Culture Grâce aux travaux de recherche de l’écrivain Saïd Bekkouche

Les poèmes d’Amar Ath Mouhed-Ouamar exhumés de l’oubli

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Ali BEDRICI Publié 01 Février 2021 à 20:22

© D.R
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Au-delà de sa fonction esthétique et sociale, la poésie, comme tout art, peut contribuer à la découverte de l’histoire d’une époque. C’est le cas de l’œuvre du poète Amar Ath Mouhed-Ouamar,  né à Taguemount El-Djedid (Ouadhias) en 1857. Contemporain de Si Mohand u M’hand, sa poésie s’est estompée, jusqu’à tomber dans l’oubli. Grâce aux recherches de l’écrivain Saïd Bekkouche (Azulidles), natif du même village, une partie des poèmes a été retrouvée.

“De cette génération de poètes oubliés, nous avons pu exhumer quelques fragments de l’œuvre d’un grand barde : Amar Ath Mouhed-Ouamar”, a fait savoir l’écrivain. C’est une poésie emprunte de tristesse, en raison des drames qui ont émaillé la vie familiale du poète et parce qu’elle décrit les dures conditions de vie de l’époque. Dans les années 1860-70, enfance d’Amar, le pays connaissait des épidémies de typhus et de choléra.

S’y ajoutaient des catastrophes naturelles : tremblements de terre, invasions de sauterelles qui dévoraient le peu de récoltes que les paysans arrachaient à la terre craquelée par une longue période de sécheresse. Des fléaux qui, ajoutés aux dépossessions des Algériens de leurs terres par les colons, ont provoqué des famines. La colère conduira à l’insurrection de 1871 de Cheikh El-Mokrani et de Cheikh Aheddad. “Le poète, qui est un témoin des événements que traverse son époque, est un symbole pour toute une société combattante”, rappelle Saïd Bekkouche.

La population a été pourtant très patiente :  “(…) D ssber i d ddwa lmehna : On besogne jusqu’à épuisement/La bouche est édentée/Quant au remède, on le trouve dans la résignation.” Mais la patience a des limites. La  poésie d’Amar Ath Mouhed-Ouamar va traduire l’état d’esprit des Algériens dans la seconde moitié du XIXe siècle et le début du XXe, puisqu’il est mort en 1931.

“Occulter la faim, transcender les épreuves, voilà le prodige que tout aède perpétuait à travers sa poésie”, écrit Saïd Bekkouche, avant d’ajouter : “Naître en 1857, période de disette, c’est assurément avoir la perspective de mener une vie mélancolique, insidieuse et pleine d’embuches.”

L’aède de Taguemount El-Djedid a choisi la poésie à l’opulence matérielle : “(…) Albâad ithibi seksu/ad yecc ad yerwu/Nek ay thibigh d isefra.” (L’autre aime se rassasier de couscous/espérant manger à sa faim/Moi, j’aime la poésie.) Les épreuves laissent de profondes traces dans le cœur du poète : “Ah ! Si j’avais des ailes/Vers le ciel je m’envolerais/Conter à Dieu mes peines/Afin qu’il apaise par sa grâce mes souffrances.”

Saïd Bekkouche, une personnalité dont les recherches portent sur le patrimoine amazigh dans ses dimensions diverses, nous apprend qu’Amar Ath Mouhed-Ouamar avait rencontré le grand poète Si Mohand u M’hand au marché des Iwadiyen. Ils avaient échangé des poèmes, comme ce fut la coutume à l’époque. Admiratif, Amar s’adressa ainsi à Si Mohand : “Si Mohand, sois mon soutien/Gloire à toi Saint/et aux maîtres qui t’ont instruit… Tu assistes le malheureux endurant des épreuves.”

Le respect d’Amar pour Si Mohand est si grand qu’il n’hésite pas à le défendre quand il est l’objet d’humour sarcastique d’un marchand des Aït Ali Bouffal, qui demandait d’où venait Si Mohand : “Tadart-is s ddaw lejbal/Ar Tizi Mlal/S At Cebla iheddren ssah…” (Son village est aux abords du djebel/Chez les Aït Tizi Mlal/ À côté des Aït Chebla, foi et loyauté.) La poésie d’Amar Ath Mouhed-Ouamar touche à tous les aspects de la vie quotidienne. Le grand mérite de Saïd Bekkouche est de l’avoir exhumée de l’oubli et de nous faire découvrir un autre pan de la littérature orale amazighe de Kabylie.

C’est en 1991 qu’il a achevé le premier recueil de poésie d’Amar Ath Mouhed-Ouamar, pour le reprendre en 2011. Il a également effectué des recherches sur Bessaoud Mohand Arab, capitaine de l’ALN, écrivain et militant de la culture amazighe, auquel il consacre actuellement un documentaire.

Prolifique, Saïd Bekkouche, né en 1952, fils de chahid, est l’auteur d’un dictionnaire, Amawal n tamazight, et prépare la publication d’un livre sur la présence turque en Afrique du Nord.

 

 

 ALI BEDRICI

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