Résumé : Écœurée par ce qu’elle venait d’apprendre, Mordjana est dans tous ses états. Pour s’occuper, elle arrose les plantes, puis ramasse le linge dans la cour, avant de revenir dans sa chambre pour le plier. Samir rentre et remarque tout de suite son air contrarié. Malgré son insistance, elle ne lui révèle rien sur ses préoccupations.
Elle lève une main pour l’arrêter.
- Non. Personne ne m’a manqué de respect, et ta mère ne m’a pas sermonnée. Ton père est rentré.
- Ah ! Enfin ! Je me demande où il a bien pu passer. Comme à ses habitudes, il disparaît puis refait surface.
Il lui prend le menton.
- Mais cela n’explique pas ces yeux tristes et cette voix chevrotante. Qu’as-tu, Mordjana ?
- Rien. Je n’ai rien, je t’assure.
Elle se lève.
- Je vais te préparer un café.
Il la suit dans la cuisine. Elle dépose une tasse sur la table et met la cafetière sur la cuisinière.
- En vérité, il est déjà prêt, je n’ai qu’à le réchauffer. Alors, comment s’est déroulée ta journée ?
- Bien. Je travaille sur un projet de construction d’une cité. L équipe est sur le chantier depuis plusieurs semaines.
- Toi aussi ?
- Bien entendu. Mais aujourd’hui je suis resté au bureau pour étudier quelques plans.
Il sourit.
- Je ne voulais pas trop m’éloigner de toi. Ah ! J’oublie.
Il prend une enveloppe de la veste de son veston.
- Les résultats de tes analyses. Il ouvre les deux feuillets qu’il venait de retirer et les parcourt d’un air distrait.
- Selon le laboratoire, tout est normal.
Elle soupire, soulagée.
- Eh bien, tu me vois libérée d’un grand poids. Je craignais tant que quelque chose retarde l’opération.
Elle lui verse le café et poursuit :
- Le Dr Chahine nous a donné rendez-vous pour la fin de la semaine, n’est-ce pas ?
Il prend une gorgée du chaud breuvage puis acquiesce :
- Oui. Nous irons le voir jeudi. Tu es pressée, Mordjana ?
- Bien plus que tu ne le penses. J’ai hâte de me débarrasser de cette tache qui me gâche la vie. Cependant… Heu… j’ai un peu peur.
- De quoi donc ? De l’opération ?
- Oui. J’ai peur que l’intervention ne se déroule pas bien. J’ai peur d’un échec.
- Voyons, Mordjana. Chahine n’en est pas à sa première opération du genre. Tu le sais bien.
Elle baisse les yeux pour qu’il ne remarque pas les larmes qui y brillent.
- Je n’ai jamais eu de chance dans cette vie, Samir. Cette opération pourrait être un échec cuisant, et je deviendrais encore plus laide et plus complexée. Je préfère mourir que d’avoir à subir une telle humiliation.
Il dépose sa tasse et lève les yeux vers elle.
- Pourquoi es-tu aussi pessimiste, Mordjana ?
Elle soupire.
- Ma vie n’a jamais été un fleuve tranquille, Samir, tu le sais bien. On dirait que la poisse me colle à la peau. Je n’ai jamais été heureuse et je ne le serais probablement jamais.
Il soupire.
- Et si tu cessais de ruminer toutes ces idées noires, cela ne serait-il pas mieux pour toi ? Pour nous deux ? Tu es mariée maintenant, et loin de ta famille. Ta vie a radicalement changé. Essaye donc de t’adapter à ta nouvelle existence et tout ira mieux.
Elle se mord les lèvres. Elle voudrait tant lui avouer ce qui la chagrinait, mais s’en abstient. Il la contemple un moment, puis poursuit.
- Je pense que cette opération est nécessaire. Pas seulement pour t’embellir, mais surtout pour te permettre de reprendre confiance en toi. Crois-moi, Chahine n’est pas le type de médecin qui ne pense qu’à renflouer ses caisses. C’est un homme très avisé, très consciencieux. Jamais il ne se serait engagé à t’opérer s’il ne croyait pas en un pourcentage élevé de réussite. Elle garde le silence, et il se remet à siroter son café. Le crépuscule commence à envahir les lieux. Hasna n’est pas réapparue, et Aïssa non plus. Samir repose sa tasse.
- Alors, raconte-moi comment s’est passée ta journée.
Elle tente de sourire mais ne réussit qu’à afficher une grimace. Sa gorge se noue et elle lance d’une voix étranglée :
- Bien.
- C’est tout ?
- Heu… la journée s’est bien passée.
- À quoi donc as-tu employé ton temps ? À faire le ménage ? La cuisine ?
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