Des Gens et des Faits 105e partie

MERIEM

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Yasmina HANANE Publié 18 Octobre 2021 à 09:24

Résumé : Meriem se balade en ville et achète de la zalabia. Hakim la taquine. Mais la nostalgie est une autre affaire. Le jeune homme lui parle de Taos qui vieillit et qui n’arrive plus à gérer leurs biens. Omar est au Canada, et lui rêve de la rejoindre en France. Qui va donc s’occuper de sa mère ?

Hakim est indigné.
- Ma mère ne voudra jamais quitter le village et la ferme. Elle y est née et probablement y mourra. Tu ne veux tout de même pas que je mette le holà sur mes projets pour demeurer éternellement dans ses jupons !
- Ne dis pas ça, Hakim. Tu as de la chance d’avoir encore ta mère. Une femme comme tante Taos, on ne la rencontre pas tous les jours. Elle est intelligente, affectueuse et très ouverte d’esprit. Une autre à sa place n’aurait pas hésité à brader l’avenir de ses enfants pour les envoyer trimer ailleurs et lui ramener de l’argent. Estime-toi donc heureux d’avoir fait des études et de n’avoir manqué de rien durant toutes ces années où tu ne pouvais même pas te permettre l’achat d’un pantalon. Bien sûr, on ne le ressent pas tout de suite, mais je t’assure que la vie n’est pas aussi facile qu’on le pense. Ici, au bled, on se contente de peu, mais ailleurs, c’est le train infernal de la course contre la montre. Les gens ne savent plus à quel saint se vouer pour s’assurer une vie confortable. Ils oublient de vivre et passent leur temps à compter un argent durement gagné, qui parfois ne leur apporte que souffrance et désolation.
Hakim se tourne vers elle, les sourcils foncés.
- Ma parole, tu parles comme une vieille femme, Meriem.
- Prends-le comme tu veux. Je vis en France depuis plus de quinze ans et je sais de quoi je parle. Nos émigrés mangent à peine à leur faim l’année durant, pour venir en vacances au bled avec plein de valises et des cadeaux pour tout le monde. Tu crois que c’est une vie ? On se prive de tout et souvent on passe la nuit avec l’estomac qui gargouille pour payer le billet d’avion et faire quelques folies. Puis, il y a l’autre facette de l’égocentrisme qui émerge, dès qu’on met les pieds au bled. On tente de démontrer qu’on mène une vie de rêve sous d’autres cieux. On exhibe ses meilleurs atouts et on compare sa réussite avec force sourire et sous-entendus, afin d’épater la famille et l’entourage. Faux ! C’est faux, Hakim. Papa a trimé dur le long de ses années d’exil, avant de pouvoir souffler. Et encore, je dirais que c’est juste sa fierté qui l’a retenu. À maintes reprises, je l’ai surpris en train de verser des larmes de regret. Bien entendu, je n’ai jamais essayé d’aborder le sujet avec lui, mais je sais que souvent il avait passé des nuits blanches en pensant à des lendemains incertains en France. Nous rendons grâce à Dieu, Qui nous a permis de tenir et de pouvoir enfin respirer d’aise, maintenant que j’ai mon diplôme en main et que Aïssa suit ses études sans trop de problèmes.
- Oui, je pense que maintenant tu pourras tomber sur un bon boulot et décharger un peu ammi Amar.
Elle secoue la tête.
- Non, pas encore. Je dois avant tout suivre quelques stages de perfectionnement pour affûter mes armes. Peut-être aussi voyager un peu à travers le monde pour approfondir mes connaissances.
Hakim garde le silence un moment avant de lancer :
- Tu penses un peu à moi, Meriem ?
Elle fronce les sourcils.
-Bien sûr. Pourquoi cette question ?
Il hausse les épaules.
- C’est une simple question. Je voulais juste savoir si tu partageais mes sentiments.
- Tes sentiments ?
- Oui. Je nourris de profonds sentiments envers toi depuis toujours, Meriem. Je ne suis pas encore prêt à fonder un foyer, mais à chaque fois que j’y pense, c’est ton image qui s’affiche devant mes yeux. 
Un peu embarrassée, Meriem ne répond pas. Hakim poursuit :
- J’ai encore quelques années à tirer avant de me stabiliser. Je vais bientôt décrocher mon diplôme d’ingénieur en informatique. Je compte faire de la recherche. Quelqu’un m’a proposé un poste d’enseignant dans un institut. Mais j’ai encore un tas de choses à régler avant d’accepter de travailler à plein temps. Pour le moment, je donne parfois quelques cours ou assure des vacations dans des écoles privées. Cela me permet d’être financièrement indépendant. Je ne pourrais compter indéfiniment sur ma chère maman. Comme tu le disais, elle s’est déjà assez sacrifiée pour nous.

 


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