Des Gens et des Faits 13e partie

MERIEM

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Yasmina HANANE Publié 30 Juin 2021 à 08:50

Résumé : Tassadit pose ses conditions, Aïssa les accepte. Le mariage aura lieu quelques semaines plus tard, lorsque le jeune homme put enfin offrir un toit à son épouse qui continuera à travailler chez ses bienfaiteurs, alors qu’avec le temps, lui-même deviendra un habile négociant.

Ma maison devint vite un repère pour les négociants. Des commerçants et des passagers vinrent me trouver pour me proposer de troquer leurs marchandises, ou de conclure des marchés avec les villageois.
Une année passe. Hemama était de nouveau enceinte et attendait son troisième enfant. Tassadit s’inquiétait pour elle. Elle ne cessait de me répéter qu’elle était trop faible pour mener sa grossesse à terme. Kaci était rentré de France durant l’été et était reparti. 
C’était donc ma femme qui s’occupait encore d’elle. Tassadit désertait mon foyer pour passer ses nuits auprès de Hemama. Elle craignait que quelque chose arrivât si elle ne l’assistait pas. 
Pourtant, la jeune femme était courageuse et s’accrochait autant qu’elle le pouvait. Elle mena sa grossesse jusqu’au bout, et le moment de sa délivrance arriva enfin. Tassadit fera appel à la vieille accoucheuse du village. Mais les heures passaient et le bébé tardait à venir. Hemama était trop faible pour mettre au monde son enfant. On était en pleine nuit et trop loin de la ville pour penser à ramener un médecin. Vers l’aube, la jeune parturiente donnera le jour à un petit garçon, en contrepartie elle rendra l’âme. 
Au petit matin, Tassadit, abattue, vint m’annoncer la triste nouvelle. Je descendis au village pour envoyer un télégramme à Kaci, qui n’arrivera que trois jours plus tard, alors qu’on avait déjà enterré la jeune femme. Il pleura amèrement la perte de son épouse et s’apitoiera sur le sort de ses enfants. 
On le consolera, et on lui conseillera de repartir en France pour reprendre son travail et assurer le pain de ces derniers. Il passa quelques jours au village, et à la veille de son retour en France, il vint nous retrouver moi et Tassadit pour nous supplier de prendre soin de ses enfants jusqu'à ce qu’il y voie plus clair dans ses affaires. Nous ne pouvions refuser de venir en aide à un être déjà brisé par ce qu’il venait de subir. 
Je le rassurai sur le sort des enfants, et l’exhortai à reprendre le chemin de l’exil. Ici au bled, ses enfants ne manqueront de rien. Nous lui promîmes d’en prendre soin comme s’ils étaient les nôtres, moi et Tassadit. D’ailleurs, habitués à elle comme ils l’étaient, les deux aînés, Aïcha et Saïd ne quittaient plus ses jupons. Celui qui me faisait plus de peine était Malek, le benjamin. Il n’avait que quelques jours et pleurait sans arrêt. 
Quelques jeunes accouchées au village s’étaient proposées pour l’allaiter. Néanmoins, il ne cessait pas ses pleurs. Tassadit lui préparera alors un semblant de confiture constituée de miel et de cumin, qu’il sembla apprécier. Elle m’expliqua que le bébé souffrait de coliques, et ce “remède” était très efficace dans son cas. 
Quelques mois passent. Le bébé avait grandi et prenait du poids. Kaci ne donnait pas signe de vie. Nous continuâmes à nous occuper des enfants, comme si de rien n’était. Nous n’osions même pas aborder le sujet de leur père. En fait, nous craignions plutôt qu’il ne revienne et qu’il nous les reprenne.
Quelques émigrés de passage au village nous révélèrent que Kaci ne travaillait plus. Il passait son temps dans les bars et dépensait toutes ses économies. On l’avait déjà ramassé plusieurs fois, ivre mort, sur les trottoirs de Paris, et même sa logeuse avait fini par le mettre à la porte.
Je compris que le pauvre homme était perdu. Le chagrin l’avait anéanti. Sinon, comment expliquer ce comportement qui ne l’honorait pas.
Je tentai de lui envoyer un mot avec un villageois qui le connaissait bien. Je lui demandai de rentrer pour trouver du réconfort au bled auprès des siens. Nous étions prêts à le recevoir chez nous, où il pourra retrouver ses enfants.
Je ne reçus aucune réponse à ma missive. Kaci continuait à faire tous les soirs des siennes. Des mois plus tard, on retrouvera son corps dans la Seine. Était-il tombé, après s’être saoulé ? Ou bien était-ce un crime ? 

À SUIVRE 

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