Des Gens et des Faits 32e partie

Les flammes de la passion

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Yasmina HANANE Publié 10 Février 2021 à 08:49

Résumé : Nazim fait connaissance avec Nedjma. Il craignait de lui faire peur, mais cette dernière lui assura qu’elle était elle-même passée par une étape comme la sienne. Une chute de quatre étages l’avait non seulement défigurée, mais avait aussi laissé de profondes séquelles physiques et morales. La jeune femme boitait, car une de ses jambes était plus courte que l’autre. Nazim est tout remué. 

Ils se rendent au foyer où déjeunent déjà la plupart des résidents de la clinique. Nazim s’installe à sa table habituelle et invite Nedjma à y prendre place. Ils discutent de tout et de rien. Nazim tente de retenir la jeune femme plus longtemps, mais elle semble préoccupée et s’empresse de se lever :
- Je dois vous laisser; j’ai une séance de massage dans un quart d’heure. Merci de m’avoir tenu compagnie, c’était très sympa de votre part.
Nazim se lève à son tour :
- Attendez, ne partez pas comme ça. Heu… J’aimerais avoir vos coordonnées. Nous… Nous pourrions devenir amis. N’est-ce pas que dans le malheur les êtres se rapprochent davantage ?
Nedjma hoche la tête :
- C’est ce qu’on dit, mais comme je viens deux fois par semaine dans cet établissement, il n’est nul besoin pour nous d’échanger nos coordonnées. Nous pourrions nous revoir facilement  tous les samedis et les mercredis.
- Parfait. Je m’y ferai alors à ces rendez-vous. Vous… Vous pouvez par contre me retrouver soit dans le jardin, soit dans ma chambre. Je vais me faire opérer dans quelques jours. On me prépare à un second passage sur le billard. 
- Alors, le jour où je ne vous verrai pas dans le jardin, je déduirai que vous êtes alité.
- Très bien. Je serai heureux de vous revoir, Nedjma.
- Moi aussi, Nazim. Ce fut un agréable moment, ce déjeuner.
Elle s’éloigne en clopinant, et le jeune homme la suit des yeux. Il veut la rappeler. Il tend son bras, puis le laisse retomber. À quoi cela servira t-il ? Cette femme ne veut rien dévoiler de sa vie. Pas encore, en tout cas. Elle n’a pas posé trop de questions sur la sienne, non plus. Est-ce de l’hésitation, ou bien le moment est-il mal choisi ? Certes, ils viennent à peine de se rencontrer, mais Nazim a l’impression de la connaître depuis une éternité. 
Il se passe une main sur la tête et se dit que la solitude devait lui peser, plus qu’il ne le pensait. Deux jours plus tard, le docteur Lyès revient le voir pour lui annoncer qu’il est programmé pour sa deuxième “séance”. Cette fois-ci, une greffe de la peau serait nécessaire afin de colmater le creux du menton et le cou. 
Les tissus adipeux qu’ils allaient prélever serviront aussi à regonfler le pourtour des lèvres.
Nazim écoute les explications du médecin calmement. Cette fois-ci, le scalpel ne lui fait pas peur. Il a repris beaucoup de son assurance et ne compte pas lâcher prise de sitôt.
Il certifie au médecin qu’il est prêt à tout ce qu’il pouvait envisager pour lui. La seule chose qui le préoccupe encore est le temps que mettrait ce nouveau visage dont on lui faisait les éloges pour prendre forme.
Le médecin le rassure encore. Tout prendra forme en temps voulu. La patience est toujours  récompensée.
Il lui avait présenté des opérés qui passaient de temps à autre dans son service. Des opérés qui, comme lui, étaient passés par l’enfer. Nazim a écouté leur récit et senti leur désespoir, mais aussi leur bonheur d’avoir retrouvé un visage comme les autres. Un “titre” pour leur corps et leur âme.
Quelques-uns d’entre eux lui avouèrent qu’ils n’avaient jamais cru en la chirurgie esthétique. Leurs blessures étaient trop profondes pour se cicatriser, mais à chaque cas son remède. Et le meilleur allié était la patience.
Nazim retrouve Nedjma au jardin le samedi suivant. Cela fait déjà plus de deux semaines qu’ils se connaissent, et ils s’étaient découvert beaucoup d’affinités.
- Je vais me faire opérer dans une quinzaine de jours. En premier lieu, on va procéder à un prélèvement de peau.
- Je sais tout cela. Tu oublies que j’ai déjà subi toutes ces opérations.
- Je n’oublie rien. Je voulais juste te prévenir.
- Même si tu ne m’avais pas prévenu, je l’aurais su. Le Dr Lyès me l’aurait dit. 
Nazim l’interroge des yeux. Elle poursuit :
- Le Dr Lyès me parle beaucoup de toi. Il a dû nous surprendre ensemble lors de nos promenades dans le jardin. Il a une grande estime pour toi, Nazim, et espère te redonner ce visage dont tu rêves.
- Que te raconte donc le Dr Lyès ? Il ne devrait  pas trop t’embêter par de telles considérations ?
- Cela ne m’embête pas du tout. Au contraire, j’aime beaucoup l’entendre parler de ses patients. Le Dr Lyès est un passionné. Il adore son métier et ne lésine sur aucun effort pour réussir dans ses tentatives, fort nombreuses d’ailleurs, de recoller les débris ramassés sur les sillages de l’existence. C’est un homme de grand cœur. Un homme qui ne vit que pour son métier et sa famille.
- Je sais qu’il et passionné de son métier. Tu ne m’apprends rien là-dessus, Nedjma, mais ce médecin, ce faiseur de miracles est seul ! Ne ressens-tu pas donc sa solitude ?

 

 

(À SUIVRE)
 Y. H.

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