Des Gens et des Faits 54e partie

LES VOIES DE L’AMOUR

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Yasmina HANANE Publié 04 Juin 2021 à 20:34

Résumé :  En rentrant à Paris, Zeliha découvre que son mari s’adonnait à l’alcool. Il rentrait de plus en plus tard et de plus en plus ivre. Les affaires s’en trouvaient affectées. Elle décide de reprendre le travail pour redresser la situation. Un jour, n’en pouvant plus, elle contacte une clinique spécialisée pour faire suivre à Ziya une cure de désintoxication.

Tout semblait aller pour le mieux, n’étaient les sommes faramineuses que Ziya avait dépensées dans les bars et les cabarets. Il était temps de remettre les pendules à l’heure, en demandant aux clients de payer leurs arriérés et en économisant sur certaines dépenses routinières.
Je réussis tant bien que mal à reprendre les rênes, alors que mon mari se reposait.
Il n’était pas mécontent de constater à son retour que les affaires n’avaient pas trop souffert de son absence. Mais il était toujours triste et chagriné. La perte de Mohamed-Ali l’avait affecté plus que je ne le pensais.
Au bout de quelque temps, il vendit ses actions et brada ses affaires pour 
rentrer en Algérie. Paris évoquait de mauvais souvenirs pour lui, et il ressentait de plus en plus le besoin de se retrouver en famille.
Ses enfants lui manquaient, et Aziza aussi. Je l’avais compris. Je l’exhortais donc à retourner auprès d’eux. 
- Et toi, Zeliha ? me demande-t-il l’œil morne et l’air abattu. Que vas-tu faire ? Resteras-tu ici à Paris ou bien préfères-tu rentrer à Istanbul ?
Je n’en savais encore rien. Je ne pouvais l’accompagner en Algérie où Aziza aurait vite fait de découvrir le pot aux roses et, dans de telles circonstances, je ne sais pas ce qui pouvait se passer. Rester seule à Paris aussi ne m’enchantait pas. Je risquais de sombrer encore dans la mélancolie et de retomber dans le piège des psychotropes.
Alors je pris la meilleure décision qui se présentait et rentrais chez mes parents à Istanbul, où je voulais ouvrir une agence d’import-export. Ziya me proposa de vendre l’appartement d’Istanbul et la villa de Paris afin de concrétiser mon projet.
Un placement judicieux me permettra de vivre à l’aise durant de longues années, alors que Ziya avait relancé ses affaires en Algérie et était heureux de vivre désormais avec sa petite famille. Mais il ne m’avait jamais oubliée. J’étais encore sa femme et la mère de cet enfant qui l’avait rendu tant heureux.
À chaque fois qu’il venait en Turquie, il ne manquait pas de me rendre visite et de me faire sortir.
Il me noyait sous les cadeaux, s’assurait de mon confort, et lorsque ses affaires le lui permettaient, m’emmenait en voyage.
J’aimais encore mon mari, et malgré l’éloignement je ne me sentais pas trop affectée. Je comprenais toute la situation et étais heureuse de constater qu’il avait repris pied et tenait maintenant le gouvernail de sa famille d’une main ferme. Et Aziza ?
Il me parlait d’elle souvent. Elle avait demandé à maintes reprises de mes nouvelles, et il s’était empressé de la rassurer en lui disant que j’avais lancé des affaires en Turquie et que je vivais très bien auprès de ma famille.
D’ailleurs, il lui confia qu’il me rencontrait de temps à autre lors de ses voyages et qu’à chaque fois je demandais moi aussi de ses nouvelles. Elle sera pourtant étonnée de mon silence qui, à son avis, n’était ni habituel ni normal. Mais Ziya avait réponse à tout. À chaque fois qu’elle m’évoquait, il esquivait habilement le sujet.
La vie continuait. Je voyageais moi aussi beaucoup, rencontrais des gens importants, et un jour je pus me relancer à mon tour dans les affaires. Cette fois-ci, mon expérience était assez affûtée pour me permettre de monter rapidement les échelons du succès et réinvestir mes bénéfices dans des domaines très juteux.
À maintes occasions, je rencontrais Fatty, qui ne manquait jamais de venir me saluer. Il savait que nous vivions pratiquement séparés, moi et Ziya, et s’en trouvera désolé encore une fois pour moi.
Lui, par contre, était encore célibataire et fier de l’être. Aucune femme n’avait pu lui mettre le grappin dessus. Après des années de dur labeur, il avait réussi à amasser une fortune colossale. Seulement, il savait qu’à sa mort tous ses biens iront enrichir les caisses de l’État, car il n’avait pas d’héritier. Un jour il m’en touchera un mot, et je lui suggérai d’établir un testament. Ziya avait des enfants, lui dis-je, et comme ils sont aussi des enfants d’Aziza, sa bien-aimée, il  pourra songer à leur laisser tout ce qu’il possédait.
Il me prit au mot et alla dès le lendemain voir son homme de loi. C’est ainsi qu’il avait pu léguer toute sa fortune à vos parents, mes chers petits. Voilà tout le récit. J’espère que je ne vous ai pas trop ennuyés avec tous ces 
racontars.
Nous revenons sur terre !
Djamil et moi avions vécu hors du temps ! C’était l’impression qu’on avait ressentie, car il faisait déjà nuit, et nous étions restés accrochés aux lèvres de Zeliha, qui nous a abreuvés de son récit.
Je n’arrivais pas encore à croire qu’elle était la seconde femme de notre grand-père et que, paradoxalement, le secret a été bien gardé. Aziza, notre grand-mère, malgré sa curiosité maladive, ne l’avait jamais découvert.
- Incroyable !
Le mot avait échappé des lèvres de Djamil.
Je sursaute, avant de lancer de mon côté :
- Je n’arrive pas à croire que vous étiez mariée à notre grand-père, tante 
Zeliha !

 


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