Économie Flambées incessantes des prix à la consommation

Les raisons de la dérégulation

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Badreddine KHRIS Publié 30 Janvier 2021 à 22:42

© Archives/Liberté
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Le plafonnement des marges à la vente que voulaient imposer les autorités n’a pas eu les résultats escomptés, au vu des envolées injustifiées des prix de différents produits sur le marché.

Le marché national des produits agroalimentaires et de large consommation fait face depuis plusieurs années à une désorganisation qui a favorisé l’émergence du secteur informel et accentué le phénomène de la spéculation. Les stratégies mises en œuvre par les différents ministres qui se sont succédé au département du Commerce pour réguler un tant soit peu le marché se sont avérées inefficientes puisque les prix de ces produits enregistrent des fluctuations qui ont affecté de manière directe le pouvoir d’achat des consommateurs. Tous les acteurs du marché se rejoignent généralement sur les raisons à l’origine de cette problématique. Pour la Fédération algérienne des consommateurs (FAC), la dérégulation que subit actuellement le marché est due à un manque flagrant de marchés de gros à travers le territoire national.

“Les marchés de gros projetés à travers le pays, considérés comme un instrument de régulation par excellence, n’ont pas été réalisés dans leur totalité”, constate Mohamed Toumi, directeur exécutif au sein de la FAC. Il estime que le ministère de l’Agriculture est, lui aussi, responsable de cet amer constat compte tenu de l’absence criante de chambres froides dans les différentes régions du pays. “Quand il existe un excédent en produits agroalimentaires, ceux-ci ne trouvent pas d’endroits de stockage à cause de l’inexistence en nombre suffisant de ces chambres”, relève Mohamed Toumi.

Quand des produits agricoles, par exemple, ne trouvent pas preneur sur les champs, même à des prix dérisoires, ils sont affichés quatre fois plus chers chez les détaillants, déplore-t-il, en faisant allusion également à un autre facteur d’instabilité à savoir la spéculation, animée par un certain nombre d’intermédiaires intervenant entre le producteur et le consommateur final. L’idée ou la décision du prix de référence ou le plafonnement des marges que voulait imposer le ministère du Commerce n’a pas eu les résultats escomptés d’autant plus que des flambées continuelles des prix sont à chaque fois enregistrées sur le marché.

En revanche, l’implantation de grandes surfaces, de marchés de gros et de proximité, de façon équilibrée dans toutes les régions, aura un impact positif sur l’organisation du marché. Il trouve inconcevable qu’aucun marché de proximité n’est installé entre les communes de Ben Aknoun, Dély Ibrahim, Ouled Fayet, El-Achour… “Où les habitants de ces localités pourront-ils faire leurs achats ?” s’interroge Mohamed Toumi.

Le représentant de la FAC est pour la réutilisation et la réforme, si c’est nécessaire, du système de régulation des produits de large consommation (Syrpalac) qui devrait permettre de réguler les prix en faveur de l’agriculteur et du consommateur. Les différents offices installés il y a quelques années, notamment l’Onil (lait), l’Oaic (céréales) et l’Onilev (légumes et viandes) ne jouent toujours pas leur rôle de manière efficace. En tout état de cause, les prix de plusieurs produits alimentaires ont connu ces derniers mois une hausse parfois sensible.

La viande blanche, les pâtes, le lait UHT et les légumes secs sont les plus touchés par l’augmentation des prix qui risque de s’accélérer avec la dépréciation continue de la monnaie nationale. Depuis une dizaine de jours déjà, les prix des légumes secs et des céréales connaissent une hausse sur le marché. C’est le cas du riz, du blé et dérivés ainsi que les haricots et les lentilles. L’augmentation est évaluée entre 20 et 25 DA. Le prix du paquet de 500 grammes de pâtes a augmenté de près de 15 DA. 

Inefficience des instruments de régulation  
Les commerçants justifient cette augmentation par la hausse des prix de vente du blé dur destiné à la transformation. Dans les grandes surfaces, le kilo de couscous, est désormais cédé à 150 DA au lieu de 110. Le lait UHT est commercialisé plus cher. Son prix dans les magasins est passé de 90 DA le litre à 110 DA. Une hausse de plus de 20% que le producteur explique non seulement par la cherté des matières premières sur le marché mondial, mais aussi par la dépréciation du dinar algérien face aux devises étrangères.

Pour atténuer les méfaits de cette dévaluation du dinar sur les producteurs, Abdelwahab Ziani, président de la Confédération des industriels et producteurs algériens (Cipa), propose l’instauration par les pouvoirs publics d’une période de pérennisation ou de stabilité de notre monnaie face aux autres devises. Car, argue-t-il, “À chaque fois que le dinar glisse, le producteur supporte cette chute en grignotant sur sa marge qui se situe entre 15 et 30%. Et une fois cette marge réduite à néant, il sera dans l’obligation de réviser à la hausse ses prix. Le producteur peine vraiment à mettre sur le marché son produit avec les anciens prix vu la hausse des matières premières à l’international”.

L’opérateur se sent déstabilisé par cette instabilité de la monnaie nationale. Abdelwahab Ziani tient à rassurer toutefois, que les opérateurs disposent de matières premières locales et importées et qu’ils continuent à approvisionner le marché en produits de première nécessité. Outre la dégringolade du dinar, le président de la Cipa évoque comme autre argument, l’érosion du pouvoir d’achat de l’Algérien qui fait baisser la demande qui, à son tour, réduit les marges de manœuvre de ces entreprises. Il soulève également la question du gaspillage dans la consommation des produits subventionnés de large consommation. Outre le lait, il affirme que les quantités de pain jeté dans les poubelles sont évaluées à plus d’un milliard de dollars chaque année.

“La Cipa a toujours revendiqué une liberté totale des prix et de cibler les consommateurs qui sont dans le besoin. Il s’agit d’octroyer une somme d’argent aux familles nécessiteuses pour leur permettre de s’approvisionner tous les mois en produits nécessaires à leur consommation. Nous sommes contre les subventions généralisées”, indique notre interlocuteur. Tout père de famille dont le salaire est inférieur à 35 000 DA, souligne-t-il, ouvre droit à ce soutien. Cette mission incombe aux présidents d’APC qui, dès à présent, doivent recenser et dresser des listes de familles nécessiteuses. Tout en reconnaissant l’existence de cette flambée des prix sur le marché, Mohamed Bachir Tabti, chargé de communication de l’Association nationale des commerçants et artisans algériens (Anca), estime que cela est dû “à la dévaluation du dinar qui s’est répercutée sur le prix des matières premières importées”. 

“La fermeture des marchés de gros et de proximité a également influé sur la hausse des prix”, relève-t-il. Selon lui, la baisse des capacités de production des entreprises a, en outre, fait baisser l’offre engendrant ainsi une tension sur plusieurs produits. Cette sorte de léthargie qui a touché les diversesadministrations et les banques à cause de la double crise sanitaire et économique s’est également répercutée sur l’activité des producteurs qui ont fini par baisser le régime et le rythme de leur production.    

Badreddine KHRIS

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