueil d’une quarantaine de poèmes qui est un florilège d’hymnes à la liberté, à l’amour, à l’authenticité, à la mémoire…

Liberté : Dans votre recueil Rue des Blancs-Manteaux, il y beaucoup de références aux espaces “infinis”…

Mohamed Touati : Le ciel, les étoiles, le désert, les espaces infinis... sont des symboles de la liberté d’expression, de l’abolition des frontières. Ils permettent de voyager sans aucune contrainte et caractérisent l’insoumission du poète.   

Qu’est-ce qui a constitué le socle de votre recueil de poésie ?

Ce sont les expériences humaines. Il est vrai  aussi que ma formation universitaire m’a donné les clés qui m’ont permis de faire le voyage à travers l’histoire, d’en restituer des images avec une exigence esthétique, critère auquel doit répondre toute personne qui aspire au “statut” de poète.

L’identité est omniprésente, mais en harmonie avec l’universalité, n’est-ce pas ?

Absolument. Je me sens en parfaite harmonie avec cette “définition”. C’est ce qui me caractérise. Je suis berbère, kabyle et citoyen d’un monde où prévalent encore, hélas, les discriminations, il faut le souligner.

 L’amour, la passion, la beauté… sont dits sans tabous...

On ne peut les dire autrement, je pense. Cela s’est fait par contre tout à fait naturellement. Si vous ne m’aviez pas posé la question, je n’y aurais certainement pas pensé. Ce sont des états affectifs puissants qui prédominent en moi et qui ont guidé très probablement mon style d’écriture. Cela m’a permis sans doute de les appréhender sans complexe.
 
Votre séjour dans le Tassili a été, on le sent dans vos poèmes, une puissante source d’inspiration, n’est-ce pas ? 

Tout à fait. C’est une expérience unique ! Fabuleuse ! Elle constitue une retraite quasi mystique, un refuge exceptionnel, qui exacerbent toute initiative créatrice. Le silence y prend toute sa dimension. On se retrouve pratiquement seul, nu, face à soi-même. On entend le bruit de ses pas. On retourne comme par magie à l’essentiel, à l’origine de l’humanité, à sa propre identité. C’est dans ces lieux majestueux que mon errance poétique a pris une autre dimension, que je me suis senti fondamentalement berbère.  

Paradoxe d’un poète “peu connu” (disait Azeggagh), mais que l’on compare à Malek Haddad, à Kateb Yacine et, toujours selon Azeggagh, à René Char, c’est-à-dire à d’immenses poètes. C’était il y a quelques années. La place du poète dans la société a-t-elle évolué ?

Je voudrais juste apporter une précision. C’est Ahmed Azeggagh qui a acté mon “statut” de poète. Cela a couronné un itinéraire. Il ne suffisait pas d’écrire ou d’être publié à tout prix. Il fallait être reconnu par ses pairs, et lorsque c’est dit par Ahmed Azeggagh, un monument de la poésie algérienne, réputé pour sa rigueur, encore malheureusement peu médiatisé, officiellement ignoré dans son propre pays, on ne peut qu’en tirer une certaine fierté. Rien que pour cela, je dirais, hélas, que la place du poète n’a guère évolué chez nous.

Décennie noire, “Révolution trahie”, “l’espoir qui meurt dans les rues d’Alger”…Reste-t-il une place pour l’espoir ? 

Oui, il est toujours permis. L’Algérie n’a pas fini de renaître. Échapper à toutes ces tragédies qui l’ont secoué, ne pas y faire référence relèverait de la lâcheté. Djaout, Medjoubi, Alloula, Sebti, Yefsah, Katia Bengana... Leur ombre plane sur la Rue des Blancs-Manteaux.
 
Pourquoi justement le choix de ce titre ?

La Rue des Blancs-Manteaux, une rue mythique de Paris où j’ai passé près de vingt années de ma vie. Un quartier où cohabitent à merveille spiritualité et culture dans lesquelles je me sens comme un poisson dans l’eau. C’est aussi le nom d’une chanson interprétée par Juliette Gréco et écrite par J.-P. Sartre. J’ai trouvé génial le choix de la première de couverture, qui fait un parallèle avec le burnous et le voile blanc dans une ruelle de l’ancienne Casbah, par mon éditeur. 

 

 

Propos recueillis par :  ALI BEDRICI 

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