Des Gens et des Faits 39e partie

LA BOURGEOISE

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Yasmina HANANE Publié 16 Janvier 2022 à 14:07

Résumé : Mordjana  ne veut rien révéler à son mari de ce qu’elle venait d’apprendre de son beau-père. Et lorsque Samir lui parle des résultats de ses analyses, elle lui avoue avoir des appréhensions quant à l’intervention, qu’elle est pourtant impatiente de subir. Il la rassure et lui demande de lui raconter sa journée. A-t-elle fait le ménage ou la cuisine ?

Elle secoue la tête.
- Pas vraiment. Dès que tu es parti, j’ai rejoint ta maman ici même dans cette cuisine pour l’aider, mais elle avait déjà préparé le déjeuner et m’avait demandé juste de faire les lits dans la chambre de tes frères et de nettoyer la cour. Voilà tout.
Samir sourit.
- On dirait que maman veut t’éviter les grosses corvées.
- Peut-être, mais je t’assure que je m’ennuie à mourir. Je n’aime pas rester les bras croisés et regarder les autres travailler. Ta mère est allée jusqu’à faire elle-même la vaisselle du déjeuner, alors que j’aurais pu m’en charger. 
Il hausse les épaules.
- Bof… Ton tour viendra plus tôt que tu ne le penses. Ma mère n’est pas encore habituée à ta présence, voilà tout.
Il se tait une minute puis reprend :
- Et papa ? Tu as discuté avec lui ?
Elle s’humecte les lèvres avant de répondre :
- Heu… oui. Nous avons discuté tous les deux alors que ta mère n’était pas encore revenue de ses courses.
- De quoi donc a pu t’entretenir un petit clochard comme mon père ?
Elle tente de prendre un air dégagé pour lancer :
- Oh ! Des choses de la vie. Il m’a parlé de mon père et ma raconté l’anecdote de notre mariage.
- Hum… En somme, il a dû te saouler en ressassant cet événement. Un jeu de poker, un pari, une promesse et le reste. Ce n’était pas un sujet à aborder alors que tu viens à peine de mettre les pieds chez nous.
- Cela ne m’a pas dérangée. Seulement, ton père m’a dévoilé des choses que j’étais loin d’imaginer.
Il fronce les sourcils.
- Des choses ? Ah ! je crois deviner. Il t’a parlé des circonstances de cette promesse et des…
- Pourquoi as-tu consenti à m’épouser, Samir ?
Elle l’avait interrompu, alors qu’il tentait de détourner la conversation. Il a sûrement compris que son père avait vendu la mèche et qu’elle était au courant d’un secret qu’il ne voulait pas lui dévoiler. Il cherche une réponse plausible, mais elle insiste :
- Pourquoi avoir accepté un tel mariage, alors que tu avais une autre femme en vue ?
Il sursaute.
- Qui t’a raconté ça ? Ma mère ? 
Elle secoue la tête.
- Il ne faut pas être trop intelligent pour comprendre qu’un homme aussi bien fait que toi et aussi instruit attendait que ses parents lui désignent son âme sœur.
- C’était peut-être le cas.
Elle secoue encore la tête plus vigoureusement.
- Non, Samir, pas avec moi ces éventualités. Je suis certaine que tu étais en relation avec une femme de ton rang et que tu as dû laisser tomber tous tes projets pour tenter de rectifier le tir et de colmater les failles de ton paternel.
- Mais de quoi parles-tu, petite folle ? 
Il se lève et prend appui sur le potager de la cuisine tout en détournant son regard.
- De quoi parles-tu, Mordjana ? Il est vrai qu’au début j’étais un peu sceptique. Je ne croyais pas en ce mariage. Mais maintenant qu’on est ensemble, je ne regrette pas de t’avoir épousée.
- Oui. Tu es plus rassuré. Ton père ne pourra plus vous faire chanter en ramenant une femme plus jeune à la maison. Tu voulais éviter un choc à ta mère.
- Nonnnnnnnnnnnnnn !
Le cri lui a échappé. La sueur inonde son corps et son visage.
- Pourquoi, Mordjana ? Pourquoi réveiller tous ces démons d’un passé récent ? Certes, le jeu n’a pas été paisible, mais ensuite tout est rentré dans l’ordre. Je m’attendais à rencontrer quelqu’un de pire. Une fille laide, idiote et prête à exécuter toutes les tâches qu’on lui demandera sans rechigner. Une boniche. Une femme à tout faire, qui portera mon nom, mais ne sera jamais mienne. Le pari avait été dur. Mon père s’était engagé avec le sien. Fort heureusement il s’était confié à mon oncle Ali, qui est venu me retrouver pour me demander de tuer son projet dans l’œuf. Ma mère avait assez souffert. Elle est malade et fatiguée. Pourquoi lui rajouter d’autres ennuis ? À son âge, elle doit se reposer et passer paisiblement ses journées. Aïssa, par contre, ne veut pas s’assagir. Je ne sais pas si un jour la vieillesse lui rappellera ses torts, ou c’est la mort qui l’engloutira sans lui laisser le temps de se repentir.
 

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