Des Gens et des Faits 63e partie

L’ éternelle blessure

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Taos M’HAND Publié 26 Février 2021 à 20:11

Résumé :  Anissa n’a pas pu entendre ce que ses beaux-parents se sont dit. Des youyous l’ont assourdie un moment. Brahem est parti au village, promettant de revenir rapidement. Mais il aura un empêchement et ne pourra même pas assister au départ de la mariée. Anissa est angoissée. Elle a un mauvais pressentiment. 

Ce n’est qu’au petit matin que la nouvelle parvient. Il y a eu un attentat. Il y a eu plusieurs morts. Nedjmeddine en fait partie. Trois autres jeunes hommes ont trouvé la mort, sous les couteaux d’un groupe terroriste, non loin de Lakhdaria. La nouvelle s’est répandue dans tout le village, même au-delà de la région, plongeant les habitants dans la douleur et le deuil. La vie s’est arrêtée. Il y a bien un rescapé qui a pu fuir la mort, à la vitesse de ses jambes. Grâce à son témoignage, ils ont appris comment les choses se sont passées. Ils sont tombés sur un faux barrage. Les pseudo-militaires, forts en nombre, les ont fait descendre du taxi et les ont encerclés. Nedjmeddine les a distraits un moment, en tentant de les convaincre de libérer les plus jeunes. Le rescapé a profité du moment où ils s’en prenaient à lui pour s’enfuir. Nedjmeddine a tenté de se défendre et ils s’y sont pris à plusieurs pour le terrasser et l’égorger. Les cadavres ont été retrouvés au petit matin dans le ravin. 
Tous les voyageurs qui ont emprunté cette route ont eu la peur de leur vie. Certains ont fait demi-tour et donné l’alerte mais la gendarmerie est arrivée trop tard. 
Anissa, sa belle-famille ainsi que les familles endeuillées sont inconsolables. 
- J’avais ce pressentiment. Je sentais que le malheur allait s’abattre sur notre famille. 
Warda en est malade. Elle se sent responsable de la mort de son frère. S’ils n’avaient pas insisté à ce qu’il vienne à son mariage...
- Tout est de ma faute. 
Anissa, malgré sa peine, doit la secouer un peu. 
- Il n’est pas le seul à être mort. Et les autres ? Ils venaient aussi à ton mariage ? Arrête de penser. Des victimes du terroriste, il y en a tous les jours. 
- C’est atroce ce qu’ils leur ont fait. 
- Je sais. 
L’enterrement a lieu quatre jours après, en présence d’officiels de la sécurité, de la famille et des villageois venus des quatre coins de la région. 
Brahem et Fathma ont pris un coup de vieux à la mort de Nedjmeddine. Anissa est très éprouvée. Elle ne quitte plus ses bébés. Elle n’arrive pas à s’y faire. Son oncle, sa tante et Sarah sont venus et sont restés pour la soutenir dans cette dure épreuve. Leur présence lui fait du bien, mais dès qu’elle entend Zoubida chouiner, elle fond en larmes. 
- C’était sa préférée. Il adorait s’occuper d’elle. Qui la dorlotera comme il le faisait ?
- Toi, moi, ta tante, sa grand-mère, ajoute Sarah. Tu n’es pas seule. Tu as deux familles qui prendront soin de toi et de tes bébés. On ne t’abandonnera pas. Je serais là pour toi comme tu l’as fait avec moi. Je comprends ce que tu traverses et combien ça fait mal. 
Anissa sert la main de son amie en se mordant la lèvre pour ne pas crier. 
- Ça va être dur. Pleure, crie, lamente toi ! Fais tout ce que tu veux. Toi, tu peux crier le prénom de ton mari. Moi je n’ai pas pu parler de Djalil, de tout ce que je ressens.
- Mais ça ne va pas me le ramener. C’est atroce ce qui leur est arrivé. Tu imagines ? Ils ont été égorgés. Mon pauvre amour est mort de la pire façon, lui qui était si gentil. Il est mort sans qu’on se soit revus. Il me manque. 
- Ma chérie, il t’a laissé de beaux bébés, lui rappelle Sarah. Il faudra que tu sois forte pour eux. 
- D’où vais-je la puiser ? Je suis plus morte que vive. J’avançais dans la vie grâce à lui. Et maintenant je suis seule, perdue. 
Sarah la prend dans ses bras. 
- Tu n’es pas seule. Quand tu te sens perdue, regarde tes bébés. Ils te raccrochent à la vie. Ils te pousseront avec leur amour à avancer dans la vie. Et puis, moi, ta famille, ta belle-famille, on sera toujours là quand tu baisseras les bras, quand tes jambes ne te porteront pas. 
Les pleurs de Zoubida couvrent la voix de Sarah. Fathma la lui apporte. 
- Ma fille, je l’ai changée, allaitée, mais elle ne se calme pas. Elle veut tes bras. Je t’en prie. Prends-la. Console-la. Parle-lui. Mon fils. Son père n’est plus là, mais toi, si. Je t’en prie, essuies tes larmes et rassure-la. Même les bébés sentent qu’il y a eu un drame. 

 


(À SUIVRE)
 T. M. 

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