Des Gens et des Faits 6e partie

“LE SERMENT”

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Taos M’HAND Publié 26 Mars 2021 à 20:59

Résumé : Durant le reste du cours, Djamel eut du mal à se concentrer. Il cessa de copier sur son cahier et se mit à dessiner des cœurs. Le professeur le surprit en regardant par-dessus son épaule. À la première sonnerie, il se rua dans le couloir. Il était pressé de retrouver la fille. Une erreur du surveillant lui permettra de gagner du temps et de vite la trouver. Ils portaient le même prénom, à une voyelle près. Ils en rirent, heureux. Le courant passait bien entre eux.

-Alors, bonjour les problèmes, figure-toi que je n’ai pas l’habitude de me bagarrer. Est-ce que tu crois qu’il faut que je commence à m’entraîner ?
Djamila haussa les épaules. 
-Tout dépendra de toi, de ta façon de te comporter avec moi. J’espère qu’ils seront tolérants. Eux aussi ont des petites amies, ils devraient comprendre. Enfin, il faut rester prudents. On ne sait jamais ?
La sonnerie ne leur permettra pas d’échanger davantage, mais ils se promirent de se revoir à midi. Djamel regagna la classe, il en avait fini avec le sentiment de ne plus exister. Il n’en voulait plus à sa famille, il n’en voulait plus à son frère Norredine d’être le préféré et celui en qui on plaçait tous les espoirs. 
Même s’il n’eut pas l’occasion de la revoir à midi, les souvenirs de son regard chaleureux et pétillant, son sourire affectueux rendirent la solitude de sa chambre supportable. À peine rentré à la maison, il s’y enferma. D’habitude, il prenait son goûter avec ses sœurs et les suivait dans leur chambre. Il adorait les entendre papoter chiffon et feuilleton. Il ne se demandait plus ce que son frère avait de plus que lui pour qu’on parle autant de lui. Depuis sa rencontre avec Djamila, il ne se posait plus de questions. Dans le salon, il y avait des visiteurs.
Aujourd’hui, les choses avaient changé pour lui. Il avait besoin de rester seul, de fermer les yeux pour la revoir et entendre sa jolie voix au fond de son cœur. Ce soir-là, il ne souffla pas un mot au dîner. Il toucha à peine au contenu de son assiette. 
-Tu vas bien ?, demanda Meriem, en posant la main sur son bras. Si ça ne te plaît pas, je peux te préparer une omelette ?
-Non, non… Je n’ai pas faim. Je vais me coucher, bon appétit.
-Attends, reviens... Tu n’es pas malade, j’espère !
-Non, je suis seulement fatigué.
Ce n’était pas dans ses habitudes, mais il retourna vite à sa chambre. Cette nuit-là, il ne dormit pas beaucoup. Il n’avait qu’une hâte : être au matin. 
Avant de partir au lycée, il se fit tout beau. Il s’y rendit tôt dans l’espoir de la voir arriver. Les portails du lycée semblaient plus accueillants. 
-Arrête de sourire comme un demeuré, lui dit Zaher qui arrivait à sa hauteur. Qu’est-ce qui t’est arrivé ? 
-Rien, en fait, Cupidon m’a pris pour cible. Depuis qu’elle est entrée dans ma vie, je me sens vivre. C’est la première fois que ça m’arrive. Elle est jolie, non, belle, rectifia-t-il. Zaher, je crois que je l’aime. Le lycée est devenu mon Paradis. C’est le seul endroit où je pourrais la voir. Et encore ! J’espère que ses cousins seront occupés ailleurs. 
-Eh bien ! Mon ami est amoureux ! C’est beau ça, dit l’ami avant de lui proposer, si tu as besoin d’aide et que j’occupe ses cousins, tu n’as qu’un mot à dire.
-Merci mon frère. Je sais que je peux compter sur toi. 
Mais Djamel n’aura pas besoin de lui. Les deux amoureux prirent l’habitude de se voir dans un coin de la cour. Les fois où leurs programmes ne leur permettaient pas de se voir, ils s’échangeaient des lettres. Djamila avait donné un sens à sa vie. Tout avait changé depuis le premier regard échangé.
-Quand nous irons à la fac, nous serons libres de nous voir quand nous en aurons envie. Il n’y aura personne pour nous épier. Nous vivrons notre histoire sans crainte. 
-Mon cher, si nous passons notre temps à nous parler et à nous écrire, c’est sûr que nos moyens en prendront un coup. Nous devons décrocher le bac. Et puis, après, tout dépendra de ma famille. S’ils seront d’accord pour que je poursuive mes études. Mon cœur, ce n’est pas gagné.
Djamel soupira. Dans la région, certaines familles n’envoyaient pas les jeunes filles à la fac, même si elles étaient studieuses et sérieuses. La décision revenait aux pères ou aux frères qui  préféraient les garder à la maison pour éviter qu’elles ne fassent des erreurs qui leur feraient honte devant la famille et les amis. On préférait briser leur envol et les marier alors qu’elles pourraient aller très loin dans leurs études. Djamel priait pour que cela n’arrive pas à sa dulcinée. Il ne supporterait pas d’être séparé d’elle. Quitte à se marier à vingt ans et avant son grand-frère.

 

 


(À SUIVRE)
T. M.

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