Des Gens et des Faits 46e partie

LA BOURGEOISE

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Yasmina HANANE Publié 26 Janvier 2022 à 08:37

Résumé : Après l’intervention, on eut du mal à ranimer Mordjana. Cette dernière avait reçu une forte dose d’anesthésiant. En entendant la voix de son mari, elle réussit à ouvrir les yeux et eut la certitude du succès de l’opération. Soulagé, Samir laisse couler ses larmes.  

Mordjana porte la main à sa joue couverte de pansements et il interrompt son geste. 
-Non. Ne touche à rien. Chahine viendra t’expliquer plus tard. D’après ses dires, il a procédé à une ablation de toute la partie atteinte. Une greffe de peau sera donc nécessaire. Mais nous aurons le temps de reparler de tous ses détails quand tu te remettras. 
Il la regarde un moment et remarque son regard triste. 
-Non. Pas de tristesse ma chérie. Le plus gros est passé. On craignait une tumeur ou quelque chose d’incurable. Mais grâce à Dieu, il n’y avait rien de grave. 
Elle le fixe des yeux et il lui tapote l’épaule. 
-Tu te sentiras plus heureuse dans quelques jours. Nous allons faire en sorte de programmer rapidement la prochaine opération. Chahine est formel, le reste n’est plus qu’un jeu d’enfant. Crois-moi Mordjana, je suis tellement heureux pour toi. 
Aucun son ne put sortir de sa bouche. Malgré ses efforts, sa langue refuse de se muer. Elle tente d’expliquer avec des gestes qu’elle n’en doutait pas. 
Il se penche sur elle et l’embrasse. 
-Je sais. Je vais te laisser te reposer maintenant. 
Elle indique son poignet pour lui demander quelle heure il était, et il jette un coup d’œil à sa montre bracelet. 
-Bientôt 23h30. 
Elle porte la main à sa bouche. Elle avait dormi toute une journée ! Il était à peine 10h lorsqu’on l’avait emmenée au bloc. Elle comprenait maintenant le degré d’angoisse qui avait taraudé son mari et les tentatives des réanimateurs pour la réveiller.
Il secoue la tête. 
-Ne pense plus à rien. Tu es là. C’est tout ce qui compte.
Elle lui fait signe de partir. Il avait besoin de repos. Les cernes sous ses yeux n’auguraient rien de bon. Samir a dû passer une nuit blanche la veille. 
-Tu veux te débarrasser de moi ?
Elle fait une moue et il sourit avant de poursuivre d’une voix émue. 
- Eh bien, ce ne sera pas facile pour toi, car je compte passer la nuit ici même dans cette chambre. Je vais juste m’absenter un moment pour aller récupérer quelques affaires à la maison, et tu en profiteras pour te reposer.
Malgré ses nombreux signes de protestation, il tint parole et revint une heure plus tard. À sa demande, Chahine avait fait installer un lit dans la chambre et il demanda un dîner léger, avant de s’y allonger.
Mordjana s’était assoupie. Samir rabat la couverture sur elle et régla le chauffage afin de créer une température douce. Une infirmière vint vérifier les flacons de sang et de sérum, avant de s’esquiver.
Samir prend un journal et se met à lire les grands titres, puis tire la couverture sur lui et s’endort. Vers le milieu de la nuit, il entendit Mordjana gémir. Il se leva alors et lui toucha le front. Sa température lui sembla normale. Il tira une chaise et s’assit à son chevet. Elle faisait sûrement un cauchemar, se dit-il.
Lorsqu’elle se réveilla aux aurores, la jeune femme fut surprise de trouver son mari endormi, la tête reposant à côté d’elle, sur le bord de son lit. Elle tendit sa main et lui caressa les cheveux. Samir avait fait pour elle ce que personne ne pouvait faire. Il lui avait non seulement accordé de l’attention et de l’amour, mais avait tenu à l’aider à reprendre confiance en elle.
Elle ferma les yeux et soupira. Que serait-elle donc devenue dans ce tourbillon d’événements qui s’étaient succédé ces derniers temps, si elle était tombée sur un homme ivrogne, coléreux et sans scrupules ?
Si Samir ne s’était pas sacrifié, elle aurait vécu un réel cauchemar avec Aïssa. Elle porta la main à sa joue endolorie. Son œil lui faisait mal, et des marteaux résonnaient dans son crâne. Pourtant, la douleur physique n’était rien à côté de ce qu’elle avait subi sa vie durant. Non seulement à cause de sa tache de vin, mais surtout à cause de l’ignorance de ses propres parents.
Que de temps perdu à expliquer à sa mère que seuls l’instruction et le savoir étaient les clés d’un monde meilleur. Que ses grossesses répétées ne pouvaient que l’enfoncer davantage dans sa mal-vie. Qu’un irresponsable comme son père ne lui serait d’aucune aide si demain la maladie la rendait plus vulnérable ou invalide. En vain. Ses paroles n’agissaient aucunement sur le cerveau “limité” de sa mère, qui pensait qu’avoir une nombreuse progéniture allait lui permettre de se caler davantage dans le cœur de son mari, et plus tard, d’avoir une famille puissante, dont elle sera fière. Des fabulations qui n’avaient aucun sens avec la réalité. Grands et petits, les enfants avaient souffert du froid, de la faim, de l’inconfort, et surtout d’un profond manque affectif.

 

à suivre

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