Des Gens et des Faits 18e partie

LES VOIES DE L’AMOUR

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Yasmina HANANE Publié 21 Avril 2021 à 00:35

Résumé : Nous sommes introduits dans la maison de notre hôte qui semble content de nous recevoir. Il évoque pour nous les souvenirs du passé. Il avait connu nos grands-parents et se rappelait bien de Mama et de son caractère autoritaire. Djamil esquive cette conversation, en revenant au sujet initial de notre visite : Fatten Alibey.

Mohamed Asil Azmi sourit.   
- Oui. Fatty était quelqu’un de bien. Il a vadrouillé, tout comme votre grand-père et moi, à travers le monde, et puis il a fini par s’installer à Istanbul et à se lancer dans les affaires. Sa fortune est colossale. Et comme il n’a plus aucun parent dans ce monde, il a lancé une dernière tentative pour renouer avec la famille de Ziya. Vous tous. Heu…Bien sûr vous ne le connaissez pas et même vos parents n’ont pas eu le loisir de le rencontrer, ou peut-être très rarement…
- Ma mère a seulement entendu parler de lui, dis-je entre deux gorgées de thé à la menthe. Elle se rappelle de certaines conversations qu’elle surprenait à son sujet entre ses parents. Elle savait que Fatty était un cousin de la famille. Oncle Wahid, par contre, semble avoir gardé en mémoire de vagues souvenirs de cet homme. 
- C’est dommage. Mais moi, je me rappelle bien de ta mère, de Keltoum et de Wahid. Un jour que j’étais de passage à Alger, et au retour d’un voyage en Asie, je suis passé à la maison pour saluer Ziya. Il avait pris de l’âge et paraissait fatigué. C’est à cette époque qu’il m’a présenté ses enfants. Ils étaient encore très jeunes, mais Wahid doit se rappeler de moi, car c’est lui qui m’avait raccompagné jusqu’au portail à la fin de ma visite.
Djamil se racle la gorge.
- Heu… Je ne sais pas si ce Fatty se rendait compte qu’il avait amassé une fortune que l’État risquait de reprendre à sa mort.
- Il le savait. Il était assez perspicace dans ses prérogatives. C’est pour cela qu’il avait prévu un testament au profit de votre famille.
- Il a vécu en solitaire durant de longues années. N’avait-il jamais songé à se marier ?
Le notaire hoche la tête d’un air désolé.
- Il ne pouvait se résoudre à prendre femme, alors que celle qui avait fait vibrer son cœur était déjà mariée et mère de famille.
- Il avait quand même aimé une femme.
- Oui, mais c’était un amour impossible. Un amour secret. Un sentiment qu’il cachait dans son cœur. Bien plus tard, alors qu’il était revenu en Turquie et qu’on commençait à se voir régulièrement, il s’était confié à moi.
- C’était une Turque ?
- D’origine, oui, mais elle est née et a vécu en Algérie toute sa vie.
- Connaissait-elle notre famille ?
- Et même trop bien.
- C’était qui ?
- Aziza, votre grand-mère !
Je demeure ébahie un moment, avant de déposer la tasse qui tremblait dans mes mains. Djamil demeure muet de stupéfaction. Un silence plane entre nous un moment. Le muezzin appelle cette fois-ci à la prière d’el-aïcha, et sa voix emplit les lieux. 
Je reprends mes esprits et demande :
- Fatty était amoureux de grand-mère ?
Le notaire hoche la tête.
- Tout à fait. Il m’avait confié que cet amour le rendait triste et malade. Il avait honte d’être épris de la femme d’un cousin qu’il affectionnait tellement. Heu... Je crois qu’il avait aussi un lien de famille avec elle.
- Les grands-parents étaient cousins. Cela n’avait rien d’anormal. Mais je n’arrive pas encore à croire que cet homme…
Je ne peux poursuivre ma phrase, et le notaire pose une main sur mon épaule.
- Je comprends votre surprise. D’autant plus que votre grand-père adorait sa femme et faisait tout pour la rendre heureuse.
- Ils ont vécu très heureux. Heu… Mon grand-père ne connaissait rien de cette histoire, bien sûr.
- Absolument pas. Je vous disais que Fatty ne s’était confié à moi que bien plus tard, alors que votre grand-père était déjà décédé et que lui-même avait atteint le grand âge.
Djamil se racle la gorge.
- Nous allons garder ce secret entre nous, M. Azmi. Je n’aimerais pas que quelqu’un d’autre apprenne quoi que ce soit sur les sentiments de cet homme envers ma grand-mère.
- Si vous y tenez, je n’y vois aucun inconvénient. 
- Nous vous serions reconnaissants. Heu…Tante Nafissa nous avait plutôt 
raconté une autre histoire à son sujet. Elle… Elle avait entendu dire qu’il voulait épouser une Égyptienne, mais que sa famille s’y était opposée.
Le notaire hausse les épaules. 
- Peut-être que Fatty racontait cette version pour détourner l’attention sur ses sentiments envers votre grand-mère. Mais je suis formel là-dessus : cet homme n’avait eu qu’un seul amour dans sa vie : Aziza.
Tout comme moi, Djamil demeure un moment sans voix. Nous nous regardions, puis Azmi interrompt notre silence :
- Vous êtes surpris. C’est compréhensible.
Vous pouvez dire que vous vous attendiez à autre chose. Cette histoire de sentiments ne devait pas vous concerner. Je le conçois, mais c’était évident. Je me devais de vous confier certains secrets de famille.
Djamil pousse un soupir avant de revenir au sujet de notre visite. 
- Nous sommes là pour le testament. Je... j’ai une procuration de mon père pour prendre connaissance des documents officiels des legs de ce cousin. Heu… Je suis avocat de formation. Je connais les lois en vigueur dans le pays. J’ai même été jusqu’à me documenter afin qu’il n’y ait aucune anomalie ou incompréhension entre nous.
- Ah ! Très bien. Nous parlons le même langage alors.
Il se lève.
- Tous les documents sont dans mon bureau. Veuillez patienter quelques 
minutes.

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