Des Gens et des Faits 51e partie et fin

“LE POIDS DES TABOUS...”

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Adila KATIA Publié 15 Janvier 2022 à 14:28

Résumé : Lynda ne sait que faire. Elle a reçu son certificat d’hébergement. Elle peut enfin déposer son dossier afin d’obtenir un visa, mais elle n’est pas pressée de quitter le pays. Elle espère la visite de Lyès. Elle ne quitte pas la maison pendant deux jours. Lyès ne viendra pas. Sa sœur Djamila lui rend visite. Elle veut parler de son frère.

-Ma famille m’envoie pour te prévenir que nous refusons que tu te maries avec Lyès ! Ma cousine est très bien pour lui. Si vous aviez repris avant qu’il ne s’engage avec elle, peut-être qu’on y aurait vu aucun mal, mais les choses étant ce qu’elles sont, tu comprends ? 
-Où est Lyès ? l’interroge Lynda.
-Il est comme fou depuis qu’il t’a revue. Qu’est-ce que tu lui as fait ?
-Rien, je te le jure, dit Lynda qui a envie de pleurer. Alors toute la famille refuse !  Comme si vous en aviez le droit ! Personne ne pense au bonheur de Lyès et au mien !
-Renonces-y, lui conseille Djamila. Cela t’évitera de souffrir toute ta vie ! Si tu l’aimes vraiment, tu abandonnes dès maintenant ! Tu sais que vous n’êtes pas faits l’un pour l’autre !
Lynda se dirige vers la porte et l’ouvre alors que Karima apporte des tasses de thé sur un plateau. Elle fronce les sourcils, ne comprenant pas ce qui se passe.
-Pas tout de suite, lui crie-t-elle. Je ne veux plus jamais te revoir ici ! 
Karima pose le plateau et tente d’intervenir mais Lynda est si furieuse qu’elle pousse Djamila vers la sortie. Elle claque la porte après elle. 
-Mais qu’est ce qui t’arrive ? T’es folle ma parole ! s’écrie Karima. Mais qu’est ce qui t’a pris ? Elle était venue te parler de Lyès…
-Crois-tu que si elle m’avait parlé de mariage je l’aurais mise dehors ? rétorque Lynda. Elle… elle est venue me dire que je dois renoncer à lui !
-Je l’ignorais, je croyais qu’elle venait pour arranger un rendez-vous. D’après ce que j’avais vu, Lyès tient beaucoup à toi. Il ne faut pas en tenir compte. Marie-toi avec lui-même sans leur consentement. Il a son propre appartement, vous n’aurez pas à vivre avec eux !
-Mais il y aura toujours cette guerre froide, soupire Lynda en essuyant ses larmes. Je suis à bout. Je veux vivre en paix avec moi-même, avec ma famille, avec tout le monde, j’ai eu ma dose de souffrance !
-Tu baisses les bras ? Mais on sera toujours là pour te soutenir moralement, insiste Karima.
Celle-ci ignore tout de son passé. Peut-être aurait-elle compris pourquoi elle n’aspire qu’à la paix ? 
-Écoute, je ne veux pas renoncer à lui ! S’il vient ou appelle, rien ni personne ne pourra nous séparer ! Mais s’il ne vient pas, c’est décidé, je pars !
Pas de signe de vie de Lyès, ni d’appel, pendant les jours suivants la visite de Djamila. Lynda devine que sa famille a su lui faire entendre raison. Et elle aussi… Elle reprend le travail, sans joie. Elle n’a plus qu’une envie, partir. Lorsqu’elle obtient son visa, le jour même, elle achète un billet d’avion. Avant de partir, elle ira voir sa famille, au village. Elle a le cœur brisé à jamais en faisant ses adieux. Grâce à sa grand-mère Hadja Taos, elle a obtenu de sa famille leur bénédiction. Tous savent qu’elle va s’installer là-bas et ignorent si elle reviendra un jour. Hadja Taos lui fera promettre de revenir pour elle.
Lynda ne tardera pas en France, elle se rendra en Allemagne pour y étudier. Elle y vit depuis et c’est aussi là-bas qu’elle rencontrera l’homme de sa vie, un Allemand qui n’hésitera pas à embrasser la religion musulmane, à apprendre quelques mots kabyles et à la suivre au village lorsque sa famille lui manque. Hadja Taos, après quelques semaines de maladie, rendra son dernier souffle à l’âge de 93 ans, après l’avoir vue une dernière fois. 
Je remercie Lynda de m’avoir confié son histoire. Une façon pour elle de se rattraper en brisant le silence. Durant des années, elle en a souffert. Elle regrette de ne pas avoir porté plainte. Hélas, les victimes de viol sont nombreuses. Les tabous et les préjugés que véhicule notre société impose le silence aux victimes qui préfèrent digérer dans l’anonymat leur mal que d’en parler. Laissant ainsi leurs bourreaux libres.
Ce silence imposé est un poids pareil à une chape de plomb. Celles qui trouvent assistance psychologique au sein d’association féminine finiront par s’en remettre. Si Lynda n’avait pas eu sa grand-mère, pour confidente et soutien, elle aurait certainement craqué. 
Cette nouvelle est dédiée à toutes celles qui souffrent en silence, en tentant d’étouffer leurs secrets au plus profond d’elles-mêmes.
 

Fin


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