“Je ne sais pourquoi à chaque fois que je rencontre Mohamed – devenu un ami sans concession – me vient l’image de René. Est-ce à cause du physique, d’une certaine complicité des mots ? Toujours est-il qu’un fil invisible semble relier les deux auteurs”, écrivait dans la préface du recueil le défunt Ahmed Azeggagh.
Le recueil de poésie, Rue des Blancs-Manteaux, de l’anthropologue et journaliste Mohamed Touati, vient de paraître ce mois-ci aux éditions Tangerine-Nights. Les poèmes, qui n’ont pas pris une ride malgré le poids des années, voire des décennies, gagnent au contraire comme les vins et les spiritueux à prendre de l’âge. Le poète Ahmed Azeggagh, qui a préfacé le livre quelques mois avant sa disparition, ne s’y était pas trompé. Il n’avait pas hésité à le hisser au niveau du grand poète René Char.
“C’est ainsi que j’eus entre les mains les premiers poèmes de Mohamed Touati. Je ne sais pourquoi à chaque fois que je rencontre Mohamed – devenu un ami sans concession – me vient l’image de René. Est-ce à cause du physique, d’une certaine complicité des mots ? Toujours est-il qu’un fil invisible semble relier les deux auteurs.” “René Char avait une haute idée de la poésie et des poètes”, poursuit-il.
C’est bien lui en effet qui écrira dans À une sérénité crispée : “Nous sommes des météores à gueule de planète. Notre ciel est une veille, notre course une chasse, et notre gibier est une goutte de clarté.” “Cette formule de René aurait pu être signée Mohamed, mais Char est reconnu depuis longtemps”, poursuit feu Azeggagh.
Mohamed le sera un peu plus tard. Extraits : “Je partirais vers ces rivages / Écouter le chant des oiseaux / Là où l’espoir est inscrit sur le front / Des enfants dès qu’ils naissen/ Je te refaçonnerai ce pays / Où viendront chanter les tourterelles au printemps / Pour écouter le son des cloches des églises.”
Et dans Le dialogue avec ma fille, écrit plus récemment : “Dis-moi Alia / Si tu devais vivre dans une de ces étoiles qui brille dans le ciel, laquelle choisirais-tu ? Je choisirais la plus lointaine / Celle accrochée au plus beau des arbres -Le Jacaranda / Celui sur lequel viendra chanter, Le plus doux des oiseaux -Le Coucou.
J’irais habiter sur la plus belle des étoiles / Celle qui brille dans les yeux des enfants / Celle qui reposerait au fond d’un croissant de lune / Comme un doux bébé / J’irais habiter dans cette étoile / Qui donne la vie à la vie.”
À noter que Mohamed Touati a remporté le premier prix des Poésiades de Béjaïa. Diplômé de l’université René-Descartes, Mohamed est anthropologue. Une grande partie de sa carrière s’est déroulée au Parc national du Tassili à Djanet avant de regagner Alger pour entamer à 50 ans une carrière de journaliste au quotidien L’Expression.
M. OUYOUGOUTE