Culture Rencontre avec la primo-romancière Nadia Agsous au CCA de Paris

“L’Ombre d’un doute”, ou la désacralisation d’un passé sclérosé

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Ali BEDRICI Publié 11 Octobre 2021 à 18:48

© D. R.
© D. R.

Présenté  dernièrement  au  CCA  de  paris,  le  premier  roman  de  la journaliste et poétesse Nadia Agsous raconte “l’histoire d’une tentative de désacralisation  et  de  ‘défatalisation’  d’une  mémoire  collective historique sclérosée et sclérosante”.

Le Centre culturel algérien de Paris a abrité mercredi dernier une rencontre durant laquelle Nadia Agsous a présenté  son  roman, L’Ombre  d’un doute (éditions Frantz-Fanon, décembre 2020).

L’auteure a expliqué d’emblée que “ce livre raconte l’histoire de Bent’Joy, ville millénaire enfermée dans une mémoire collective historique, vieille de plusieurs siècles, gouvernée par Sidi Akadoum, personnage sacralisé à outrance par les habitants de la ville”. 

Et d’ajouter : “Le roman raconte aussi l’histoire d’une tentative de désacralisation et de ‘défatalisation’ de cette mémoire collective historique sclérosée et sclérosante.” Concernant le titre, Nadia Agsous affirme qu’il résume la thématique principale du livre : “Il y a une ombre et une obscurité dans le personnage de Sidi Akadoum, quelque chose de caché, de non révélé. Le protagoniste (narrateur) va aller chasser cette ombre. C’est un personnage qui doute tout le temps.”

Il n’a pas de nom et “peut être n’importe quel jeune. Il est curieux et lucide, très observateur des mœurs de sa ville. Il endosse le rôle d’un historien, voire d’un archéologue qui fouille dans le passé de sa ville pour la mener sur la voie du renouveau”. 

Comme tout jeune, il aspire à une vie nouvelle et va lui-même “s’affranchir du passé, de ses peurs existentielles et de ses démons ; il prend du recul avec le passé sclérosé de sa ville”. Sa mère est, selon l’auteure, la gardienne de la mémoire de Sidi Akadoum.

“Elle en reproduit les valeurs et légitime l’autorité. Elle s’en prend à son fils qui voit d’un mauvais œil sa fidélité à la mémoire de Sidi Akadoum, qu’elle considère comme le sauveur de la ville pour avoir mis fin à la royauté au XVe siècle.”

Sidi Akadoum, justement, “très intelligent, orateur hors du commun, a le pouvoir sur Bent’Joy et sur ses habitants”. On découvre que “des siècles plus tard, il est omniprésent dans la mémoire collective. Il est le symbole de la duplicité : il arrive en ‘ami’, dupe les habitants incrédules, puis les soumet à son autorité”.

À écouter Nadia Agsous, Bent’Joy ressemble étrangement à Béjaïa. “Le cadre spatial du roman est une ville millénaire, avec une histoire riche, entourée par la mer et la montagne sacrée. Il y a beaucoup de Béjaïa dans ce roman, surtout quand je décris la nature de Bent’Joy.” 

Dans son esprit, “la montagne sacrée, c’est Yemma Gouraya”. On y trouve aussi des références à d’illustres personnages qui ont séjourné à Béjaïa, comme Abderrahmane Ibn Khaldoun. Mais, selon Nadia Agsous, c’est une ville universelle qui peut se situer partout où des populations subissent des jougs. “J’insiste simplement que les Bent’Joyens ne sont pas les Bougiotes”, s’empresse-t-elle de préciser.

Pour l’auteure de L’Ombre d’un doute, “Bent’Joy renvoie à l’époque où la ville était reconnue comme centre de rayonnement intellectuel et culturel, où on célébrait la libre pensée et la joie du moment vécu”, philosophie qui a profondément imprégné ses habitants. “Cela fait référence au rayonnement culturel de Béjaïa dans les siècles passés.

Bent’Joy croulait sous les richesses qui ne profitaient pas aux habitants.” Sous le règne de Sidi Akadoum, elle va s’enfermer, végéter dans son passé. “La docilité va déchoir la ville de son prestige et de son statut de ville royale, elle va glisser sur la pente de la décadence.” Et c’est là que le protagoniste (le narrateur) intervient. 

“La situation va l’exacerber, il va se mettre en action pour mener sa ville sur la voie du renouveau. Jeune, intelligent, féru d’Histoire, il entreprend de désacraliser la mémoire sclérosée de Sidi Akadoum. Il a le goût de la liberté qu’il veut communiquer aux habitants de Bent’Joy.” À travers lui, l’auteure “rend hommage aux jeunes Algériens pour leur volonté de renouveau, de liberté et de justice”.

Journaliste, chroniqueuse littéraire, native de Béjaïa, Nadia Agsous a déjà publié Réminiscences (Marsa, 2012) et Des hommes et leurs mondes (Dalimen, 2014). Bien que vivant en France, elle édite ses livres en Algérie, les rendant ainsi accessibles aux lecteurs du pays.
 

ALI BEDRICI

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