Des Gens et des Faits 41e partie

LA BOURGEOISE

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Yasmina HANANE Publié 18 Janvier 2022 à 14:21

Résumé : Pris dans les dédales d’une vérité mal assimilée, Samir avoue à sa femme  qu’il voulait la protéger elle-même, car elle était, tout comme lui, la victime des manigances de leurs pères respectifs. Un peu rassurée, Mordjana le quitte pour enfiler un chandail, alors que Hasna fait irruption dans la cuisine et reproche à son fils son attachement à son épouse. Samir lui répond qu’elle devrait en être heureuse.

Elle hoche la tête et soupire.
- Je l’aurais été, n’étaient les circonstances de cette union biscornue. J’ai tant rêvé de célébrer grandiosement ton mariage. Hélas ! Ton père a faussé tous les calculs.
- Peut-être pas tout. Mordjana me plaît. Je ne me plains pas trop de notre union. Cela aurait pu être pire.
- Et Ilhem ? Tu l’as déjà oubliée ?
Il se tait et un pli barre anxieusement son front. Ilhem. Il l’avait aimée. Ils avaient fait tant de projets ensemble. Il soupire et déglutit.
- Je ne pourrais pas l’oublier aussi facilement, tu le sais bien. Mais que pourrais-je faire maintenant que je suis marié. J’ai tenté de lui expliquer subtilement ma situation. Mais elle ne voulait rien comprendre. Elle m’a jeté sa bague au visage et s’est enfuie. Elle ne répond même plus à mes coups de fil.
- Mais cela va de soi, mon fils. Que peux-tu encore lui raconter après lui avoir dit que tu ne pouvais pas l’épouser ? N’oublie pas que cela fait plus de cinq ans que vous êtes ensemble !
- Je sais. Je la comprends amplement. J’aurais tant aimé que nous restions amis. Elle finira bien elle aussi par se marier et fonder une famille.
- Je l’espère bien pour elle. Cependant, un premier amour ne s’enterre pas aussi facilement. Vous étiez si unis depuis de longues années.
- Oui. Et si heureux d’être ensemble. Hélas ! Tous nos projets se sont envolés par la bénédiction de mon cher papa.
Il se verse un grand verre d’eau et le boit d’une seule traite.
- Je tente malgré tout de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Mordjana me plaît. Elle aussi est la victime d’une situation qui n’est pas à son avantage. Je tente de lui faciliter la vie. Elle est intelligente et s’habituera rapidement à nous et à notre style de vie.
Hasna observe son fils à la dérobée, alors qu’elle réchauffe le dîner. Il ne semble pas trop malheureux, mais elle ressent sa détresse. Samir est quelqu’un de sensé. Il a toujours fait face avec tact à des situations qui, pour quelqu’un de son âge, auraient paru insurmontables. 
Elle dresse la table et dépose la corbeille de pain.
- Tu dois avoir faim. Nous allons dîner tous ensemble. Appelle donc ta femme.
- Elle arrive.
Il prend un morceau de pain et se met à l’émietter nerveusement. Hasna suspend son geste :
- Ne joue pas avec le pain, mon fils. Les gens ont payé de leur vie le tribut d’une ration de cet aliment de base.
- Désolé, maman. Je suis un peu nerveux ce soir.
- Je le sais. Je l’ai compris à ton air anxieux.  J’aimerais tant que tu te confies à moi.
- Je n’ai rien à te confier, ma chère maman. Je me sens triste, voilà tout. Mordjana n’y est pour rien. J’aimerais que tu sois un peu plus indulgente avec elle.
- Tiens ! Tu prends déjà sa défense ? Que t’a-t-elle donc raconté sur mon compte ?
- Pas grand-chose. Elle voulait t’aider dans tes besognes.
- C’est fait. Elle a nettoyé la cour et fait les lits de tes frères. Dans l’après-midi, je l’ai surprise à arroser les plantes. C’est une femme qui doit avoir la main verte. Je l’ai reconnu à sa manière de regarder les boutures.
- Alors, que lui reproches-tu, maman ?
Hasna hausse les épaules.
- Ce n’est pas la femme que je voulais pour toi.
- Tu disais la même chose au sujet d’Ilhem au début de nos fiançailles.
- Certes, mais j’ai fini par l’apprécier. Elle au moins est instruite et partageait tes ambitions.
- Mordjana aussi est instruite. Elle n’a pas eu la chance de terminer ses études, mais je vais l’exhorter à suivre une bonne formation.
- Quoi ? 
- Mordjana va suivre une formation, maman. Elle décrochera un diplôme et pourra même travailler si elle le souhaite..
Hasna demeure muette de stupeur.
- Qu’est-ce qui ne va pas, maman ? 
 

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