Des Gens et des Faits 30e partie

Les flammes de la passion

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Yasmina HANANE Publié 08 Février 2021 à 08:40

Résumé : Nazim s’était découvert des passions insoupçonnables pour la lecture, le cinéma, l’informatique et les arts sous toutes leurs formes. Contrairement à ses débuts, maintenant il ne faisait plus attention aux autres mutilés qui, comme lui, avaient mis leur destin entre les mains du Dr Lyès. Il était dans le jardin lorsque son regard accrocha une femme. 

Elle était assise sur un rocher et admirait les petits poissons qui nageaient dans la grande mare en pierre. Elle passait et repassait sa main sous le jet d’eau qui ruisselait sur des cales assemblées.
La jeune femme portait un chapeau à larges rebords qui cachait la moitié de son visage. Elle avait de très jolies mains fines, aux longs doigts effilés. 
Nazim s’approche d’elle et fait semblant de chercher quelque chose. Il ne savait pas pourquoi il voulait attirer son attention. Mais une chose était sûre. Il voulait savoir ce que faisait cette femme dans cet établissement. Le chapeau cachait sûrement une tragédie. Pourtant elle n’était pas la première femme qu’il rencontrait dans ces lieux.
- Bonjour, lance-t-il dès qu’il fut près d’elle.
Elle sursaute et relève la tête. Son chapeau tombe, et elle s’empresse de le ramasser promptement et de le remettre sur sa tête. Mais Nazim avait eu le temps de remarquer la longue cicatrice qui lui barrait la joue gauche d’une extrémité à une autre.
Les cheveux coupés courts n’arrivaient pas à camoufler cette disgrâce. Mais malgré tout, cette femme était très belle. 
- Excusez-moi. Je vous ai effrayée ?
La femme le regarde avec stupeur. Le jeune homme avait oublié durant quelques secondes qu’il n’avait pas de visage, et qu’à la place de ses traits, il portait des pansements.
Il se reprend et lève instinctivement une main comme pour se protéger. 
- Excusez-moi encore. J’avais oublié que je n’avais pas de visage. Je suis confus. Je voulais juste vous saluer.
La jeune femme se ravise. Elle ébauche un sourire et lance d’une petite voix : 
- Vous ne m’avez pas effrayée. J’étais juste un peu surprise. Moi aussi je suis passée par le scalpel. Je veux dire que moi aussi j’avais un visage mutilé. 
- C’est vrai ? 
Il se racle la gorge
- Cela ne se voit vraiment pas.
Elle porte la main à la cicatrice sur sa joue gauche. 
- J’avais un trou à la place de ma joue, et mon oreille s’était totalement décollée. Mais Dr Lyès avait arrangé tout ça. Vous verrez. Pour vous aussi ce sera la même chose. 
Nazim perdit un peu de son assurance devant cette jolie femme aux grands yeux noirs et au nez retroussé. 
- Je ne sais pas si Dr Lyès pourra me redonner un visage, mais sur vous cela semble bien prendre.
Elle sourit encore. 
- Oui. On peut dire que je reviens de loin. Vous savez, quand vous êtes une femme et que votre visage n’est plus qu’une caricature, cela fait très mal.
- Pour un homme aussi, figurez-vous.
Elle rit, et Nazim sentit ses hésitations le quitter. 
- En tous les cas, vous êtes très belle. Dr Lyès n’a fait que colmater les cicatrices de votre joue.
- Oh non ! Si vous aviez vu dans quel état je suis arrivée dans cette clinique, vous n’auriez jamais cru que j’allais m’en sortir, tant physiquement que mentalement.
- Que racontez-vous là ? Je suis encore plus mutilé que vous. À mon admission, mon visage n’avait rien qui l’indiquait. Je n’avais qu’un amas de chair pendantes et brûlées.
- Vous avez des brûlures au visage ? Un accident ?
- Oui, un accident de voiture. Et pour vous ?
Une tristesse voile les yeux de la jeune femme un moment. 
- Moi aussi j’ai eu un accident. Un accident domestique.
- Le gaz ?
- Non. J’ai fait une chute de mon balcon. Une chute de quatre étages.
- Vous êtes tombée du quatrième étage !
- Je suis tombée du quatrième étage et j’ai atterri sur le toit d’un fourgon. C’est ce qui a amorti ma chute.

 


(À SUIVRE)
 Y. H.

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