Culture Ahcène Azazni, comédien et metteur en scène

“Le théâtre est le miroir de la société”

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Aziz BOUCEBHA Publié 09 Novembre 2021 à 19:09

© D. R.
© D. R.

C’est un parcours de quarante  ans  que  nous  livre  dans  cet  entretien Ahcène Azazni. Ce comédien talentueux voue une passion inégalée aux planches, qu’il côtoie depuis l’âge de 16 ans.

Liberté : Vous êtes arrivé au théâtre très jeune. Parlez-nous un peu plus de vous ?
Ahcène Azazni :  J’ai débuté dans le théâtre en 1977, au niveau de la maison de jeunes de ma ville natale, Bordj Ménaïel, sous la houlette d’un des pionniers du théâtre algérien, Omar Fetmouche. En 2021 j’y suis toujours, sans avoir marqué aucune pause depuis. J’ai joué dans une centaine de pièces de théâtre. En 1986, je suis parti au Théâtre régional de Béjaïa avec le metteur en scène Ahmed Khoudi, où je suis resté jusqu’à 1991. J’ai joué dans des pièces avec l’illustre comédien Bougermouh, paix à son âme, comme Hzam El-Ghoula et Yardjal Yahlalef. Après l’accident de Bougermouh, j’ai fait une mise en indisponibilité et je suis revenu à Bordj Ménaïel où j’ai monté en 1992 la pièce de théâtre El-Wahma, mise en scène par Omar Fetmouche et Faouzi Baïte, un comédien. J’ai eu avec cette pièce le prix de la meilleure interprétation au festival de Batna en 1994, auquel ont participé de très grands comédiens, à l’image de Serat Boumediene. Le jury était composé à l’époque de Faouzi Aït El-Hadj, de Bouziane Ben Achour et d’Ahmed Khoudi. La pièce montée et produite par Omar Fetmouche traite de la cohabitation entre un conservateur et un jeune moderniste et traite, de facto, les conflits qui en découlent. 
Ma demande de réintégration au Théâtre régional de Béjaïa a coïncidé avec le départ de Rezki Tahar et la venue d’Omar Fetmouche à la tête de l’institution. Durant cette période, on a monté la pièce Wouhouch.com, avec laquelle on a fait une tournée à travers le territoire national. Cette pièce, qui traite de la vente d’organes, a été suivie par le montage de la pièce Yardjal Yahlalef, en hommage à Bougermouh, avec laquelle on a fait une tournée au Maroc en 1989. Par la suite Omar Fetmouche a monté la pièce théâtrale Les Vigiles, en hommage à Tahar Djaout, paix à son âme, avec laquelle on a obtenu le grand prix au Festival national du théâtre professionnel d’Alger. En ce qui me concerne, j’ai fait ma première mise en scène à Béjaïa avec des comédiens du Théâtre régional de Béjaïa. La pièce s’intitule Lala Waseltane de Toufik El-Hakim. Ensuite on a monté une pièce pour enfants qui s’intitule Le Petit Prince avec Ahmed Khoudi.
En 2015, j’ai quitté le Théâtre régional de Béjaïa pour revenir à Bordj Ménaïel et m’investir totalement dans ma passion, loin des contraintes, laisser libre cours à ma créativité et par là même reprendre le bâton de pèlerin au niveau de la coopérative théâtrale Sindjab avec Omar Fetmouche. C’est avec lui d’ailleurs que j’ai monté ici même, au théâtre de Bordj Ménaïel, en 1991, la  pièce L’Instit qui traite du problème du système éducatif en Algérie, dont la dernière représentation date des journées consacrées au monodrame et qui se sont déroulées dernièrement à Boumerdès.

La pièce Saha l’artiste, qui a consacré l’une de vos meilleures performances, a beaucoup séduit en septembre dernier lors du festival de Budapest en Hongrie. Un commentaire…
L’histoire de cette pièce a débuté en 2016-17, lorsque Omar Fetmouche était en Hongrie pour participer au festival comme membre du comité, en sus des conférences qu’il assurait sur place. On a discuté ensemble, et c’est de là qu’a germé l’idée de participer à ce festival international avec une pièce de théâtre bien de chez nous. 
On a d’abord fait la générale de la pièce au Théâtre national d’Alger, où elle a eu un franc succès. 
Celle-ci traite des problèmes sociaux professionnels des artistes en Algérie. J’ai composé sept personnages dans la pièce, entre autres celui du chauffeur, de la mère, de la fille, de l’oncle immigré et, bien sûr, le personnage de l’artiste. Le public hongrois, qui a admiré le spectacle, a longuement salué la performance artistique qu’est la mienne, qui a aussi été très bien traduite par un traducteur libanais. La pièce est un monodrame d’une heure vingt minutes, qui a vu la participation d’un musicien qui m’a accompagné tout au long de la pièce. La salle était archicomble, et, pour l’anecdote, l’ambassadeur lui-même n’a pas pu avoir un ticket d’entrée supplémentaire pour l’un de ses amis faute de place. Le spectacle a été suivi d’un débat, qui a porté essentiellement sur ma performance artistique durant le spectacle et des questions portant sur mon parcours professionnel. Cette participation au festival international de Budapest et le succès qu’a eu la pièce Saha l’artiste sont un plus pour la consécration de la coopérative Sindjab, pour ma personne et pour Omar Fetmouche. D’une façon plus générale, elle a aussi contribué à renforcer la renommée du théâtre national algérien. J’espère enfin que pour la prochaine édition de ce festival international en 2022 on pourra participer avec une autre pièce. Il s’agit de Wahch El-Ghorba, mise en scène par Omar Fetmouche et qui traite du problème de l’immigration clandestine. Dans cette pièce, je compose également plusieurs personnages, sans omettre par ailleurs de souligner qu’avec cette pièce j’ai obtenu un prix au festival du rire de Médéa.

Quelle place occupe le théâtre pour enfants au sein de la coopérative Sindjab ?
Vous avez bien fait de le souligner, car cet intérêt pour le théâtre pour enfants porté par la coopérative ne date pas d’aujourd’hui.  On a monté en 1991 une pièce théâtrale pour enfants intitulée Bcherat El-Kheir qui se joue jusqu’à maintenant. Plusieurs fois adaptée, elle traite du bienfaiteur et du malfaiteur. Cette pièce a été produite partout en Algérie. Je rappelle à cette occasion qu’avant le séisme la salle de spectacle de la coopérative Sindjab, l’ancienne salle de cinéma Stella de la ville de Bordj Ménaïel, reconvertie en salle de théâtre, était à chaque représentation archicomble. Pour illustrer cet engouement, je me rappelle qu’on a élaboré des cartes d’abonnement pour les enfants. Cette pièce a connu plusieurs générations de public, qui l’ont appréciée. 

La coopérative compte-t-elle relancer le théâtre pour enfants ? 
Bien évidemment, et c’est même l’un de nos objectifs, car les enfants, c’est le public d’avenir. Il faut former un public à travers le théâtre pour enfants. Malheureusement ce projet est resté dans l’œuf en raison de l’état lamentable de la salle de spectacle qui a subi des dégâts et n’a pas été réhabilitée à ce jour, et ce, depuis le séisme de 2003. Il est quasiment impossible dans les conditions actuelles de se produire dans cette salle qui présente un réel danger et pour nous et pour le public. Tout doit être repris, surtout les travaux d’étanchéité. 
Le wali de Boumerdès, M. Yahia Yahyatene, nous a fait la promesse de dégager une enveloppe financière pour sa réhabilitation. 
À cet effet, une expertise technique a été engagée et le dossier a été transmis aux services concernés.

Vous avez fait des apparitions dans des séries télévisées et au cinéma. Citez-en quelques-unes... 
J’ai contribué à beaucoup de réalisations de court ou bien de long-métrage, que ce soit à la télévision ou au cinéma. J’ai travaillé à titre d’exemple avec Mohamed Hilmi dans le sketch Lemnefakh, j’ai joué dans le film d’Omar Chouchane intitulé L’migria fi douarna qui a eu un grand succès, également dans Les Expulsés, mais aussi dans la saison 3 de Achour El Aacher de Djaffer Kacem, que je remercie au passage de m’avoir donné la chance de travailler avec lui. 
Il y a eu aussi ma participation à la saison 2 de Djemaï Family du même réalisateur et puis dans Mission à Boumerdès, un long-métrage réalisé par Omar Chouchane.
 

Entretien réalisé par : Aziz BOUCEBHA

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