Économie Kamel Moula, président sortant du CEIMI

“Le patronat doit être une force d’accompagnement à la transition économique”

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Ali TITOUCHE Publié 01 Juillet 2021 à 09:11

© D.R.
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Dans cette interview, Kamel Moula, DG des Laboratoires Venus, revient sur ses sept ans à la tête du Club des entrepreneurs et des industriels de la Mitidja (Ceimi), dont il est devenu président en 2014. Il a été ensuite réélu pour un second mandat en 2017. Kamel Moula fait le bilan de ses deux mandats à la tête du Ceimi et analyse, par la même occasion, le contexte que traverse actuellement l’entreprise algérienne. Le président sortant du Ceimi croit dur comme fer que le pays dispose d’importants gisements de croissance, pour peu que les énergies soient libérées afin de sortir d’une économie sous influence bureaucratique et s’ouvrir à une relation de confiance avec les opérateurs économiques.

Liberté : Vous bouclez votre deuxième mandat à la tête du Ceimi. Quel bilan faites-vous de vos principales actions en tant que président de cette organisation patronale ?
Kamel Moula :
Un bilan globalement positif compte tenu du contexte et des circonstances. Le Ceimi a engrangé quelques réussites notoires dont je suis particulièrement heureux parce qu’elles sont le résultat d’un travail collectif. La liste des actions est très longue, mais je peux vous décliner au moins trois actions importantes. Je pense en particulier à l’École de plasturgie dont va sortir la première promotion de techniciens en septembre prochain. 
Ce projet a demandé beaucoup d’énergie et de détermination pour voir le jour. Il représente la participation du Ceimi à la lutte contre le chômage des jeunes. La professionnalisation a un double objectif, celui d’assurer la sécurité professionnelle, mais également de répondre aux besoins de compétitivité de nos entreprises. Nous avons également bien évolué en matière de lutte contre la bureaucratie, qui est un frein énorme au développement. Nous avons innové en proposant la mise en place d’une commission de wilaya réunissant directeurs de l’exécutif et chefs d’entreprises pour trouver des solutions aux difficultés bureaucratiques rencontrées par les entreprises. Je suis ravi de voir que cette idée a fait son chemin, puisque le président de la République a instruit pour que ces commissions se réunissent dans toutes les wilayas sous l’autorité des walis. L’autre action importante porte également sur la création d’un pôle de compétitivité agroalimentaire de la Mitidja qui réunit les agriculteurs, les industriels du secteur, les chercheurs et les financeurs pour trouver des solutions en matière de sécurité alimentaire, et réduire à terme la facture des importations. D’ores et déjà, nous avons défini deux axes stratégiques. Il s’agit, en premier lieu, de l’optimisation de la filière fruits et légumes de la terre à l’assiette à travers le développement et la régulation de la filière tomate industrielle pour auto-suffire le marché en concentré de tomates, ainsi que le développement de la production d’agrumes dédiés à la transformation en pulpes et concentrés. Le second axe porte sur le renforcement de la filière blé dur de la fourche à la fourchette à travers l’augmentation du rendement à l’hectare de la production de blé dur et la sélection de nouvelles variétés de semences adaptées à l’environnement. Ces actions, et bien d’autres, ont pu convaincre autour de nous, puisque nous avons su fédérer autour de nos valeurs et de nos actions un nombre important de PME/PMI. Preuve en est que le Ceimi compte aujourd’hui parmi ses membres, des patrons de l’est, de l’ouest, du sud et du centre de notre pays. 

Vous avez réussi à faire du Ceimi une force de proposition, en contribuant activement à quêter des solutions aux différents casse-têtes auxquels fait face notre économie…
Effectivement, nous avons mis à disposition de l’État notre expertise du terrain dans plusieurs secteurs, notamment la lutte contre la bureaucratie, l’économie informelle et la contrefaçon, le développement de nouvelles filières dans la formation professionnelle, la relance industrielle, la création et la gestion des zones industrielles, la fiscalité et le développement des investissements et, bien entendu, nous avons planché sur les conséquences de la pandémie sur l’économie nationale. Au niveau international, nous avons activement travaillé pour porter le message d’une Algérie qui ne veut plus être considérée comme un simple tiers consumériste qui achète produits et services hors frontières, mais comme un partenaire commercial et industriel à part entière. Nous avons toujours insisté avec nos partenaires étrangers sur la nécessité de mettre en place un partenariat gagnant-gagnant basé sur la confiance et le respect mutuel. 

La présidence du Ceimi est-elle une tâche ardue ?
Je dirais que c’est surtout une grande responsabilité. Quand des opérateurs économiques vous accordent par deux fois leur confiance, on a forcément une obligation de résultats. Mais j’avoue qu’en plus de leur confiance, ils m’ont également apporté un profond soutien. C’est une grande force sur laquelle j’ai pu m’appuyer pour porter leur parole au plus haut niveau, faire des propositions aux décideurs et renforcer les liens entre nos membres. Aujourd’hui, le Ceimi est un patronat reconnu au niveau national et international, cela demande du temps et surtout beaucoup de pragmatisme pour convaincre les interlocuteurs et nouer des partenariats efficients.

Dans le contexte actuel où l'entreprise est au cœur des enjeux économiques, quelles sont les valeurs que le Ceimi doit porter et défendre ?
Au Ceimi, nous nous définissons comme des patriotes économiques et des citoyens solidaires. C’est notre fil conducteur dans notre réflexion et dans la mise en œuvre de nos projets. Le patriotisme économique induit une participation active dans la construction de notre économie : moderniser nos entreprises pour plus de compétitivité, produire en qualité pour rehausser le label “Made in Algeria”, agir en toute intégrité pour valoriser l’image de notre pays et enfin accompagner les pouvoirs publics sur le chemin d’une réelle transition économique porteuse de développement. Ces sept dernières années, nous avons démontré que les finalités économiques et sociales ne sont pas incompatibles. J’ai toujours pensé qu’il n’est de développement durable que s’il est équitable. D’où notre vocation de citoyens solidaires ; il ne s’agit pas seulement de redistribuer une part des richesses acquises, mais également de mettre à disposition des plus fragiles les moyens nécessaires pour sortir de la précarité. L’exemple récent est celui que nous avons vécu pendant le confinement total à Blida où la plupart des entreprises ont continué à salarier leurs personnels, y compris pendant la mise à l’arrêt des unités de production. Elles ont ainsi protégé les salariés et leur santé, mais elles ont également maintenu les services essentiels à la vie du pays et fourni des solutions pour lutter contre le virus. C’est du patriotisme économique doublé de citoyenneté solidaire.

Quel rôle doit tenir le patronat dans la situation actuelle ?
Le patronat doit être une force de propositions et d’accompagnement à la transition économique. Il doit être en capacité de se faire entendre des pouvoirs publics en qualité d’expert du terrain. Dans notre pays, nous avons plusieurs patronats. Tous doivent être impliqués de manière égalitaire car ils ne couvrent pas forcément les mêmes secteurs d’activité, voire les mêmes tailles d’entreprise. Le fonctionnement de la tripartite doit être revisité pour permettre à l’ensemble des patronats d’exprimer les problématiques et les propositions pour y remédier, afin de mettre en œuvre une réglementation adaptée aux réalités de la sphère économique du pays.

La crise sanitaire n'a pas été sans conséquences sur l'entreprise algérienne, particulièrement les PME. Comment voyez-vous l'après-choc pandémique et quelles sont les clés de sortie de crise pour les entreprises ?
La pandémie a, effectivement, généré un choc économique au niveau mondial. Notre économie, qui était déjà largement fragilisée, a reçu un véritable coup de massue. La survie de nos entreprises et de notre économie va nécessiter une mobilisation et une solidarité exceptionnelles de l’ensemble des acteurs : l’État, les collectivités locales, les entreprises, les investisseurs et y compris les travailleurs. Il faut renouer avec la confiance, libérer les énergies et retrouver collectivement les ressorts du “Construire ensemble”. Comme il faut véritablement se donner les moyens de réaliser nos actes d’export dans de meilleures conditions pour faire face dignement à la concurrence internationale. Nous devons être conscients de la réalité budgétaire du pays et œuvrer pour que des mesures exceptionnelles ne bénéficient pas à tous, mais en priorité aux entreprises les plus en difficulté ou aux secteurs d’activité les plus sinistrés. Je pense en particulier aux TPE et au secteur du bâtiment. Le Ceimi a remis un rapport dans ce sens à la Commission de sauvegarde dès juillet 2020.

Propos recueillis par : Ali Titouche

 

 

 

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