Des Gens et des Faits 50e partie

“COMME UN MIROIR BRISÉ”

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Taos M’HAND Publié 11 Octobre 2021 à 18:27

Résumé : Latéfa est heureuse de le revoir. Elle voit bien qu’il n’a pas changé, mais dans sa situation, tout est perdu d’avance. Elle ne veut pas souffrir davantage. Elle ira en chimiothérapie, et il est hors de question que lui ou sa famille la voient mal en point. Sa mère Houria est touchée qu’il veuille encore se rapprocher d’elle malgré ses refus. Latéfa ne veut pas de sa pitié.

Le jour “J” arrive plus vite qu’elle ne le voudrait. Ils se rendent au service oncologie dès 8 h. Elle cherche un lit vide, l’unique qu’il reste dans la salle, et sort un drap. Elle a aussi apporté un coussin. Elle, qui espère ne pas le partager, est déçue. D’autres patientes arrivent, au point où on peut compter trois ou quatre malades par lit. Il y a aussi des chaises pour celles qui ne tarderont pas, car leur traitement ne prendra que quelques minutes. Juste le temps de recevoir une injection. 
Les oncologues ne tardent pas à arriver. Une agent d’entretien est aux petits soins avec les malades. Elle sert de la tisane, des biscuits, des bouteilles d’eau et des fruits. Latéfa refuse, mais l’agent pose sa part sur la table.
-Tu en as pour quelques heures. Peut-être que tu changeras d’avis après ?
Latéfa la remercie, même si elle n’a pas l’intention d’y toucher. Alors qu’on lui place un cathéter, son oncologue Dr S. vient discuter avec elle. Elle la rassure sur son cas.
-D’après les résultats, votre bilan est normal et l’anapath, vos ganglions n’ont pas été touchés ! La tumeur a été retirée à temps et il n’y a pas lieu de s’inquiéter ! Votre chimiothérapie sera à titre préventive pour se débarrasser de la moindre cellule maligne qui pourrait rester ! On veut mettre toutes les chances de votre côté !
-Le professeur X a dit qu’elle était virulente…Qu’il fallait faire vite et tout… Je ne vous cache pas que j’ai peur et je me sens condamnée ! Je n’arrive pas à me projeter dans quelques mois ! Je vis au jour le jour, en attendant…
-Non, ne soyez pas négative ! Ayez la foi et sachez que vous êtes entre de bonnes mains ! Avez-vous pris votre traitement ? 
-Oui, j’ai pris mon traitement… Je sais que je perdrais mes cheveux, mes cils… D’autres parlent aussi des ongles ? Est-ce après la première séance ?
-Non, les ongles, c’est très rare ! Pour les cheveux, à la deuxième ou troisième… Mais soyez rassurée, ils repousseront plus beaux , promet l’oncologue. Dès que vous aurez terminé votre traitement ! 
-Inchallah !
Latéfa aura 6 chimiothérapies, avec un intervalle de trois semaines entre chaque séance, pour lui permettre de se reposer et de récupérer. Elle espère que les traitements l’aideront à supporter les effets secondaires. 
Alors qu’elle est à sa première séance, elle reçoit des messages de toute sa famille et de Lila. Ils échangent des petits message vocaux, puis épuisée, elle met le portable en mode silencieux. Elle ferme les yeux, voulant s’évader de cette salle de soins, mais autour d’elle, les malades discutent, se racontent leur vie, leurs déceptions mais malgré tout, elles gardent espoir qu’un jour, l’oncologue leur dira que c’est bon et qu’elles sont guéries. L’espoir de retrouver leur vie d’avant, Latéfa n’y croit pas trop, même si elle entend des femmes affirmer que certaines ont repris le travail, s’occupent de leurs familles et que leurs maris étaient devenus plus attentionnés. 
-Le mari de la belle-sœur d’une amie est devenu un véritable soutien ! Il l’aidait en tout ! À chaque fois qu’il le pouvait, ils sortaient ensemble ! La maladie les a rapprochés !
-Wlid familia hadha, un fils de bonne famille ! Moi, j’en connais qui ont été odieux avec leurs femmes malades ! Qu’Allah les maudisse ! 
Comme pour confirmer les propos de l’inconnue, une femme entre, la tête baissée, le foulard cachant la moitié de son visage. Elle choisit une chaise, dans le coin et se tourne vers la fenêtre, leur tournant le dos. L’oncologue et la psychologue viennent la voir.
-Pourquoi es-tu en retard ? 
-Il ne voulait pas ! J’ai attendu qu’il soit parti à son travail, dit la femme, sans les regarder, pour venir…
-As-tu fait le bilan ? Et les échographies ? 
-Non, je n’ai rien fait, dit la femme. Je ne travaille pas et lui ne me donne rien ! Ma famille réside loin. Ils ne savent rien de l’enfer que je vis depuis qu’il sait que je suis atteinte de cette maladie.
Le silence tombe d’un coup lorsqu’elle retire son foulard, dévoilant un œil au beurre noir et une lèvre fendue. Elle a aussi des marques au cou. Ça saute aux yeux que son mari a tenté de l’étrangler. Si elle n’avait pas eu le courage de venir à son rendez-vous, personne ne se serait douté qu’en plus d’être gravement malade, elle est agressée psychologiquement et physiquement ! 
 

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