Économie Flambée des prix et précarité sociale

Les Algériens peinent à joindre les deux bouts

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Badreddine KHRIS Publié 10 Janvier 2021 à 08:41

© Archives Liberté
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Consommateurs et commerçants ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts face à la dégradation généralisée de la situation économique et sociale. 

Mine défaite, les traits du visage tendus, l’air exténué, Toufik, la soixantaine environ, pousse nonchalamment le chariot contenant quelques petites commissions dans le parking de l’hypermarché Ardis. Ce cadre d’une entreprise publique donne l’apparence d’un chasseur, revenu bredouille d’une longue partie de chasse…

Pour toute la somme d’argent dépensée, il n’a pu faire toutes les emplettes qu’il souhaitait. “C’est très maigre comme achats pour 4 000 DA”, déplore-t-il en montrant quelques sachets de provisions. “Je n’ai acheté que l’essentiel”, confie ce client qui précise qu’ auparavant avec le même montant, “il s’approvisionnait du double de ce qu’il a acheté aujourd’hui”. 

Abdelkader, un habitué de cet espace commercial, venu en famille, subit de plein fouet la flambée des prix des produits alimentaires. Aucun produit de consommation n’a échappé à cette envolée des prix. Les tarifs des produits alimentaires, informatiques, électroménagers, téléphones portables, cosmétiques, quincailleries… deviennent presque inabordables sur le marché.

“L’envolée des prix est palpable, criante et elle doit inéluctablement dépasser les 20%”, lance-t-il avec assurance puisque, dit-il, il a l’habitude de faire le marché régulièrement. L’autre fait saillant observé dans l’enceinte du centre, a trait à la faiblesse saisissante de l’offre. “Il n’y a plus le choix comme c’était le cas auparavant. L’hypermarché est presque vide”, s’étonne une mère de famille.

“Les gérants remplissent un rayon complet avec seulement deux ou trois sortes d’articles”, relève-t-elle. Ce qui prouve bien le manque d’approvisionnement flagrant de cette grande surface en différents produits depuis plusieurs mois déjà. Une raison somme toute valable qui a fait fuir d’innombrables clients de ce supermarché.

En effet, rares sont les citoyens qui sortent avec des chariots ou des sachets pleins. “L’on ressent une grande différence entre la situation actuelle  et celle d’il y a quelques mois”, remarque, un père de famille rencontré à la sortie du marché Ali-Mellah, dans la commune de Sidi M’hamed. “Mon budget ne me permet pas de remplir mon couffin en divers produits alimentaires.

Je dois recourir à une sélection et choisir uniquement l’essentiel”, reconnaît un retraité, septuagénaire, un petit couffin à la main, qui, visiblement, n’arrive plus à joindre les deux bouts. La baisse vertigineuse du pouvoir d’achat a laminé, regrette-t-il, la classe moyenne. “De nos jours, soit tu es riche, soit tu es pauvre”, s’exclame-t-il.

“Cadre retraité et cadre en exercice trouvent, tous les deux, en ce moment, d’énormes difficultés à arrondir leurs fins de mois”, déplore-t-il, en rebroussant chemin, le panier quasiment vide, après avoir découvert les prix inaccessibles des fruits et légumes ainsi que ceux des autres produits étalés qui ont enregistré des hausses allant jusqu’à 20%. 

70 000 commerçants ont fermé 
Ils sont des millions d’Algériens à vivre le même malaise que ce retraité. Cette incapacité à s’offrir quelques produits alimentaires fait indubitablement baisser la consommation. Et ce recul de la demande importune sensiblement les commerçants qui ont vu leur business chuter inexorablement. “Depuis l’apparition de la pandémie en mars dernier, nous subissons des pertes colossales. Les 30 000 DA que l’État nous a promis, n’ont pas été versés à de nombreux commerçants. En tout cas, cette aide demeure insuffisante étant donné les déficits incommensurables que nous avons enregistrés depuis que les pouvoirs publics nous ont obligés à fermer nos magasins à cause de la pandémie”, avoue un épicier, installé à la rue Hassiba à Alger-Centre.

C’est dire que cette prime ne peut en aucun cas répondre aux grosses dépenses de ces détaillants dont la plupart paient cher soit entre 40 et 50 000 DA/mois la location de leurs boutiques. “Tous les commerçants s’accordent à dire qu’ils ont perdu plus de 50% de leur chiffre d’affaires depuis le début de la crise sanitaire”, révèle le gérant d’une supérette. Pis encore, d’autres ont carrément baissé rideau compte tenu de leur incapacité à trouver des solutions...

“Plus de 70 000 commerçants et artisans ont fermé leurs boutiques à travers le territoire national”, estime Hadj Tahar Boulenouar, président de l’Association nationale des commerçants et artisans algériens (Anca). Les mêmes difficultés ont contraint d’autres patrons à licencier 40% de leurs effectifs notamment les restaurateurs.  D’autres activités, tels les salles de sports, les salles des fêtes, les hammams…, sont toujours interdites. “Quel sort est réservé à cette catégorie ?”, s’interroge un des intervenants.

“Il n’y a rien de nouveau. Pour l’instant, nous attendons des décisions de la part des autorités auxquelles nous avons proposé l’octroi de crédits à ces commerçants et la mise à leur disposition des quelque 30 000 locaux commerciaux fermés à ce jour à l’échelle nationale afin qu’ils puissent reprendre leurs activités”, indique Tahar Boulenouar.

Par ailleurs, la dévaluation du dinar n’a pas été sans conséquence sur la mercuriale. La majorité des matières premières des produits fabriqués localement étant importée en devises, les prix pratiqués par les producteurs connaîtront inéluctablement une révision à la hausse sur le marché local. 

 


Badreddine KHRIS

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