Des Gens et des Faits 64e partie

L’ éternelle blessure

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Taos M’HAND Publié 27 Février 2021 à 22:07

Résumé Nedjmeddine n’est jamais arrivé. D’autres voyageurs et lui sont tombés sur des pseudos militaires. Ils ont été égorgés. La nouvelle a jeté l’effroi dans la région. L’enterrement a lieu en présence d’officiels et des habitants, venus des quatre coins de la région. Anissa est plus morte que vive même si elle est entourée de sa famille, de Sarah. Fathma lui apporte la petite Zoubida qui reste inconsolable.

-Moi aussi, je savais qu’il arriverait malheur, je le sentais au fond de moi.
-Ma fille, rien ni personne n’aurait pu arrêter la mort. C’est sa destinée, dit Fathma, fataliste. Nous ne sommes pas les seuls à être en deuil. Combien de familles ont perdu soit un père, une mère ou soit un fils ? une fille ? Ils s’en prennent à tous ceux et celles qui ne partagent pas leur avis et leurs visions des choses, ils disent tuer au nom d’Allah, mais nous, nous savons qu’ils n’ont ni foi ni loi. Ce sont des monstres.
-Mais qu’est-ce que je dirais à mes enfants quand ils seront grands ?, demande Anissa. Quand ils comprendront qu’ils n’ont pas de père ? Qu’il a été tué par des barbares ? Nedjmeddine était quelqu’un de bien. Il était un si bon père. 
-Ma fille, c’est encore loin. Je t’en prie, n’y pense pas. Lorsqu’ils seront grands, ils réaliseront la chance qu’ils ont de t’avoir, de nous avoir. Ils ne sont pas seuls et ne le seront jamais. Nous allons prendre soin d’eux. Quand ils seront grands, ils seront fiers de leur père, mort en martyr. Mon fils était un brave homme, il n’avait pas abandonné son travail malgré tous les risques qu’il courait. Ils seront fiers de lui tout comme nous le sommes. Nous allons nous occuper des enfants ensemble. Anissa sait qu’elle peut compter sur sa belle-famille, ils partagent la même peine, la même douleur. Leur vie est bouleversée. Plus rien ne sera comme avant. Ils allaient avoir besoin les un des autres.  Elle apprécie la présence de sa famille et celle de Sarah. 
-Je les imagine ensemble au Paradis. Tu crois qu’ils peuvent nous voir ? Nous entendre ? Savent-ils combien nous les aimons ?
-Ils peuvent douter de tout sauf de notre amour, dit Anissa. Je lui resterais fidèle jusqu’à mon dernier souffle. Heureusement que vous êtes là, votre présence nous fait du bien. Merci de nous soutenir dans cette épreuve. 
Ils sont là depuis une semaine, abandonnant le travail, les enfants. Elle est bien triste lorsqu’ils parlent de rentrer à Oran. Le devoir les appelle. En plus de reprendre le travail, les enfants ont trop tardé chez la voisine. 
-Je sais… Je vous demande pardon, leur dit- elle. Vous êtes restés pour nous soutenir, vous avez tout abandonné pour nous aider à faire le deuil. J’ai été égoïste, pardonnez-moi, j’étais aveuglée par la peine. 
-Nous n’avons rien à te pardonner, dit l’oncle Hamid. Nous nous devions de rester avec vous. Seulement maintenant, il faut que nous rentrions. Je te promets de revenir bientôt. Sois forte, tes enfants ont besoin de toi et de toute ton attention, même si toi aussi, la perte de ton mari t’éprouve encore. Tu dois te ressaisir, car la vie continue que tu le veuilles ou pas. Dans tes moments de faiblesse, pense à ces petits amours qu’Allah vous a donnés. Nedjmeddine revivra à travers eux, il t’a laissé de lourdes responsabilités. Je suis sûr que de là où il est, il veillera sur vous. C’est un ange au Paradis, nous avons toute la vie pour le pleurer.
Tous ont un mot de réconfort et pleurent au moment de partir, mais avant de monter dans la voiture, son oncle revient sur ses pas et la prend à part. 
-Dans quelques jours, nous reviendrons vous chercher. Vous resterez à Oran, je veux vous avoir à la maison et m’assurer que vous allez bien. 
Anissa secoue la tête. Elle refuse. 
-Je te remercie de penser à notre bien-être, mais ce n’est pas le moment. Plus tard…Quand ? Je l’ignore, mais je ne peux pas les abandonner maintenant, ajoute-t-elle en désignant sa belle-famille, derrière lui. Eux aussi souffrent de la perte de Nedjmeddine, je ne peux pas leur infliger cette double peine en les séparant des petits. 
-Tu appelles quand tu veux, je viendrais vous chercher, insiste-t-il. Qu’Allah te donne la patience et le courage d’aller de l’avant. 
Anissa le remercie. Elle sait qu’elle pourra toujours compter sur lui. En plus de l’avoir adoptée, il pense à ses enfants qui allaient grandir sans leur père. Il veut leur donner l’amour, la sécurité et un meilleur avenir, comme il l’a fait avec elle. Toute sa vie, elle lui sera reconnaissante. Si d’habitude, elle lui obéit, respecte ses choix et ses décisions, cette fois, elle a autre chose en tête. Elle ne peut pas lui en parler tout de suite. Elle a encore besoin de temps, car sa décision allait changer le cours de leur vie.
 

(À SUIVRE)
T. M.

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