Des Gens et des Faits 34e partie

LES VOIES DE L’AMOUR

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Yasmina HANANE Publié 10 Mai 2021 à 18:09

Résumé : Zeliha quitte Ziya et se retrouve sur la route de l’aéroport. Fatten l’attend à Istanbul. Il n’a pas l’air très heureux de la revoir et s’éclipse après l’avoir déposée chez elle. Elle le comprend fort bien. Il vient de revoir Aziza, et cela a suffi à raviver les blessures de son âme.

Fatten dépose mes bagages sur le seuil de la porte de mon appartement avant de me saluer et de partir, tout en me promettant de me contacter plus tard.
Je reprends mon train-train quotidien. La vie me paraissait de plus en plus insignifiante alors que je repensais au bonheur d’Aziza. Ma cousine avait tout pour être heureuse et comblée. Un mari aussi beau qu’un prince, de beaux enfants, une belle fortune, une belle maison… Et moi ? Qu’ai-je donc ?
Certes, je ne me sentais pas trop seule à Istanbul. J’avais auprès de moi mes parents, ma famille, des amis, des relations… Je voyageais aussi souvent que le nécessitaient mes affaires et je gagnais sur tous les bords. Je maîtrisais mon travail, et le rendement n’en était que meilleur. L’argent affluait. D’autres investissements furent tout de suite prévus par Fatten et Ziya. Plus on investissait, plus cela marchait.
Maintenant je possédais ma propre voiture, un compte bancaire solide, une garde-robe et des bijoux à faire pâlir d’envie plus d’une femme. Bref, j’avais tout ce dont le commun des mortels pouvait rêver, sauf l’amour. Et là, c’était le grand trou pour moi.
J’étais amoureuse, folle éprise d’un homme pour qui je n’étais qu’une relation professionnelle. Tout au plus, une cousine par alliance, qu’il rencontrait de temps à autre lors d’un événement ou d’une mission de travail. Même ses invitations au restaurant, ou au cinéma, n’étaient pour moi qu’une “formule” de politesse.
Ziya avait du savoir-vivre et savait se comporter en société. C’était un homme de grande classe, dont les bonnes manières ne laissaient personne indifférent.
Une année après la naissance de Nafissa, alors que je m’apprêtais à partir en Italie pour traiter un achat de tissus de luxe avec un grossiste, Ziya m’appelle pour me demander de me rendre en Algérie. Aziza venait de faire une fausse couche et ne cessait de me réclamer.
Une fausse couche ? Encore un accident de parcours ?
Mais Ziya n’avait pas l’air de vouloir plaisanter. 
Je prends le jour même le vol vers Alger. Aziza était alitée. Elle avait les traits tirés, les lèvres sèches et les joues creuses. Un vrai cadavre ! Que s’était-il donc passé ? À ma vue, elle se redresse et m’ouvre les bras. Je cours la serrer contre moi, alors qu’elle éclate en sanglots. La perte du bébé a sûrement dû l’affecter. Elle pleure à fondre l’âme, puis, reprenant ses esprits, se mouche et passe un peu d’eau sur ses yeux enflés et rougis, avant de me demander de prendre une chaise et de m’asseoir à son chevet. Wahid et Keltoum, qui venaient de se réveiller, vinrent tout de suite se blottir dans mes bras. Wahid avait beaucoup grandi. Tout le portrait de son père, et Keltoum était une vraie Kukla (poupée), comme disent les Grecs. Aziza demande du thé et quelques pâtisseries pour moi, alors qu’elle-même n’avait pas mangé depuis des jours. Elle tente de se disculper pour me dire qu’elle n’avait pas d’appétit et que tout ce qu’elle avalait lui restait sur l’estomac, mais je compris à son air que le chagrin l’avait anéantie. Des doutes me submergèrent. Aziza n’était enceinte que d’un mois et quelques jours. Une fausse couche à ce stade ne pouvait pas trop affecter une femme qui avait déjà trois beaux enfants. La petite Nafissa était adorable dans sa robe en mousseline rose, et ses cheveux aussi blonds que des épis de blé ondulaient sur son crâne. Elle était encore allaitée au sein, et Aziza la serrait sans cesse contre elle, comme si elle cherchait une consolation.
- Es-tu sûre d’avoir fait une fausse couche, Aziza ? N’était-ce pas juste une erreur de calcul ? Un petit retard de cycle dû au surmenage ?
Elle prend une longue inspiration avant de répondre :
- Je suis tombée enceinte. Je… Je ne prenais plus de contraceptifs.
- Tu voulais donc avoir cet enfant ?
Elle secoue la tête.
- Non, pas vraiment. Je suis assez lessivée avec trois enfants en bas âge.
- Ziya a toujours voulu une famille nombreuse. A-t-il mal pris ta fausse couche ?
Elle secoue de nouveau la tête.
- Mais non ! Il n’était même pas au courant de la grossesse. Je n’étais pas du tout sûre de mon état, jusqu’à cette fausse couche. C’est arrivé il y a deux jours. Alors que je soulevais Nafissa dans mes bras, j’ai senti une douleur déchirer mon dos et mes ovaires. La douleur augmentait de minute en minute, si bien que Ziya me trouva pliée en deux à son retour vers la mi-journée. Il appelle alors un médecin qui confirmera la fausse couche et me prescrira un repos absolu au lit et des médicaments.
Je lui serre le bras :
- Ce n’est rien, Aziza. Tu es encore jeune, et il n’était pas écrit que cet enfant vienne au monde. Tu pourras en avoir d’autres très facilement et…
Elle lève une main.
- Mais ce n’est pas la fausse couche qui m’a rendue aussi malheureuse…

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