Des Gens et des Faits 47e partie

L’ éternelle blessure

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Taos M’HAND Publié 08 Février 2021 à 08:40

Résumé :  Nedjmeddine a décidé qu’elle se rendrait à l’école accompagnée d’un agent civil. Il est très inquiet. Ce soir-là, ils reçoivent un appel de la mère de Sarah. Elle était frappée par les propos insensés que tenait sa fille. Anissa l’attribue aux effets secondaires des calmants. Nedjmeddine lui conseille de soutenir son amie.

-Le soir, on prie pour ne pas avoir de mauvaises nouvelles le matin. Et pendant toute la journée, on espère que la journée se passera bien et qu’on ne perdra personne. 
-Khalti, ne m’en parle pas, j’essaie d’oublier mes peurs. Donne-nous ta bénédiction. 
-Soyez prudents. 
Tous le sont, le danger est là. Ils ne le voient pas, mais ils le sentent. Anissa ne peut s’empêcher de scruter les gens, même ses collègues, à la recherche d’un signe suspect. Dans la salle des professeurs, elle remarque qu’on chuchote. 
-Qu’est-ce qui se passe ?, demande-t-elle après les avoir salués. 
On lui montre une lettre avertissant toutes les femmes à porter le voile lorsqu’elles sortent. 
-Vous l’avez trouvée ici ? 
-Oui. Tu ferais bien de t’acheter un foulard. Si tu ne veux pas avoir de problèmes, lui conseille-t-on. Tu es belle, jeune… S’ils ne t’égorgent pas, leur chef te prendra pour femme. Tu ne voudrais pas servir d’exemple, aux autres, n’est-ce pas ? Penses-y sérieusement, sinon tu le regretteras un jour.
La sonnerie du début des cours retentit. Anissa s’empresse de rejoindre sa classe. Même si ce n’est pas la première fois qu’on lui parle du danger auquel elle s’exposait en refusant de porter le voile, cette fois, elle sent qu’elle ne devrait pas prendre les choses à la légère. Elle tente de se consacrer à son cours, consacre du temps aux élèves en difficulté. À midi, le même agent civil vient la chercher. 
-Où est Nedjmeddine ?
-Il a une réunion.
-Il ne va pas rentrer tôt, c’est ça ?, conclut-elle. Est-ce qu’il y a du nouveau dans l’enquête d’hier ? Est-ce qu’ils ont découvert qui les soutient dans le quartier ?
-Hélas, non. 
Quelques minutes après, quand il la dépose devant le bâtiment. Elle monte directement à la maison et trouve ses beaux-parents en train de l’attendre. 
-Vous n’avez pas déjeuné ? 
C’est gentil de m’attendre. Elle est en train de chauffer des restes du dîner quand on appelle.
C’est son oncle. Cela lui fait du bien d’entendre sa voix. Il lui reproche d’être venue à Oran et de ne pas être passée les voir. Elle lui explique les raisons de son retour précipité. 
-Je voulais rentrer tôt, dit-elle. Même si on n’est pas très loin, il peut se passer des choses sur la route. 
-Je sais, la prochaine fois, ne t’aventure pas à faire des allers-retours inutiles, lui demande-t-il. Ne te mets plus en danger. S’il t’arrivais malheur, je ne me le pardonnerais pas.
-Non, ne t’inquiète pas. Je suis prudente, aujourd’hui à l’école, ils ont trouvé une lettre où on nous ordonne de porter le voile. Moi, je suis contre. 
-Il le faudra bien, suis mon conseil et porte-le quand tu sors. Fais comme toutes les femmes de ton quartier. Porte des couleurs discrètes qui te permettent de te fondre parmi les gens. En attendant que ça se calme. Suis mes conseils. 
Anissa soupire. 
-Promets-le moi, insiste l’oncle Hamid. Sinon, j’appelle ton mari et je lui demande de t’enfermer. 
-C’est promis, je le ferais dès demain. Je ne ressors pas cet après midi. Dis ? Je n’ai pas eu le temps de prendre des nouvelles de Sarah. Sais-tu si elle va mieux ?
-Oui, oui, normalement, elle sortira dans trois jours. Ne t’inquiète pas pour elle, elle est entourée de sa famille.
“Sa famille ignore tout de ce qu’elle traverse”, a-t-elle envie de lui dire. 
Avec l’insécurité qui règne, l’oncle Hamid refuse de venir durant le week-end et leur conseille de rester chez eux. 
-N’allez pas tenter le diable. 
Anissa lui promet de patienter. Lorsque Sarah sort enfin de l’hôpital, elle se met à l’appeler tous les jours que Dieu fait. Elle la soutient moralement. Les jours où Nedjmeddine travaille de nuit, elles sont plus à l’aise pour parler de ce qui les tourmente. L’une ne cesse de parler de son défunt amour, l’autre, de la peur de perdre le sien.

 

 

(À SUIVRE)
 T. M. 

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