Culture Le livre de Jean Étienne Le Roux vient de paraître à l’Harmattan

Témoignage d’un Breton sur la Kabylie

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Rubrique Culturelle Publié 03 Avril 2021 à 23:40

© D. R.
© D. R.

Ce livre-témoignage revient sur le passage de Jean Étienne Le Roux en Kabylie en tant que coopérant technique dans l’Algérie post-indépendance. Il y égrène ses souvenirs, l’hospitalité des habitants de Larbâa Nath Irathen et son initiation aux chants kabyles, qu’il trouvait, de par leurs structures mélodiques, proches des complaintes bretonnes.

Dans sa Bretagne natale à Plonévez-du-Faou, une bourgade du Finistère dans l’ouest de la France, Jean Étienne Le Roux enseignant à la retraite a tout le loisir de penser à sa riche carrière d’éducateur, de semeur de savoirs et de valeurs humaines durant son parcours d’éducateur. 

Il vient de publier aux éditions l’Harmattan, Une famille bretonne en Kabylie (1969-1974), un livre sous forme de témoignage, pour le moins très éloquent, sur son passage en Kabylie en tant que coopérant technique, appellation donnée à l’époque aux enseignants étrangers qui venaient pallier le manque d’encadrement dans l’Éducation nationale de l’Algérie post-indépendance.

C’est avec les évènements de mai 1968 qui ont insufflé un vent de liberté à la jeunesse française, Jean Étienne Le Roux et sa femme Dany, tous deux enseignants, décident de partir à l’étranger enseigner dans le cadre de la coopération. En 1969, ils obtiennent un poste dans un collège de Kabylie au cœur du massif du Djurdjura, à Larbâa Nath Irathen.

Avec leur enfant de 2 ans, ils font un voyage de 4 000 km, en voiture, vers leur lieu d’affectation en passant par l’Espagne, le Maroc et le nord de l’Algérie. Un passage resté, pour lui, indélébile. Jean se souvient comme si cela datait d’hier de son arrivée à Larbâa Nath Irathen après une longue ascension des chemins qui montent vers les cimes du Djurdjura.

“Nous sommes arrivés dans la pluie et le brouillard, fatigués et perdus dans cette ville de montagne. Un homme est venu vers nous ; il avait compris que nous étions une famille de coopérants et nous a conduits vers l’Hôtel de France ; il nous a fourni tous les renseignements utiles : où trouver le collège, la mairie, un restaurant… Ce sens de l’hospitalité nous a agréablement surpris, et nous apprendrons plus tard que cette valeur est profondément inscrite dans la culture kabyle”. 

Enseignement à l’étranger : une expérience humaine
Dany et Jean enseignaient le français et la géographie du Maghreb de la 5e à la 3e dans des classes de 40 élèves très souvent motivés, agréables et très à l’écoute. Le collège de Larbâa Nath Irathen était un établissement mythique dirigé le tandem mémorable que formait Mohand Chelah, directeur, et Ali Ameur, surveillant général. 

Ils imposaient un cadre strict et n’autorisaient aucun écart. Ils ont réussi à amener les élèves vers l’excellence et beaucoup leur doivent aujourd’hui leur réussite sociale et professionnelle. 

Pour Jean, “ce cadre de travail nous convenait et permettait surtout aux élèves, de conditions souvent difficiles, de mieux se concentrer sur les enseignements. Nous devions accomplir deux années d’enseignement dans ce collège ; finalement, nous sommes revenus en France que cinq années plus tard, en juillet 1974. Nous y avons noué de nombreux liens d’amitié et apprécié les belles montagnes du Djurdjura, les arts kabyles. Nous rentrions en France dans nos familles seulement l’été”.

Leur second fils est né à Larbâa Nath Irathen en 1971. L’aîné scolarisé près du domicile conversait correctement en kabyle dès 1973.

La chorale polyphonique : un projet d’éveil culturel
Dès l’automne 1969, Jean s’est intéressé aux chants kabyles qu’il trouvait, de par leurs structures mélodiques, proches des complaintes bretonnes. 
Avec, en plus, une formation musicale obtenue en classe d’harmonie, il ne voulait pas se limiter à son rôle d’enseignant, d’où le projet de créer une chorale du collège.

Pour lui, “il était possible de composer des chœurs à 2 ou 3 voix mixtes à partir de chants connus. Ce projet m’a tout de suite enthousiasmé ! Je m’initiais au chant kabyle auquel j’apportais une dimension polyphonique”. Il a créé un programme de chants à partir du répertoire kabyle avec les œuvres de Hassen Abassi, Chérif Kheddam, Slimane Azem, Cid Messaoudi... Pour cet enseignant qui ne pratiquait pas la langue kabyle, la tâche fut ardue. “Je menais l’apprentissage en utilisant une phonétique approximative qui faisait bien rire les choristes !”, se rappelle-t-il.

Les premières répétitions ont débuté à la rentrée 1970 et la chorale a vécu 4 années, avec des prestations à Tizi Ouzou, Blida, Alger, Sétif, Dellys… 
La direction du collège l’a toujours soutenu dans ce travail bénévole, mais ô combien exaltant par son esprit de partage et son caractère innovant. Jean n’oublie pas encore que “les élèves de cette chorale ont toujours fait preuve de volonté et d’enthousiasme”.

Un livre témoignage pour graver la mémoire
De retour en France, le couple d’enseignants ne parvenait pas à s’adapter facilement, il se sentait entre deux mondes et cela devenait inconfortable.
“Nous sommes revenus à Larbâa  Nath Irathen en 1975 et 1977, donc très rapidement après notre départ en juillet 1974. Ce fut pour nous salutaire, car ces voyages successifs ont créé la transition dont nous avions besoin”, tient à préciser Jean. Il y a 2 ans environ, et après le décès de son épouse, il décide de rédiger un ouvrage de mémoire : les années de coopération, le souvenir de la chorale et les rencontres qui ont suivi. C’était une lourde tâche d’écriture et de recherche de documents. Un livre témoignage agrémenté de plusieurs photos de famille, de la chorale et de la ville de Larbâa Nath Irathendans les années 1970, cette forteresse érigée par l’occupant français conduit par les troupes du général Randon après avoir vaincu la rébellion menée par Fadhma

n’Soumer. Le livre contient également des partitions musicales de quelques chants du répertoire de l’époque sous forme orchestrale grâce à l’ordinateur. Des orchestrations qu’il est possible d’écouter sur les réseaux sociaux. C’est à juste titre que les éditions l’Harmattan ont classé cet opus dans la collection des Graveurs de mémoire, car Jean voudrait partager cette expérience originale, la faire revivre et la transmettre à cette génération ravie de revenir sur ces moments fraternels et amicaux. Aujourd’hui, Jean Étienne Le Roux aimerait présenter son livre à Larbâa  Nath Irathen en priorité, et en France pour les nombreux Kabyles qui y résident. Un livre qu’il dédie à son épouse, aux choristes et à l’ensemble des élèves du collège. Il ajoute : “Je ne suis plus retourné en Kabylie depuis 1977 ; ce serait une belle occasion de revoir cette ville qui n’est plus la même, évidemment, et dans laquelle je risque de me perdre avec mes souvenirs orphelins d’un certain passé, mais je saurais retrouver les senteurs d’autrefois.”

 

Correspondance particulière de Paris : TAHAR YAMI

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